Surprise et consternification : alors que la France s'entortille un peu plus dans une version de plus en plus corrodée de la démocratie et du respect des droits fondamentaux, on apprend (discrètement) dans la presse qu'un logiciel - nommé Pegasus - a été massivement utilisé par des gouvernements partout dans le monde pour espionner des politiciens, des journalistes, des avocats, des activistes, des personnalités religieuses et des militants de diverses organisations. Oh, quelle émotion !

pegasus
Pegasus, c'est le petit nom d'une application d'espionnage qui s'installe sur le smartphone de la cible (Android ou iOS, même combat) de façon complètement transparente et indétectable pour l'utilisateur : utilisant des failles du système pour s'introduire sur la machine sans demander la moindre manipulation suspecte de la part du propriétaire, le programme a été développé par une société israélienne, NSO Group, qui a depuis quelques années fait fructifier son produit en le vendant à de nombreuses organisations gouvernementales qui se sont empressées de s'en servir, en toute illégalité cela va de soi.

Toujours avec le même étonnement (millimétré, nous sommes en France), on apprend que ce même logiciel est utilisé par de vibrantes démocraties comme les monarchies du Golfe qui, en l'espèce, ne rechignent pas à utiliser une technologie israélienne pour mieux surveiller leurs ennemis... et leurs amis. Et dans le tableau de ces monarchies au respect fluctuant des Droits de l'Homme, on pourra ajouter le Royaume de Macron dans lequel plus de 1000 Français ont été ainsi espionnés.

Eh oui : pour ceux qui en doutaient encore, le fait pour certaines personnalités d'intérêt de disposer d'un tel appareil infecté veut essentiellement dire que leur vie privée ne leur appartient plus et qu'ils sont de fait soumis à un espionnage constant. Le logiciel permet en effet de récupérer toutes les données stockées sur le téléphone, depuis les photos et vidéos ou documents stockées sur l'appareil jusqu'aux conversations téléphoniques en passant bien évidemment par les flux de données (e-mail, SMS et géolocalisation pour ne citer que les plus évidents).

Tout ceci est évidemment assez effrayant, mais soyons réalistes : des États qui épient des journalistes, qui pistent ces citoyens ordinaires dans leurs moindres faits et gestes, c'est très moche mais finalement ce n'est que ça : une surveillance active, intrusive, poussée, de certaines cibles aisément identifiées par le pouvoir, pour le profit personnel des politiciens et de leur caste...

Et même si on peut raisonnablement imaginer que cette affaire « Pegasus » va faire un peu parler d'elle, ce n'est finalement qu'une nouvelle illustration de la société d'espionnage permanent qui s'est mise en place, petit-à-petit, ces dernières années.

Il serait en effet fort naïf d'imaginer que ceci n'est limité qu'à ces citoyens-là : on pourra aisément se souvenir des précédents révélés par Edward Snowden qui avait exposé en 2013 l'existence de programmes de surveillance massive d'individus (PRISM, XKeyscore, Boundless Informant, Bullrun, Optic Nerve, Tempora, ...) partout dans le monde de la part des États américains et britanniques.

Dans ce cadre, Pegasus ne reste qu'une partie finalement congrue de ces programmes et de ces agissements dont on peut garantir qu'ils ont, depuis 2013, beaucoup évolué : ils se sont forcément améliorés, étendus, et ont profité de toutes les innovations possibles, tant dans le « big data » que dans l'intelligence artificielle ou les traitements de données, le hacking et l'exfiltration de données...

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Appliqués dans notre cadre quotidien, cela revient à rappeler qu'on n'a pas arrêté, ces dernières années, d'étendre toujours plus la surveillance du citoyen, depuis l'extension des caméras de surveillance partout sur le territoire jusqu'à la reconnaissance faciale qui ne cesse de progresser, y compris en France, jamais en retard d'une idée pour pister son peuple.

De la même façon, doit-on vraiment évoquer à nouveau l'extension de plus en plus importante de l'État dans tous les domaines de l'analyse des flux de données de communication et de surveillance, y compris jusque dans l'acquisition de drones qui seront sans nul doute utilisés pour mieux canaliser les mouvements de foules ?

Et puis, tant qu'on y est, faut-il s'apesentir sur la loi européenne « ePrivacy » qui instaure de manière dérogatoire une surveillance automatisée de masse des échanges numériques sur internet en Europe ? Est-il utile de préciser que cette nouvelle possibilité offerte aux Exécutifs européens d'espionner massivement leur population n'est évoquée quasiment nulle part dans la presse, et que l'arme ainsi remise dans les mains des gouvernants sera utilisée bien au-delà des raisons évoquées initialement (« lutter contre la pédopornographie ») ?

Et puis, reconnaissons-le : ce serait dommage, pour le pouvoir en place actuellement, de se faire à nouveau déborder comme il y a deux ans avec quelques Gilets Jaunes ou maintenant par une bande de complotistes-extrémistes un peu trop épris de liberté, n'est-ce pas...

Et dans ce schéma, le « pass sanitaire » devient une brique, que dis-je, un pan entier de plus dans l'édifice de contraintes que le gouvernement s'évertue à construire autour des citoyens pour les surveiller (pour leur propre bien, cela va de soi !), le tout dans la plus parfaite évaporation du contrôle de l'Exécutif, tant le conseil d'État semble avoir abdiqué toute velléité de faire croire à son indépendance, tant l'Assemblée nationale n'est plus qu'une chambre d'enregistrement sans intérêt, et tant les journalistes, ceux-là même qui couinent qu'on puisse les espionner via leurs smartphones, se refusent à combattre ce qui se met en place pour tous les autres citoyens...

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Avec ces révélations sur Pegasus, avec la loi ePrivacy, avec le Pass Sanitaire, la société qui se dessine ces dernières semaines devient véritablement cauchemardesque : on monte, à dessein, les citoyens les uns contre les autres. On étend chaque jour un peu plus la surveillance de l'État sur ceux-ci et, mieux encore, on pousse les uns à surveiller les autres, ce que - au passage - certains feront avec une délectation jouissive.

De plus en plus se met en place, sous prétexte de sécurité et d'égalité maladive, un véritable système carcéral panoptique, sous les applaudissements d'une phalange de naïfs et d'abrutis qui croient encore qu'ils seront du côté des gardiens.

De plus en plus, avec cette société de surveillance constante, les citoyens ne sont plus considérés en adultes : gamins turbulents auxquels on peut raconter tout et son contraire un mois plus tard, ils sont mis sous le regard pas toujours attendri d'une maman-État de plus en plus vicelarde qui s'occupe d'absolument tous les aspects de sa vie, depuis ses couches jusqu'à son cercueil, et qui entend bien policer cette marmaille à coups de trique s'il le faut...

De plus en plus, ce pays est foutu.