Lorsque des personnes atteintes de psychopathie imaginent la souffrance chez les autres, les zones du cerveau nécessaires pour ressentir de l'empathie et se préoccuper des autres ne s'activent pas et ne se connectent pas à d'autres régions importantes qui interviennent dans le processus affectif et la prise de décision, selon une étude publiée dans la revue en accès libre Frontiers in Human Neuroscience.
Citation Robert Hare Psychopathie
© Sott.net adapté en français de hare.org
La psychopathie est un trouble de la personnalité caractérisé par un manque d'empathie et de remords, un affect superficiel, une désinvolture, une attitude manipulatrice et une insensibilité. Des recherches antérieures indiquent que le taux de psychopathie dans les prisons est d'environ 23 %, ce qui est supérieur à la moyenne de la population qui est d'environ 1 %.

Pour mieux comprendre les bases neurologiques du dysfonctionnement de l'empathie chez les psychopathes, les neuroscientifiques ont utilisé l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle sur le cerveau de 121 détenus d'une prison de moyenne sécurité aux États-Unis.

Des scénarios visuels illustrant la douleur physique, comme un doigt coincé entre une porte ou un orteil coincé sous un objet lourd, ont été présentés aux participants. Ils ont ensuite été à tour de rôle invités à imaginer que cet accident leur était arrivé à eux ou à quelqu'un d'autre. Des images de contrôle qui ne représentaient aucune situation douloureuse, par exemple une main sur une poignée de porte, leur ont également été présentées.

Pour identifier leur degré de tendances psychopathiques, les participants ont été évalués à l'aide du PCL-R, un outil de diagnostic largement utilisé. Sur la base de cette évaluation, les participants ont ensuite été répartis en trois groupes d'environ quarante personnes chacun : fortement, modérément et faiblement psychopathes.

Lorsque les participants fortement psychopathes imaginaient leur propre douleur, ils montraient une réponse neurale typique dans les régions du cerveau impliquées dans l'empathie pour la douleur, y compris l'insula antérieure, le cortex médian antérieur, le cortex somatosensoriel et l'amygdale droite. L'augmentation de l'activité cérébrale dans ces régions a été exceptionnellement prononcée, ce qui suggère que les personnes psychopathes sont sensibles à la pensée de leur propre douleur.

Mais lorsque les participants imaginaient la douleur des autres, ces régions ne s'activaient pas chez les participants fortement psychopathes. En outre, lorsqu'ils imaginaient la souffrance des autres, ils ont montré une réponse accrue dans le striatum ventral, une zone connue pour son implication dans le plaisir.

Cette activation atypique, combinée à une connectivité fonctionnelle négative entre l'insula et le cortex préfrontal ventromédial, pourrait suggérer que les personnes ayant un score élevé en psychopathie ont en fait pris du plaisir à imaginer la douleur infligée aux autres et n'éprouvaient pour eux qu'une totale indifférence. Le cortex préfrontal ventromédial est une région qui joue un rôle essentiel dans la prise de décision empathique, comme le fait de s'occuper du bien-être des autres.

Pris ensemble, ce mécanisme atypique d'activation et de connectivité effective associé à de possibles manœuvres de manipulations peut éclairer les programmes entrepris dans un domaine où le pessimisme thérapeutique est plus la règle que l'exception.

L'altération de la connectivité peut constituer une nouvelle piste thérapeutique. S'imaginer dans la douleur ou la détresse peut déclencher une réaction affective plus forte que d'imaginer ce que ressentirait une autre personne, et ce procédé pourrait être utilisé comme technique initiale dans les thérapies cognitivo-comportementales pratiquées chez certains psychopathes, écrivent les auteurs.


Commentaire : Le pessimisme thérapeutique est certainement justifié compte tenu de ce que l'on a appris sur les psychopathes. Le Dr Robert Hare, expert en psychopathie, aborde la question :
Tant de ces questions gênantes disparaîtraient si seulement il existait un programme de traitement de la psychopathie qui fonctionne. Mais il n'y en a pas. En fait, plusieurs études ont montré que les traitements existants rendent les psychopathes criminels encore pires. Dans une étude, les psychopathes qui ont, avant leur libération, suivi une formation en compétences sociales et en gestion de la colère ont obtenu un taux de récidive de 82 %. Les psychopathes qui n'ont pas suivi le programme ont quant à eux obtenu un taux de récidive de 59 %. La psychothérapie conventionnelle part de l'hypothèse qu'un patient veut changer, mais les psychopathes sont généralement parfaitement heureux tels qu'ils sont. Ils ne s'inscrivent à de tels programmes que dans le but d'augmenter leurs chances de libération conditionnelle. « Ces personnes-là apprennent les mots mais pas la musique », dit Hare. « Ils peuvent répéter tout le jargon psychiatrique — 'J'ai des remords', ils parlent des délits cycliques — mais ce sont des mots, des mots creux. »

Hare a co-développé un nouveau programme de traitement spécifique pour les psychopathes violents, en utilisant ce qu'il sait de la personnalité psychopathe. L'idée est de les encourager à être meilleurs en faisant appel non pas à leur altruisme qui n'existe pas mais à leur intérêt personnel qui lui, est abondant.

« L'objectif n'est pas de changer la personnalité, mais de modifier le comportement en les convainquant, entre autres, qu'il existe des moyens d'obtenir ce qu'ils veulent sans nuire aux autres », explique M. Hare. Le programme tentera de leur faire comprendre que la violence est mauvaise, non pas pour la société, mais pour le psychopathe lui-même. (Regardez où cela vous a mené : en prison.) Un programme similaire sera bientôt mis en place pour les délinquants psychopathes au Royaume-Uni.

« L'ironie, c'est que le Canada aurait pu mettre tout cela en place et qu'il aurait pu être un leader dans le monde. Mais ils n'ont absolument pas été à la hauteur », dit Hare, en référence à sa proposition de thérapie vieille de dix ans, posée sur une étagère quelque part au sein du Service correctionnel du Canada.

Même si le programme thérapeutique de Hare fonctionne, il ne s'adressera qu'à la minorité constituée par les psychopathes violents. Qu'en est-il de la majorité, tous les psychopathes qui ne sont pas dépistés et qui nous entourent ? Pour l'instant, la seule chose que Hare et ses collègues peuvent offrir, c'est l'autoprotection par l'auto-éducation. Ils recommandent de connaître ses propres faiblesses, car le psychopathe les trouvera et les utilisera. Apprenez à reconnaître le psychopathe, nous disent-ils, avant d'ajouter que même les experts se font régulièrement duper.

Référence

Jean Decety, Chenyi Chen, Carla Harenski and Kent A. Kiehl. An fMRI study of affective perspective taking in individuals with psychopathy: imagining another in pain does not evoke empathy. Frontiers in Human Neuroscience, 2013 DOI: 10.3389/fnhum.2013.00489

Source de l'article initialement publié en anglais le 24 septembre 2013 : Science Daily
Traduction : Sott.net