Les habitants du village de Bilal, au Pakistan, ont vécu à quelques mètres du "bunker" de Ben Laden. Ils parlent volontiers de ce voisin mystérieux dont ils ignoraient l'identité jusqu'à l'attaque des hélicoptères américains.

La petite communauté est sous le choc. Incrédule. "Toute cette histoire a été montée de toutes pièces. Je n'en crois pas un seul mot", repètent en chœur les habitants de Bilal. C'est là, sur la commune d'Abbottadad, dans le nord du Pakistan, qu'Oussama Ben Laden a été abattu dans la nuit de dimanche à lundi dernier.

Les villageois se pressent autour de l'imposante bâtisse qui trône au milieu du village. Et parlent volontiers de leur celèbre voisin. "Comment voulez vous que Ben Laden ait pu vivre ici pendant autant de temps sans que personne ne s'en aperçoive ?" s'interroge Yassin, ébéniste. Sa maison est située à moins de 20 mètres de celle où les commandos américains sont intervenus. "Personne ne sait qui vivait là. On voyait parfois deux hommes d'une trentaine d'années sortir faire leurs courses. Ils étaient très discrets. Leurs femmes ne sortaient qu'en voiture. Mais les vitres étaient teintées."

Yassin a vu la maison se construire. "Quand ils ont érigé ce grand mur d'enceinte, j'étais très étonné. Un jour, j'ai demandé à l'un des deux hommes pourquoi ils faisaient cela. Il m'a répondu qu'il venait de Peshawar et que c'était leur tradition pour préserver leur intimité. Puis ils ont mis des barbelés. Je me suis dit qu'ils devaient être riches ou des hommes importants." Dans le village, il y a quatre épiceries. Hassan tient l'une d'elle. "Je les voyais régulièrement. Ils venaient comme tout le monde faire leurs courses et ils parlaient pachtou alors qu'ici, on parle urdu."

Les deux hommes étaient connus sous le nom de Arsahd Khan et Tareeq Khan. Ils ont été tués dans le raid. Il y avait aussi trois femmes et neuf enfants âgés de deux à douze ans - dont deux seraient de ben Laden. Aucun n'allait à l'école. "Ils ne sortaient quasiment jamais ou qu'avec leurs pères" affirme un autre voisin. "Un jour, raconte-t-il, mon fils, en jouant au cricket, a laissé une balle tomber chez eux. On a sonné. On ne m'a pas ouvert et quelqu'un a glissé 50 roupies sous la porte pour racheter une balle".

La nuit de l'assaut, tout le monde a eu peur. "Les fenêtres se sont mises à trembler. Puis on a entendu le bruit d'hélicoptères. Et enfin, une l'explosion quand l'un d'eux s'est écrasé" se souvient Yassin. "J'avais peur d'aller sur le toit alors j'ai observé par la fenêtre. Tout se passait à l'intérieur de la maison. La seule chose que j'ai vue est cet hélicoptère en flammes. On entendait plus qu'on ne voyait. On ne savait pas ce qui se passait. C'est le lendemain qu'on a appris la nouvelle à la télé".

Jeudi, la police a retiré le cordon de sécurité qui entourait la maison maudite Les badauds tournent autour du haut mur pour en percer les secrets. Ils n'ont plus que quelques jours. Les autorités pakistanaises ont en effet annoncé que la maison serait bientôt détruite. Pas question en effet qu'elle se transforme en lieu de pélerinage.