Dès le 17 mars 2020, le confinement amorcé, les observateurs comprirent la rupture de cet authentique jour d'après, mais anticipèrent un peu trop vite, par la suite, l'avènement d'un monde d'après substantiellement différent.
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Pour satisfaire l'esprit, fut convenable de penser que ce monde serait meilleur. En revanche, Michel Houellebecq, pour qui la littérature ne doit pas avoir de vertus dormitives, convint que le monde d'après, pour autant qu'il arrive, risque d'être le même que l'ancien mais en pire. En réalité, cette crise a engendré deux impacts, l'un sur le système (société, Etat, économique) ; l'autre sur les consciences.

Avec des différences. Selon la position dans le système, l'impact sera plus intense et selon le vécu pendant le confinement, la conscience aura subi des facteurs plus ou moins impactant. Les uns ont continué à travailler comme avant, les autres se sont appliqués au télétravail à domicile, ou alors sont restés chez eux en chômage technique. Pour tous, le confinement fut une expérience inédite. Avec quelles conséquences ?

Ce que nous avons vécu s'appelle une crise. Autrement dit, une instabilité dans notre existence, qui au lieu de suivre un cours réglé par notre volonté, a été encadrée et déstabilisée, à l'image d'un cycliste ayant crevé et obligé de poursuivre son chemin à pied.

Le paysage est alors perçu différemment. Le confinement a engendré un vécu inédit mais tous n'ont pas été secoués de la même manière. Trois possibilités se présentent dans ce cas de figure où une instabilité se produit puis s'estompe, ce qui est arrivé après le confinement.

L'instabilité peut faire sortir des défauts, des caractères, des traits de pensée qui s'accentuent ; ou alors mobiliser le système psychique de résilience pour faire écran, vivre une parenthèse, puis reprendre à peu près comme avant, en retrouvant marques, repères et feuille de route ; ou enfin faire émerger un « mode d'existence » enfoui, avec des possibilités auxquelles nous n'avions pas pensé, en trouvant un sens nouveau à la vie devenu tout d'un coup saillant, avec des nouvelles évidences placées sous les yeux.

C'est cette troisième possibilité qui est la plus intéressante car elle est une source de changement profond, de progrès, parfois d'élévation spirituelle ou d'invention matérielle, culturelle. Une instabilité offre trois possibilités ; détruire ce qui n'était pas consolidé ou mal ajusté, faux en quelque sorte ; consolider une situation établie, réglée par les habitudes et la marque profonde de l'expérience ; ou laisser émerger un chemin, création, révélation, comme si une faille fracturait la conscience et laissait transparaître un éclat de lumière intérieure.

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Ces trois options ont été vécues et nombre de témoignages sont accessibles, ne serait-ce que pour cet élément mythique de notre vie, le « couple ».

Le confinement fut l'occasion pour nombre de couples de réaliser que le duo était en vérité bancal, pas vraiment assorti, si bien que des séparations et des divorces se sont produits. A l'inverse, quelques rares couples se sont révélés comme unis par des liens spirituels plus puissants qu'ils ne l'avaient imaginé, avec des sentiments se révélant comme plus intenses et parfois des projets communs placés dans l'inconscient avant la crise. Pour la majorité des couples, la crise n'aura pas engendré de grands changements. Ces considérations sont aisément transposables à l'échelle de la société, notamment au niveau des idéologies et des idées politiques se combinant à des pratiques collectives de la société civile, à l'écart du coaching public proposé par l'Etat. Des solidarités ont émergé à cette occasion, des incivilités aussi.

La société d'après sera à l'image des couples d'après. Des activités et des secteurs économiques, culturels, verront une désaffection, à l'image d'un divorce au sein d'un couple. D'autres secteurs seront consolidés, l'écologie, la croissance verte, sans oublier les secteurs en résilience, tourisme, aéronautique, automobile, restauration, croisières, transports, musées, parcs.

L'Etat ne veut pas divorcer avec les secteurs jugés clés, voire historiques, faisant partie du patrimoine industriel français et reflétant l'identité d'un mode de vie sévèrement impacté par la crise. La vie d'après pourrait être réinventée, orientée vers des réponses enfin actées, pour la planète, pour la santé, pour la solidarité. C'est ce que pensent les optimistes, croyant à l'action des hommes.

Je ne crois pas à ces espoirs constituant une sorte de nouveau mythe moderne et scientifique. Il manque un éveil spirituel, une remise en cause des fondamentaux matériels, scientifiques, sociaux et politiques, une méditation sur l'existence de l'homme déterminée par une essence de fonctionnaire dans le parc planétaire. Bref, il manque un retrait des saillances sautant aux yeux dans les cerveaux, au profit d'horizons issus de la profondeur de l'âme, autrement dit, l'éveil du réseau RMD collectif, capable de voir des sens nouveau, de révéler une clarté inédite, un sentiment de complétude, de spiritualité, un accroissement d'être plutôt que d'agir, comme dans les années 1970, une certaine génération. Autrement dit, agir pour être et non pas être pour agir dans la machine planétaire. La France comme d'autre pays se trouve face à un choix, que la plupart ne voient pas, un choix d'ordre spirituel. Ce n'est parce que la décroissance sera verte que les gens auront une nouvelle spiritualité, mais l'inverse, il faut se transformer intérieurement avant de songer à changer les conditions scientifiques et techniques du monde.

Le monde qui arrive risque d'être dur, terrible, avec une casse sociale sans précédent. Rien de commun avec la crise de 2008, résorbée en quelques années. La crise de 2020 n'est pas une récession, c'est une dépression. Les ressorts pour redémarrer ne sont pas présents dans les âmes décomposées par des décennies d'insouciance et de croyances aux modes et valeurs du parc humain productif et ludique. Les observateurs avertis ont publié des papiers sur ce thème. Mais vous pouvez continuer à dormir. Les activistes verts, gauchistes ou souverainistes du monde d'après vous manipulent, vous font croire qu'ils sont la solution au chaos qui arrive, alors qu'ils contribuent à renforcer ce chaos. Si vous vous sentez, finalement, morts, dormez, braves gens, ou réveillez-vous !