La prorogation du passe sanitaire est d'ores et déjà discutée (dans une précipitation inouïe) à l'Assemblée Nationale. Le débat donne lieu à des renoncements et une démonstration de soumission qui illustre le rôle désormais accessoire que joue la représentation nationale dans le débat démocratique. On notera les propos hallucinés du rapporteur Jean-Pierre Pont... et l'amendement courageux porté par le macroniste parisien Pacôme Rupin.
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Il faut absolument lire l'extravagant rapport sur le passe sanitaire rendu par le député LREM du Pas-de-Calais Jean-Pierre Pont, rapporteur de la loi scélérate qui proroge le passe sanitaire sans raison... sanitaire ! Ce texte digne de la propagande stalinienne à ses meilleures heures comporte de nombreuses perles dont nous citerons quelques-unes ici :
Le bilan qui peut être dressé de la gestion de la quatrième vague montre que la mise en œuvre du passe sanitaire, combinée au déploiement de la campagne de vaccination, a fonctionné et qu'elle a rempli les objectifs qui lui ont été assignés : il a permis de préserver la reprise des activités à laquelle les Français aspiraient cet été, tout en limitant les risques de propagation du virus dans un contexte épidémique défavorable.

Le déploiement du passe, qui s'est fait sans heurts et ni difficultés, ainsi que la formidable accélération de la vaccination au cours de l'été - 85 % de la population française éligible est désormais vaccinée - ont permis de dissiper les craintes, parfois légitimes, et les vives critiques, souvent infondées, qui avaient été émises à l'encontre du passe lors de la discussion de la loi du 5 août 2021. Les Français se sont incontestablement appropriés cet outil précieux, sésame de leur liberté retrouvée.
Donc, on récapitule : le passe sanitaire est une grande réussite, qui a permis d'endiguer la quatrième vague, et de rendre aux Français la liberté que le virus leur avait volée. Ceux-ci disposent désormais d'un "sésame" qui est un "outil précieux". Pas un mot sur la société de surveillance, pas un mot sur le crédit social, pas un mot sur les manifestations qui se déroulent chaque samedi en France, pas un mot sur les milliers de suspensions prononcées dans les hôpitaux. On est frappé par la cécité, réelle ou d'emprunt, qui peut s'emparer d'un député de la majorité vis-à-vis de la réalité du pays qu'il est supposé représenter.

Une chose est sûre avec le passe sanitaire : c'est qu'il a segmenté les perceptions. Il y a ceux qui se convainquent que tout va bien, quoiqu'il arrive, et il y a ceux, plus rares, qui s'interrogent sur une gouvernance qui procède par des coercitions plus ou moins ouvertes où ne pas être vacciné condamne à une dégradation sociale ou au chômage.

Mais il est vrai que si l'on oublie ce point de détail, où 30% des soignants n'ont accepté le vaccin que sous la menace de perdre leur emploi, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

La propagande de Véran a fait son effet

Lors de l'audition du ministre de la Santé, qui a suivi la présentation du rapport, Olivier Véran n'a pas mâché ses mots pour répéter la propagande dont Jean-Pierre Pont s'est inspiré (ça simplifie le travail). On précisera que Jean-Pierre Pont est médecin, de formation... Normal qu'il ait besoin de nègres pour écrire des discours politiques.

Voici donc le code source, en quelque sorte, du rapport parlementaire. Ce sont les propos du ministre Véran :
Parce que nous avons mené une campagne massive de vaccination, puisqu'en métropole près de 90 % des adultes sont désormais vaccinés, mais aussi grâce aux outils de gestion de la crise sanitaire, notamment le passe sanitaire et le respect des gestes barrières, nous avons réussi à écrêter cette quatrième vague épidémique en métropole et donc à éviter de trop fortes conséquences sanitaires.

Les courbes comparatives des quatre vagues montrent bien la corrélation entre la mortalité, les hospitalisations, les cas graves et le nombre de cas : elle a totalement explosé au cours de la quatrième, dans le bon sens du terme, c'est-à-dire qu'il y a eu beaucoup moins de cas graves proportionnellement au nombre de contaminations une fois la population vaccinée.

