La crise sanitaire de 2020 est aussi une crise de société, pour ne pas dire de civilisation. Cette crise ne se réduit pas aux effets systémiques constatés dans le monde, causés par les décisions des gouvernants appuyées par une expertise scientifique et gérées par les systèmes de la puissance publique.
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© David GANNON / AFP
Cette crise est aussi intérieure, affectant les âmes et les consciences. Une peur s'est propagée. Quelle est la nature de cette peur ?

La question du mal comme introduction à la question de la peur

La Shoah a suscité des questionnements avec une controverse autour de la thèse développée par Arendt sur la banalité du mal, à l'occasion d'une enquête sur la personnalité d'Eichmann avant et pendant le procès de ce « bureaucrate des camps » tenu à Jérusalem.

Le mal était-il banal ou radical ? Cette question est importante mais sans doute mérite-t-elle une analyse sémantique précise. Que signifient ces qualificatifs de banal et de radical ?

Banal signifie qu'Eichmann aurait agi comme un fonctionnaire, effectuant une tâche sans se préoccuper de la portée morale ou idéologique des gestes accomplis.

Radical est employé dans un sens proche de celui utilisé pour désigner des individus adhérant aux idéologies islamistes, salafistes ou autre. Ces gens sont désignés comme radicalisés, adjectif que nul n'emploierait pour parler d'Eichmann alors que cet homme était bel et bien radicalisé, comme la plupart des exécutants du nazisme.

Le nazisme fut une radicalité d'État, comme l'est le salafisme dans des pays musulmans mais pas en France. Seuls quelques individus sont radicalisés, ce qui veut dire que l'idéologie toxique à laquelle ils adhèrent s'est enracinée dans leur âme, avec le mal comme puissance qui les habite et leur permet de commettre parfois des attentats.

Le débat porte alors sur un mal enraciné ou alors un mal contingent. Autrement dit, Eichmann adhéra au nazisme en étant imprégné de cette peste idéologique ou alors Eichmann n'était qu'un fonctionnaire qui s'est trouvé là au moment où il fallait signer des formulaires pour envoyer des juifs vers les camps.

Le mal enraciné est tout autre.

Si le mal est radical, alors Eichmann envoya les juifs vers les camps en connaissance de cause, accompagnant ces actes par une adhésion à la peste idéologique nazie. C'est donc ici le point central de la controverse générée par l'analyse d'Arendt qui exempta Eichmann de l'accusation de radicalité en traçant une conjecture hasardeuse sur une déficit de pensée, bref, faisant d'Eichmann on homme ordinaire, un représentant du On heideggérien.

Une analyse bien menée qui fut déconstruite depuis. Un mal radical est un mal essentialisé, par opposition à un mal banal qui lui, apparaît comme contingent ou alors accidentel. Essentialisé signifie qu'il est devenu une puissance, qu'il se manifeste avec une intention. C'est simple à comprendre. Un mal accidentel se produit lors d'un emportement, une colère passagère, un coup échangé, un coup malheureux, parti trop vite, inopinément. En revanche, le mal essentialisé génère une intention. Le coup n'est pas accidentel, il est prémédité, il est parfois calculé. L'homme infesté de ce mal attend l'occasion, le prétexte pour porter le coup et il le fait en trouvant raisons et justifications. Le nazi savait pourquoi il envoyait les juifs au camp, le pervers narcissique sait pourquoi il détruit sa victime qui devient son exutoire, une victime coupable de ne pas suivre la loi de sa toute puissance et doit en conséquence expier sa faute. L'essence du mal est d'être un poison de l'âme qui souvent, pour se soigner, n'hésite pas à faire le mal à l'extérieur, comme si par un effet de miroir le patient infecté par le mal voyait dans l'autre la cause de ce mal.

