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© APLa "vie sexuelle complexe" du patron du FMI l'aurait déjà plongé dans plusieurs affaires, rendues publiques ou non
« Depuis plusieurs mois, j'ai demandé que Dominique ne se déplace plus sans être accompagné par deux ou trois gardes du corps. Il ne faut jamais le laisser seul. Non pas pour le défendre contre une quelconque agression, mais je choisis les mots justes, non diffamatoires, pour empêcher mon ami disons... de céder à la complexité de sa vie sexuelle. Cela, bien sûr, dans l'éventualité de sa candidature à l'élection présidentielle de 2012. »

Ce proche de Dominique Strauss-Kahn nous a fait cette déclaration alarmiste, il y a environ trois mois, lors d'un déjeuner à Paris. Curieusement, ce responsable du PS n'a pas été écouté. Les conseillers du directeur du FMI préfèrent alors ressasser de vieilles affaires politico-financières qui ont plombé son ascension politique au début des années 2000 : sa relaxe finale dans le dossier de la Mnef, le salaire de son ancienne secrétaire payé par Elf et sa curieuse détention de la fameuse cassette Méry, illustrant le financement illégal du RPR. Pourtant, cette alerte ne faisait que refléter ce que beaucoup chuchotaient, depuis une quinzaine d'années, parmi nombre de journalistes politiques parisiens et de caciques des grands partis français. Ce proche et ami de DSK ne se contentait pas de le décrire comme « un grand séducteur de femmes, flambeur et dilettante ». Ce militant socialiste n'avait qu'une idée en tête : protéger contre lui-même son ami et patron.

Risque de scandales

Son objectif restait, comme en 2006, de le voir arriver à l'Elysée et s'asseoir dans le fauteuil de président de la République. Ce qui n'était pas évident, malgré les bons sondages de son candidat, vu le risque de scandales sexuels à répétition. Comme nous l'a affirmé notre interlocuteur, il y a trois mois : « Dominique, sorte de funambule aux nerfs d'acier et à la prodigieuse intelligence, constitue en fait une bombe à retardement qui peut exploser à tout moment... »

Dimanche dernier à New York, ses « pompiers » experts en communication de crise et situation d'urgence sont arrivés trop tard, pour la première fois. Leur erreur : ils n'avaient pas prévu le pire.

Un journaliste avait eu l'intuition (ou le courage ?) de prévoir ce pire et de briser l'omerta médiatique autour de DSK et, plus généralement, sur la vie privée des politiques dans l'Hexagone. Correspondant de Libération auprès du Parlement européen à Bruxelles, Jean Quatremer écrivait sur son blog Coulisses de Bruxelles le 9 juillet 2007 : « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c'est la curée médiatique. [...] La France ne peut pas se permettre un nouveau scandale. »

Plutôt que de tirer les leçons de cette mise en garde, les « pompiers » de DSK ont fait pression pour que le journaliste de Libération censure son blog de toute allusion à DSK. Ce qu'il n'a pas fait.

Aujourd'hui, comme tous les autres proches du directeur du FMI, notre interlocuteur se voit obligé de tenir un discours consensuel au nom de la présomption d'innocence. C'est-à-dire de déclarer et de répéter que « le prétendu viol d'une femme de ménage, à l'hôtel Sofitel de New York, ne ressemble pas du tout à l'ancien député maire de Sarcelles ». Bien sûr, plusieurs de ses conseillers et proches n'ont cessé de mettre en garde DSK contre ses penchants particuliers. L'intéressé refusait à chaque fois de discuter du fond de « l'affaire », se contentant d'en rire ou d'en sourire, d'encaisser les critiques, sans réagir dans un sens ou dans un autre. Son intelligence, il est vrai, brillantissime, lui permettait de noyer le poisson sans avoir à s'expliquer, rendre des comptes ou même accepter de prendre quelques précautions.

Une succession d'affaires ?

Or les « affaires » se seraient succédé en France et à l'étranger. La quasi-totalité n'aurait jamais débouché sur le plan médiatique ou judiciaire à l'exception de deux d'entre elles. L'une concernait en France une journaliste et l'autre aux Etats-Unis une haut fonctionnaire du FMI. Les autres se seraient déroulées en l'absence totale de la moindre procédure de police ou judiciaire ainsi que de la moindre allusion dans la presse. Elles auraient eu pour victimes plusieurs jeunes femmes, dont des militantes du PS et des Beurettes, selon nos informations émanant de proches, pourtant bienveillants à l'égard de DSK. Toutes ces affaires se seraient réglées à l'amiable entre les parents de ces victimes et des responsables du PS. Ces derniers auraient réussi à calmer, avec beaucoup de difficultés, ces sympathisants socialistes (certains s'étaient armés d'une hache ou d'un couteau, selon notre source) les persuadant de ne pas déposer plainte.

Des éléments de vie privée « indécents »

Dans leur ouvrage de référence Sexus Politicus (éd. Albin Michel-2006), les deux journalistes Christophe Deloire et Christophe Dubois consacrent six pages au patron du FMI sous le titre « L'affaire DSK ». Ils y décrivent l'énergie déployée par les « pompiers » de Dominique Strauss-Kahn pour récupérer auprès d'eux des « blancs (documents de police, NDLR) relevant du sordide et comportant des éléments de vie privée indécents » sur leur patron. En fait, il s'agit simplement d'une visite de DSK dans une boîte échangiste très connue située dans le Ier arrondissement de Paris. Une visite tout à fait légale qui n'avait rien de répréhensible aux yeux du Code pénal français. Comme quoi, ces « pompiers » avaient décidé d'instaurer une drôle de hiérarchie dans les dangers qui menaçaient leur patron. Au point de vouloir contrôler toute publication dans la presse ou dans l'édition plutôt que de protéger leur patron « contre les penchants complexes de sa vie sexuelle », selon l'expression de ce proche qui nous a parlé sous le couvert de l'anonymat. Comme l'écrivaient mardi la plupart des journaux français, les « frasques » de DSK étaient, à Paris, un secret de polichinelle.

Même s'il est présumé innocent, les accusations de viol qui pèsent désormais contre lui aux Etats-Unis ont révélé au monde entier cette « vie sexuelle complexe ». Notre interlocuteur s'en mord les doigts : « On ne m'a pas écouté. Il ne fallait pas le laisser seul. »