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Les nazis avaient créé une école pour apprendre à parler à des chiens dans le but d'en faire des soldats, selon un livre.

Le dictateur nazi Adolf Hitler voulait créer une armée composée de chiens capables de parler. Ce projet complètement fou avait été entrepris avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La Tier-Sprechschule ASRA (école de langue pour animaux) a été ouverte dans ce but près d'Hanovre, nous explique le Pr Jan Bondeson, de la Faculté de médecine de Cardiff (GB), auteur d'un livre sur le sujet*.


L'idée ne paraissait pas insensée. Les Allemands, acquis à l'idée d'une guerre éventuelle du fait de la propagande nationale-socialiste, ne pouvaient que trouver juste que ces animaux, qu'ils aimaient bien davantage que certains humains, déplore le professeur, jouent un rôle militaire.

Un savant genevois

A la base de ce plan surréaliste, on trouve aussi la croyance très répandue en Allemagne que les chiens sont presque aussi intelligents que les humains, rappelle Jan Bondeson. Une croyance que les nazis ont d'ailleurs étayée de quelques textes érudits. Ils ont notamment utilisé les travaux du neurologue et psychologue genevois Edouard Claparède. Au début du XXe siècle, ce savant avait en effet écrit, par exemple, que «la question de la conscience des animaux se pose dès que l'on observe que (...) leurs actes paraissent volontaires, réfléchis et bien adaptés aux circonstances».

Le projet a été rapidement ficelé, et des officiers de la Wehrmacht envoyés dans les années 1930 à la recherche des cabots les plus doués d'Allemagne. Des «recrues» qui ont été amenées à la Tier-Sprechschule dirigée par Margarethe Schmitt. «Ces futurs militaires poilus devaient y apprendre à parler, voire à lire et à écrire, pour être intégrés dans la chaîne de commandement», explique le Pr Bondeson. L'armée espérait les utiliser pour aider les SS, sur le front comme dans les camps de concentration.

La troupe canine rêvée par Hitler n'a toutefois jamais vu le jour. «Au maximum quelques dizaines de chiens sont passés par la Tier-Sprechschule, estime le chercheur. Un nombre insuffisant pour créer un bataillon. Mais certains élèves de dame Schmitt semblaient vraiment talentueux.» Le professeur signale notamment le cas de «Don», un braque allemand qui aurait été capable d'exprimer oralement quelques mots, tel «biscuit», pour dire qu'il voulait manger, ou encore «oui», «non» ou «avoir». Un article prétendait même que des toutous auraient été capables de prononcer «Mein Führer». La plupart se contentaient toutefois de «parler» en tapant de la patte sur une planche. Leur langue ressemblait ainsi à du morse. Chaque lettre de l'alphabet correspondait à un nombre déterminé de tapotements.

De la propagande

Le Pr Bondeson reste toutefois prudent. «J'ai eu connaissance pas hasard il y a cinq ans d'un texte qui parlait de ce programme. J'ai trouvé l'idée saugrenue mais intéressante et je suis parti en Allemagne fouiller les archives. J'ai surtout découvert des articles publiés par des magazines de l'époque», explique-t-il.

Les histoires racontées par ces journaux pouvaient en effet être exagérées dans un but de propagande. Les vétérinaires interrogés par «Le Matin» ont d'ailleurs aussi exprimé leur perplexité. Ils n'ont jamais entendu parler de chiens capables de prononcer des mots. Mais ils ne contestent pas qu'il existe des chiens particulièrement intelligents. Telle «Chaser», un border coolie, qui reconnaît 1022 objets par leur nom («Le Matin» du 18 janvier). Pour en arriver là, «Chaser» a été entraînée pendant trois ans par deux psychologues de l'Université de Wofford (Etats-Unis), à raison de quatre ou cinq heures par jour. Mais sur le plan oral, elle s'est toujours contentée d'aboyer.

* «Amazing Dogs: A Cabinet of Canine Curiosities», Editions Cornell University Press