La vengeance aussi repose aussi sur un mécanisme du mal entré dans l'âme après des événements fâcheux subis par « victimes » dans le passé. Mais il n'est pas nécessaire d'avoir été victime, il suffit de se sentir victime par procuration, comme dans les familles corses où se pratiquait la vendetta et maintenant dans les mouvements féministes ou alors anti-esclavagiste. Chaque femme ou chaque membre de la communauté noire américain pratiquant la posture de la victime. Pour les unes Bertrand Cantat ne doit plus se produire sur les scènes musicales, pour les autres il faut déboulonner les statuts des « héros » de l'ère coloniale. La vengeance est un ressentiment dont on peut dire que comme le rire, il est le propre de l'homme, sauf qu'il ne fait pas rire. Le sentiment de vengeance appartient au mal essentiel, bien qu'il soit de moindre intensité que la haine. Les nazis étaient habités par ce mal essentiel composé de ressentiment à l'égard de la grande défaite de 1918, du traité de Versailles qui s'en suivit, avec une haine des valeurs démocratiques libérales, du parlementarisme et surtout, la haine des juifs et de tout ce qu'ils ont réalisé dans le monde moderne. Cette haine a poussé les nazis à commettre l'abominable. Ils n'ont pas été les premiers ni les derniers. Des centaines de milliers de tutsis furent massacrés en plein milieu des années 1990.

Du mal à la peur

Il existe en premier lieu une différence (a) le mal en soi et le (b) mal produit dans le monde. Faire mal et avoir le mal en soi sont deux choses distinctes. Une pierre qui vous tombe dessus risque de vous faire mal mais la pierre est sans âme. Une porte refermée sur votre main vous fera mal mais celui qui l'a refermée n'avait pas vu votre main et ce pourrait très bien être une belle personne dans la vie au quotidien. Le mal en soi est une maladie portée par l'homme qui très souvent, se décharge en mal causé dans la société et si ce n'est pas le cas, finit par altérer l'organisme.

Le mal occasionné passe par plusieurs types de causes se scindant en intentionnelles et non intentionnelles On distingue ainsi (i) Le mal produit par la radicalité, l'essence toxique qui a infesté l'âme, telle une énergie sombre débordant pour générer le mal en visant des cibles, expiatoires le plus souvent ; un mal qui se propage dans les gouvernants et les populations Il existe aussi (ii) un mal intentionnel mais contingent, produit par une situation qui ne rend pas nécessaire la génération du mal mais l'acte qui va le produire. Ce mal n'est gouverné par une essence toxique, il arrive lorsque les événements le justifient, par exemple lorsqu'un policier est d'obligé d'abattre un forcené pour éviter le pire. Un mal est causé pour en éviter un autre. C'est un classique de la sociologie. (iii)

Le mal rationnel est le fait des fonctionnaires et autres bureaucrates prenant des mauvaises décisions ou alors imposant des contraintes morales ou physiques depuis leur bureau. Ils le font pour obéir aux ordres ou alors parce qu'ils sont convaincus de réaliser des opérations conformes à une idéologie qui les justifie. Ce fut le cas pour Eichmann. On peut actuellement se poser la question en observant les propos et les agissements du préfet de Paris Lallement. C'était sans doute le cas d'Eichmann. (iv) Le mal accidentel arrive par pure contingence, à l'occasion d'un mot de travers échangé, d'un énervement passager, d'un énergumène imbibé d'alcool et ne savant plus se maîtriser. Le mal accidentel est causé sans intention, contrairement au mal produit par la radicalité (l'essence).

Peut-on transposer la question du mal à question de la peur ? Vous croisez un serpent ou un ours, vous avez peur et vous faites tout pour l'éviter. Ce n'est pas une tare et c'est même le signe que l'évolution adaptative a développé des mécanismes neurologiques de survie. Quand le serpent détale vous n'avez plus peur. En randonnant sous un orage, vous avez peur tant que la foudre continue à tonner, après c'est terminé et tout est oublié. Dans d'autres circonstances la peur dure des mois, voire des années. A chaque moment, le résistant craignait de voir un Allemand débarquer chez lui ou surgir d'un talus, et pour vivre avec cette peur durable, il fallait s'armer de courage. La peur est une nécessité et le courage est une utilité qui sert à vivre avec la peur.

S'il est humain et sain d'avoir peur pour inciter à la prudence et la vigilance, en revanche, des peurs irrationnelles ou irraisonnées peuvent émerger et constituer un poison comme le mal, un poison conduisant les hommes et le pouvoir à commettre des actes inappropriés, voire même l'irréparable. Combien de « sorcières » brûlées pendant la longue chasse au démon pendant les XVIe et XVIIe siècle en Europe ? La peur des sorcières a conduit les tribunaux princiers à prononcer des peines de mort, tout en gagnant l'assentiment des populations manipulées par la propagation d'une ambiance de peur. De plus, il n'est pas certain que la peur ait été le seul ressort dans cet épisode. Des enjeux de pouvoir sur les corps et les âmes ont traversé ces siècles. C'est autant la peur que la défiance (parfois haineuse) face à ces « femmes renégates » qui conduisit aux bûcher les sorcières.

