Selon une nouvelle étude, la nuée ardente libérée par le Vésuve en l'an 79 aurait englouti Pompéi pendant entre 10 et 20 minutes. Une durée suffisante pour que la majorité de ses habitants meurent asphyxiés par les gaz et les cendres.

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© Buena Vista Images/Getty ImagesLes ruines de Pompéi devant la silhouette du Vésuve.
C'était en l'an 79. Après huit siècles de sommeil, le Vésuve entrait violemment en éruption et projetait un nuage de cendres et de gaz brûlants dans les airs. Les alentours du volcan n'y résistèrent pas. Les heures suivantes, ce sont des milliers d'habitants qui furent tués, des paysages dévastés et des villes dont Pompéi et Herculanum rayées de la carte.

Cette catastrophe demeure à ce jour l'une des plus dramatiquement célèbres de l'Histoire. Mais que s'est-il exactement passé ce jour-là ? Et comment les habitants sont-ils réellement morts ? C'est ce que tentent encore de déterminer les scientifiques et archéologues près de deux millénaires après l'éruption.

De précédentes recherches ont estimé que le nuage du Vésuves'était élevé jusqu'à une trentaine de kilomètres et avait déversé quelque quatre kilomètres cubes de pierres ponces et de cendres sur ses alentours. Aujourd'hui, une nouvelle étude publiée dans la revue Scientific Reports vient compléter le tableau.

Pompéi
© Dellino et al., Scientific ReportsA Pompéi, les dépôts de matériaux volcaniques témoignent de l'ampleur de l'éruption du Vésuve.
Selon ces travaux menés par une équipe italienne et britannique, la nuée ardente du volcan italien aurait persisté entre 10 et 20 minutes à Pompéi. Soit suffisamment longtemps pour que la majorité des habitants meurent asphyxiés par les gaz et les cendres avant d'être atteints par les autres éléments relâchés par le Vésuve.

Une coulée moins brûlante et intense ?

Les coulées pyroclastiques sont le phénomène le plus dévastateur des éruptions dites explosives. Comparables à des avalanches, elles sont formées d'un flux dense de particules de température élevée qui dévale à très grande vitesse les flancs du volcan. Selon les recherches, l'éruption de 79 aurait connu deux phases et libéré plusieurs coulées.

A Herculanum, qui était situé au pied du Vésuve, les observations ont suggéré que la température et la puissante du phénomène étaient tellement élevées que toute survie était impossible. A Pompéi localisée un peu plus loin, en revanche, les indices laissaient penser que la coulée était peut-être moins brûlante et intense.

Or, sous de telles conditions, une survie pourrait éventuellement être possible si la coulée n'avait persisté que pendant quelques minutes. C'est pour en avoir le coeur net que les scientifiques ont démarré une nouvelle étude en combinant des données collectées sur le site archéologique et les résultats de précédentes recherches.

Ceci leur a permis de concevoir un modèle mathématique pour réaliser des simulations numériques et estimer les paramètres physiques des coulées pyroclastiques. Verdict : les habitants de Pompéi n'avaient finalement que très peu de chances d'échapper aux phénomènes dévastateurs.

17 minutes en enfer

Selon les résultats, le mélange de gaz et de cendres présentait une température avoisinant les 115°C et une pression dynamique légèrement supérieure ou inférieure à 1.000 pascals (Pa). C'est bien moins que les valeurs estimées à Herculanum. Mais à Pompéi, la coulée aurait largement perduré.

Pompéi
© Dellino et al., Scientific ReportsCes corps encore intacts et vêtus découverts à Pompéi laissent penser que la température de la coulée n'était pas suffisamment élevée pour les brûler, contrairement à Herculanum.
Les calculs indiquent qu'elle aurait englouti la ville durant 17 minutes en moyenne. Combinée à la concentration en particules, cette durée semble largement suffisante pour provoquer des effets mortels sur les habitants. En clair, l'asphyxie liée à l'inhalation des cendres seraient la principale cause de décès chez ces derniers.
"Il est probable que des dizaines de personnes sont mortes en raison de la pluie de lapili (les éjectats volcaniques, ndlr) qui est tombée sur Pompéi après l'éruption, mais la plupart sont mortes d'asphyxie", a résumé Roberto Isaia, chercheur à l'Observatoire du Vésuve de l'Institut national de géophysique et de volcanologie (INGV) repris par The Guardian.

"Ces 15 minutes au sein d'un nuage infernal ont dû être interminables. Les habitants ne pouvaient pas imaginer ce qui était en train de se produire. Les Pompéiens ont vécu avec les séismes mais pas avec les éruptions, donc ils ont été pris par surprise et balayés par le nuage incandescent de cendres", a poursuivi le co-auteur de l'étude.
Si cette nouvelle étude précise le scénario de l'éruption, ce dernier comporte encore de nombreuses zones d'ombre, que les archéologues tentent de combler en poursuivant les fouilles sur le terrain. Et près de deux millénaires après, les découvertes se poursuivent au milieu des ruines de la cité disparue.

Comprendre pour mieux prévoir

Néanmoins, ces travaux résonnent aussi dans le présent alors que le Vésuve, de même que de nombreux volcans, demeurent sous étroite surveillance à travers le monde. "Le modèle développé peut être appliqué à d'autres volcans actifs", a confirmé dans un communiqué Roberto Isaia.

Vésuve
© NASALe Vésuve située dans la baie de Naples demeure aujourd'hui sous haute surveillance.
"Il est très important d'être capable de reconstruire ce qui s'est produit durant les éruptions passées du Vésuve, à partir des données géologiques, afin de retracer les caractéristiques des coulées pyroclastiques et leur impact sur la population", a renchéri le professeur Pierfrancesco Dellino de l'université de Bari en Italie et premier auteur de l'étude.

"L'approche scientifique de cette étude révèle des informations contenues dans les dépôts pyroclastiques qui clarifie de nouveaux aspects sur l'éruption de Pompéi et fournit des aperçus précieux pour interpréter le comportement du Vésuve, également en termes de protection civile", a-t-il ajouté.
Le volcan napolitain s'est réveillé à plusieurs reprises au XXe siècle. Sa dernière éruption remonte à il y a plus de 75 ans, en 1944. Mais s'il en connaissait une nouvelle, les conséquences pourraient être considérables. Actuellement, quelque 700.000 personnes vivent sur les flancs du Vésuve et quatre millions dans la région environnante.