La commission des lois examine cette semaine le projet «sur la gestion de la sortie de crise sanitaire». Y figure notamment le fameux «pass sanitaire». Après sa récente adoption par le Parlement européen, finira-t-il par s'imposer et régir toute vie en société? C'est la crainte de Jean-Frédéric Poisson, président de «Via, la voie du peuple».

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© AP Photo / François Mori
Classé parmi les fantasmes complotistes il y a encore quelques mois, le passeport sanitaire continue sa course à l'adoption. Aussi l'avenir se place-t-il sous le signe de la surveillance, s'inquiète Jean-Frédéric Poisson, ancien député des Yvelines et président du parti «Via, la voie du peuple», l'ancien parti Chrétien-démocrate.
«On est en train de mettre la France en coupe réglée en profitant de manière extrêmement lâche de la passivité des Français, qui ne savant plus vraiment ce qui se passe, ni à quelle sauce ils seront mangés», alerte l'homme politique au micro de Sputnik.
De fait, le gouvernement vient de franchir un cap. Ce mardi 4 mai, la Commission des lois a désormais validé en première lecture la proposition émise par le Président de la République d'établir un passeport sanitaire pour accéder aux établissements, lieux ou événements réunissant plus de 1.000 personnes. S'il n'est désormais plus conditionné à la seule vaccination, ce passeport se dirige néanmoins vers une application générale sous peu.


Le même jour, celui-ci était d'ailleurs chaudement recommandé par le Conseil scientifique, estimant que ce passeport sanitaire «utilisé de manière temporaire et exceptionnelle, peut permettre à la population une forme de retour à la vie normale en minimisant les risques de contamination par le virus.» Et désormais, rien n'arrêtera plus le traçage à coup de QR code et autres fichages numériques, prédit Jean-Frédéric Poisson, pour qui ces décisions sont vides de sens.
«Qui garantit que les personnes vaccinées ne sont plus contagieuses? Qui garantit que les personnes testées négatives ne sont pas porteuses du virus? Pourquoi 1.000 personnes et pas 500 par exemple?», interroge-t-il.
Il n'y aurait donc qu'un but à cela, selon le candidat à la prochaine élection présidentielle: «surveiller davantage pour contrôler les libertés individuelles». Récemment encore, c'est d'ailleurs ainsi que la mesure semblait perçue. Mi-mars, sept Français sur dix se déclaraient hostiles à la présentation d'un certificat vaccinal pour accéder «aux lieux aujourd'hui fermés», selon une vaste consultation du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

C'est dans ce climat de défiance que les autorités ont procédé par étapes, nuançant ce qui était à l'origine conçu comme une attestation vaccinale nécessaire à toute activité en public, pour y inclure le résultat d'un test négatif ou la preuve du rétablissement après infection au Covid-19, sur son modèle européen. L'exécutif avait aussi évoqué dès février la possibilité d'une attestation pour entrer et sortir du territoire, puis pour «l'accès à de grands événements sportifs ou culturels».

Libertés: « les garde-fous sautent un par un »

Le passeport sanitaire s'est d'abord imposé à l'échelle européenne sous le doux nom de «passeport vert», sur une décision de la Commission du 17 mars, adoptée par le Parlement le 29 avril. Si le nom est repris de celui mis en place en Israël, il reste plus souple que ce dernier, réservé aux seuls vaccinés. Le laissez-passer européen conditionne la libre circulation au sein de l'UE à ceux qui sont vaccinés, qui ont obtenu un test négatif ou qui ont guéri de l'infection. Un texte qui a rencontré un franc succès au cœur de l'hémicycle bruxellois et qui laisse toute latitude aux États d'être plus restrictifs dans son application.


Entre-temps, l'opinion s'est retournée en France: un nouveau sondage Harris Interactivedatant du 29 avril indique cette fois une adhésion majoritaire au fameux «sésame» qui agite les débats. Ils seraient donc 67% à plébisciter le plan détaillé par Emmanuel Macron, instaurant un «pass sanitaire afin d'accéder aux grands événements» à partir du 9 juin. La résignation serait donc en marche, constate amèrement l'ex-député conservateur:
«Toutes les restrictions sont possibles à partir du moment où nous entrons dans un régime qui aligne toutes les libertés, individuelles ou publiques, sur la base d'une certaine conception de la santé. Tous les garde-fous sautent un par un, laissant le champ libre à toutes les dérives. Et pour cela, le gouvernement mène une guerre d'usure aux Français», alerte Jean-Frédéric Poisson.
Selon lui, ne pas résister conduira inévitablement à un durcissement progressif des règles édictées par cette loi. Le passeport sanitaire ne s'arrêtera pas en si bon chemin. «Pour preuve, le Conseil scientifique parle d'un dispositif "temporaire et exceptionnel" sans donner aucune date limite», souligne l'ancien maire de Rambouillet.

Résistance limitée au Parlement

Alors qu'ils doivent en continuer l'examen ce jeudi 6 mai, la Commission des Lois a cependant d'ores et déjà posé certaines conditions au texte défendu par Olivier Véran comme un dispositif anti-«cluster ou supercluster». Ainsi, contre l'avis du ministre de la Santé, Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission, accompagnée de députés de la majorité, a pris soin d'inscrire un sous-amendement permettant d'exclure les «activités du quotidien» de cette future loi.

Enfin, lundi 10 mai, c'est sur les bancs de l'Assemblée nationale que l'amendement gouvernemental devrait être débattu. Mais bien qu'il promette des discussions houleuses, son sort ne devrait pas diverger de celui qu'il vient de connaître en Commission des lois, où seul un député de la majorité s'y est opposé.

La résistance reste tout de même de mise, précise Jean-Frédéric Poisson, qui espère que les saisines permettront de bloquer l'amendement.
«La protestation, la prise de parole et les manifestations auxquelles nous participons restent essentielles», jure le député de l'opposition, pourtant incertain de leur succès.