Par ailleurs, les pouvoirs politiques ont parfois été gagnés par la peur ou alors ont généré la peur dans les populations qu'ils voulaient mettre sous leur coupe. Ce fut le cas dans l'Union soviétique, de Staline à Brejnev. Les États-Unis n'ont pas échappé aux épisodes de panique politique et ont connu pitoyable époque du maccarthysme. Les autorités avaient pris en grippe les communistes et autres gauchistes. Plusieurs millions d'Américains furent soumis à des enquêtes policières et judiciaires. Le dramaturge Arthur Miller en fit une pièce de théâtre, Les sorcières Salem, en se basant sur le procès en sorcellerie tenu à Salem en 1692. Il présenta sa pièce comme une allégorie du maccarthysme et fut placé à son tour sur la liste établie par le Comité des activités anti-américaines. La peur, sentiment ou émotion naturelle, a été souvent employée par le pouvoir pour contraindre les populations à se plier aux règles fixées par l'Etat et parfois, c'est carrément le pouvoir qui fut habité par les peurs.

La peur spontanée est transitoire. En règle générale, elle est ajustée à l'intensité de la menace et produit une réaction appropriée. La peur vous place en situation de vigilance, elle vous rend attentif et prudent et lorsque la menace arrive, elle vous permet de réagir avec justesse. En revanche, une peur instillée par des messages émanant des gouvernants et gestionnaires de la société peut devenir irraisonnée, amplifiée, exagérée. Le résultat psychique n'est tant une peur qu'un sentiment diffus constitué de crainte, inquiétude, anxiété. Ces sentiments logent dans l'âme durablement, comme c'est le cas pour le « mal » essentiel ou radical. L'inquiétude et l'anxiété deviennent un caractère essentiel ancré dans la société, sorte d'énergie grise entretenue maintenant par les médias de masse, les infos en continu, les réseaux sociaux. La peur arrive en réaction à une situation objective, l'anxiété maladive est logée à l'intérieur de l'âme, sans qu'il soit nécessaire qu'un objet la génère.

Si la « peur » fut légitime lorsque la vague épidémique arriva en mars 2020, elle ne se justifie plus en septembre 2020. Les « parlants » dans les médias, politiques, experts, journalistes, ont instillé depuis la fin du déconfinement une peur du virus et de la maladie, alors que les hospitalisations et réanimations étaient restées modestes, décroissant progressivement pour se stabiliser à partir de la mi-juillet. Cette fabrication d'une société habitée par la crainte fut dénoncée par quelques rares observateurs, au point que des médias ouvrent le débat sur une situation de dictature sanitaire en France.

La crainte qui n'est pas liée à une situation réelle devient un mal, non pas un mal positif incitant à agir, à se mobiliser, à haïr, à détruire, mais un mal qui inhibe, empêche de se lancer avec passion et joie dans les actions, rend les gens timorés, génère parfois de la lâcheté. Bref, une crainte maladive qui finalement est un moindre mal, mais un mal tout de même, qui mine la société, empêche les gens de vivre librement, sereinement, de cultiver l'amitié, l'invention au quotidien, le partage. Cette crainte ou inquiétude maladive conduit les gens à voir dans l'autre un contaminé, un pestiféré, à l'instar des sorcières habitées par le démon du mal, ce qui nous ramène des siècles en arrière, nous qui avons cru qu'avec la science nous entrions dans le royaume radieux de la connaissance et du bien vivre matériel.

La peur maladive a été instillée collectivement, par les médias, les experts, les politiques. Elle s'est disséminée dans les populations en manque d'immunité rationnelle ou spirituelle. Les gens portent le masque parce qu'ils ont craignent le virus, d'autres parce qu'ils redoutent un reconfinement, ou alors craignent le gendarme, enfin, c'est pour beaucoup un chantage moral, autrement dit une culpabilisation, acceptée avec une drôle de servitude ; refuser le masque c'est ne pas vouloir protéger les autres, c'est conduire les fragiles dans les salles de réanimation. La configuration éthique et morale de la peur est plus compliquée que la question du mal, qui n'était déjà pas simple, suscitant des milliers d'articles philosophiques. Les autorités combattent un mal épidémique par un autre mal qui pourrait être dévastateur. Suppression des libertés publiques, masque du visage, délitement des relations sociales, ambiance de crainte, surveillance policière de chaque individu dans la rue. Il n'y a que dans les dictatures que l'on voit cela. En honnête homme du monde, vous faites tranquillement vos courses dans un supermarché et vous voyez débarquer deux gendarmes, des militaires, venus contrôler le port du masque. Dans les centres-villes, dès que vous arpentez une rue, vous devenez suspect, surveillé par les policiers venus constater si vous avez le masque. Que vous le portiez ou pas, vous êtes surveillés !