D'ailleurs la plus grande étude mondiale sur l'efficacité des vaccins, qui est française, publiée la semaine dernière, qui a comparé onze millions de Français vaccinés avec onze millions de Français non vaccinés confirme une réduction de 92 % du risque d'hospitalisation chez les personnes âgées de 50 ans et plus lorsqu'elles ont été vaccinées.
On est forcément frappé par la proximité des "éléments de langage" entre le rapport parlementaire et le discours du ministre. On remarque aussi que la grande étude sur "onze millions de Français vaccinés" est sortie au bon moment. Juste quand il fallait justifier le maintien du passe sanitaire ! Comme c'est bizarre...

Nos lecteurs se souviendront des chiffres de mortalité pour 2021 qui nous avons donnés, qui relativisent très très fortement les déclarations triomphalistes du gouvernement. Rappelons que, en 2021, l'été a été plus meurtrier en France qu'en 2020. Et pourtant le vaccin n'existait pas il y a un an !

Mais plus personne n'en est à ces approximations près... L'essentiel est que les pions majeurs de l'Assemblée Nationale répètent ad libitum la propagande officielle.

La députée MODEM Sophie Mette se ridiculise

Au rang des meilleures perles, on citera les propos bouffons de la députée MODEM Sophie Mette (Gironde), qui a osé déclarer :
Pourtant, en dépit des critiques souvent stériles et excessives, jamais nous n'avons dévié de cette ligne - exigeante - qui porte pleinement ses fruits : la campagne de vaccination et le passe sanitaire sont une réussite. Les chiffres sont plus qu'éloquents : il y a environ un an, seuls 44 % des Français avaient confiance dans le vaccin ; ils sont désormais presque 70 % à avoir achevé leur schéma vaccinal. On compte 5 000 nouvelles contaminations par jour, en baisse régulière, et la décrue des hospitalisations, ainsi que des décès, est considérable.
Ou comment confondre la confiance dans le vaccin et l'obligation d'être vacciné pour garder son emploi. Là encore, les députés qui prennent leur désir pour des réalités, et qui imaginent que la coercition ne se paiera pas cash tôt ou tard. Mais au fond, devons-nous apitoyer sur le sort d'une caste politique aussi médiocre, qui baigne dans une propagande stérile et coupée des réalités ?

Nouvelle trahison du parisien Bournazel

Habitué aux circonvolutions politiques, le député de Paris Pierre-Yves Bournazel a pour sa part commis cette phrase historique :
Quelle est la raison d'être du passe sanitaire ? Il ne vise pas à restreindre nos libertés. Au contraire, c'est le seul moyen de retrouver notre liberté de déplacement en toute sécurité et de préparer sereinement l'avenir.
Bien évidemment, montrer ses papiers pour prendre un café ou assister à un concert, ça s'appelle retrouver sa liberté de déplacement !

L'amendement salvateur de Pacôme Rupin

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Pacôme Rupin
Seul motif de satisfaction : l'amendement porté par le député LREM Pacôme Rupin, encadrant de façon plus stricte la mise en oeuvre du passe sanitaire. On notera les considérants de l'amendement :
Cet outil, s'il a favorisé le déploiement de la vaccination au sein de la population depuis l'été, reste un outil très problématique en ce qu'il va à l'encontre de la liberté́ de conscience et de choix de chacun (en instaurant une forme d'obligation vaccinale déguisée), surtout dès lors que les tests de dépistage sont rendus payants. Cette mesure porte en elle-même une forme de discrimination pour l'accès à des lieux essentiels à la vie quotidienne. C'est un risque supplémentaire de division de la société et d'opposition des citoyens entre vaccinés et non-vaccinés.
Pacôme Rupin sauve l'honneur de l'Assemblée Nationale en étant le seul à dire les choses : le passe sanitaire est un outil de discrimination qui porte atteinte aux libertés et qui fracture la société française.

Cet amendement prévoit ceci :
Le présent amendement propose donc que le recours au passe sanitaire soit territorialisé et qu'il ne puisse être mis en œuvre qu'en cas de taux d'incidence supérieur ou égal à 50, sur une semaine continue, dans le département concerné.
Triste consolation pour un Parlement godillot.