Enfin, la peur est instillée en direction d'une population qui est censée ne pas avoir peur, les jeunes. Les messages d'alerte sont émis par les journalistes de service relayant les sachants experts. Même jeunes, vous êtes en danger disent les autorités. Fais pas ci fais pas ça. On dirait des messages de surveillants dans une cours d'école, adressés à des enfants. Danger ou pas ? Les chiffres parlent. De mars à septembre 2020, 98 décès ont été enregistrés dans la tranche des 30-40 ; soit en ajoutant les quelques décès de la tranche précédente, un peu plus de 100 décès pour les 20-40. Pendant cette période, la sécurité routière enregistre quelque 1600 décès sur les routes, sans compter les accidentés. En calculant approximativement, circuler sur les routes est cinq fois plus mortel que le Covid pour les 20 à 40 ans. Pour les 40 à 50 ans, on dénombre 250 décès du Covid, soit une mortalité équivalente à celle de la route si l'on fait un calcul des accidents dans cette tranche.

Une dictature sanitaire ?

Cette question fut débattue lors de plateaux télévisée, preuve s'il en est qu'il y a encore des observateurs lucides pour se pencher sur l'état des sociétés à l'époque du Covid. Olivier Servais et François Gemenne ont publié une remarquable tribune le 15 août dans le quotidien belge Le Soir. J'en donne quelques extraits :
« La question du risque ne peut se résumer au seul point de vue des virus (...) Nous prenons tous les jours des risques, souvent à notre insu. Conduire en voiture, c'est accepter le risque de l'accident (...) Vivre en ville, c'est accepter le risque lié à la pollution atmosphérique (...) Faire le choix de l'énergie nucléaire, c'est accepter le risque d'un accident nucléaire - deux accidents nucléaires majeurs jusqu'ici, pour 447 réacteurs nucléaires civils en activité dans le monde au début de l'année 2020, dont près de 70 % ont plus de 30 ans. Pourtant, la situation actuelle nous fait courir un autre risque : celui d'un effondrement sociétal à plus long terme, faute de fondement ou de sens. »
« En Belgique, les politiques préfèrent manifestement contrôler, culpabiliser et pénaliser plutôt que de vraiment informer, éduquer et faire confiance. Cette situation est très clairement le produit de la rupture du lien de confiance entre les représentants des citoyens et les citoyens eux-mêmes.

Face à une idéologie de la maîtrise qui perd pied faute de visibilité sur l'ennemi viral, le Conseil national de sécurité́ applique une idéologie d'hyperconfinement : il faut enfermer, cloisonner, bref sécuriser les citoyens à défaut de produire un consensus social sur le niveau de risque acceptable. Chacun n'est plus lié aux objectifs communs que par les injonctions fortes du pouvoir sanitaire : "faire société" est devenu obsolète.

Dans une société matérialiste où l'objectif ultime se révèle de plus en plus pour certains la lutte effrénée contre la mort, on en arrive vite à se couper de tous les autres pour sauver nos petits pénates existentiels. Car pour sauver les corps physiques en les barricadant, nos gouvernants fragilisent le corps social. Ils délitent les liens en les virtualisant, ils imposent des distances qui créent de la vulnérabilité collective (...) Saura-t-on un jour quelle surmortalité a été entraînée par la récession, par les faillites, ou tout simplement par la perte de repères sociaux ? Cette situation nous apparaît comme l'ultime étape d'un désenchantement absolu du monde (...) Car à pousser à son paroxysme cette rhétorique du "risque zéro", cette hypertrophie hygiéniste, on réduit certes le risque de mort biologique, virale, mais on court le risque mortel d'une inhumanité en devenir. En effet, hors du risque de mort, point d'humanité : c'est celui-ci qui nous confère notre liberté et conditionne l'exercice de notre libre arbitre. Mais cette mort peut autant être biologique que sociale, individuelle que communautaire. Ne pas percevoir cette dialectique, ce serait en quelque sorte bâtir un second déni, le déni de l'humain comme être intrinsèquement collectif, d'être ne trouvant à exister et à se déployer qu'en société »
Ces lignes témoignent d'une analyse lucide de la situation des pays européens à l'approche de la rentrée. Les nations européennes ne sont pas les seules à être affectées par un excès d'autoritarisme déployé en réaction à la crise sanitaire qui devient sociale et politique. Au Maroc la situation est plus tendue qu'en France. La ville de Casablanca est occupée par les chars de l'armée surveillant non pas des émeutiers mais des simples gens suspectés d'être contaminants et priés de rester chez eux. Ces phénomènes politiques ont été expliqués il y a près de trois siècles par Montesquieu, auteur d'un livre sur le pouvoir et qui savait que : la peur est le ressort de la tyrannie ; la vertu est le ressort de la république. Tant que la peur persistera, nous serons condamnés à subir cette sorte de tyrannie sanitaire déployée par le régime. Pour en sortir et retrouver le visage de la république, sans les masques, il faudrait au minimum mobiliser, pour maîtriser la peur et la crainte, ce ressort vertueux contre la peur qui est le courage. Que dire de plus ?

Une chose est certaine, la peur, la crainte, l'inquiétude ou l'anxiété sont devenues endémiques dans la société. Mais la situation est incomparable avec le nazisme ou l'Occupation
. En revanche, les mécanismes de la crainte présentent des similitudes. A vouloir combattre une épidémie, les autorités prennent des décisions occasionnant un mal dans la société, un mal social, une destruction des fondamentaux réglant les relations sociales, constituant les fondements de notre humanité.
A ne voir que l'obsession du virus, les autorités ne regardent pas le délitement de la société, l'évolution vers un lent suicide. Eichmann signait des documents, avait-il vu ce qui se passait dans les camps ? Non, mais il trépignait à l'idée de massacrer les juifs. Les exécutants et décideurs du Covid-19 ne voient pas ni ne comprennent ce que vivent les gens au quotidien ; seules les données sur la circulation du virus a une importance, avec le respect des mesures par la population. Ils veulent en finir avec le virus mais comme c'est impossible, ils ne pensent qu'à freiner au plus possible l'épidémie, quitte à imposer aux gens des mesures antisociales. Ils ont semble-t-il une âme desséchée, celle des fonctionnaires obtus regardant les chiffres, les calculs, jouant sur les relais dans l'administration. Que penser des radicaux qui, comme Patrick Juvin ou Patrice Pelloux, souhaiteraient le port du masque à l'échelle du territoire ? Ces recommandations montrent bien que parmi les membres du corps médical, certains ont pris un virage autoritaire, froidement rationnel, laissant sur le côté les principes de la médecine humaniste ; cette médecine qui doit être au service du bien, pratiquer des soins en prenant en considération un humain et non pas une maladie, et surtout en conservant les fondamentaux de la vie sociale, du contact, que ce soit dans un cabinet médical ou dans une ville, face à de vrais visages, des sourires, des bouches s'ouvrant pour laisser s'échapper la parole et le souffle de l'esprit.

Une énigme pour conclure

S'il paraît acquis que la peur a été intentionnellement diffusée, en revanche, les intentions de ceux qui s'en sont chargés ne sautent pas aux yeux. A leur décharge, on pensera que les dirigeants ont eu peur du virus, des conséquences épidémiques, des réactions des professionnels, des frondes populaires, alors ils ont inquiété les gens pour les faire participer à la « guerre contre le Covid » en présentant leur discours comme un appel à la prudence, du reste relayé par les médias avec cette incise sur l'écran « soyez prudents » après le « restez chez vous » du confinement. Cette peur a été aussi diffusée par beaucoup d'acteurs, notamment médiatiques. Quelles ont été les intentions profondes, un souci de contenir la maladie, d'appeler à la prudence, de réagir à une épidémie, ou alors une sorte d'intention maladive, un calcul politique ? Pour y répondre, il faudrait sonder chaque âme. Mais il est sans doute probable que toutes ces réactions traduisent un certain côté maladif constitutif de nos sociétés à l'ère du Pathos. Nous sommes tous concernés par cette question.