Des manifestants ont pénétré, mercredi, dans un bâtiment de la mairie d'Almaty, la capitale économique du pays, secoué par un mouvement de colère depuis dimanche. Les manifestants dénoncent notamment la hausse des prix du gaz.
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© YAN BLAGOV / APDes manifestants ont pénétré dans un bâtiment de la mairie d’Almaty (Kazakhstan), la capitale économique du pays, le 5 janvier 2022.
Des troupes russes appelées en renfort comme au temps de l'Union soviétique : à la demande du Kazakhstan, Moscou et ses alliés de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ont annoncé, jeudi 6 janvier, l'envoi d'une « force collective de maintien de la paix » au Kazakhstan.

Le président de l'OTSC, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a indiqué sur Facebook que l'alliance avait décidé d'envoyer « une force collective de maintien de la paix » pour « une durée de temps limitée afin de stabiliser et normaliser la situation dans ce pays », qui a été provoquée par « une ingérence extérieure ». L'OTSC rassemble autour de la Russie plusieurs anciennes républiques soviétiques, dont la Biélorussie et l'Ouzbékistan.

Depuis dimanche, le Kazakhstan est le théâtre d'importantes manifestations pour protester notamment contre une hausse des prix du gaz. Des manifestants ont pénétré, mercredi 5 janvier, dans la mairie et dans l'aéroport d'Almaty, la capitale économique de ce pays d'Asie centrale. Plus de deux cents d'entre eux ont été arrêtés, selon la police locale. Du côté des forces de l'ordre, 317 policiers ont été blessés et huit d'entre eux ont perdu la vie, selon le ministère de l'intérieur.

État d'urgence et couvre-feu

Le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a décrété l'état d'urgence sur tout le territoire, ce qui conduit à « restreindre la liberté de mouvement, y compris les transports », et interdire « les évènements collectifs et les cérémonies familiales liées aux naissances, mariages ou décès », selon les explications de la chaîne Khabar 24. M. Tokaïev a promis « d'agir de la manière la plus ferme possible » contre ces manifestations. « En tant que président, je suis contraint de protéger la sécurité et la paix de nos citoyens, de m'inquiéter de l'intégrité du Kazakhstan », a-t-il déclaré en russe à la télévision kazakhe. Le soir même, il a demandé l'aide militaire de Moscou et de ses alliés, estimant que son pays était attaqué par des groupes « terroristes » ayant « reçu un entraînement approfondi à l'étranger ».

La situation inquiète les Occidentaux. Avant l'annonce de l'OTSC, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, avait appelé les autorités kazakhes à la « retenue » et demandé une gestion « pacifique » des manifestations. Plus tôt mercredi, M. Tokaïev avait tenté en vain de calmer la colère de sa population en limogeant son gouvernement.
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© VLADIMIR TRETYAKOV / APDes manifestants tentent de bloquer un véhicule de la police, à Almaty (Kazakhstan), le 4 janvier 2022.
Mardi, le chef d'État avait déjà décrété l'état d'urgence du 5 au 19 janvier, dans la région pétrolifère de Mangystau et à Almaty, entraînant notamment le blocage d'Internet et du réseau de téléphonie mobile, l'établissement d'un couvre-feu et l'interdiction de tout rassemblement. La police avait utilisé des grenades assourdissantes, ainsi que du gaz lacrymogène pour disperser plusieurs milliers de personnes, scandant alors « Le vieil homme dehors ! » et « Démission du gouvernement ! ».

M. Tokaïev avait été choisi comme successeur par le dirigeant historique Noursoultan Nazarbaïev, 81 ans, qui a dirigé le Kazakhstan durant trente ans à partir 1989 et conserve une certaine influence.

Une baisse des prix pour tenter de calmer les tensions
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© ABDUAZIZ MADYAROV / AFPDes policiers anti-émeutes dans une rue d’Almaty (Kazakhstan), lors de manifestations sans précédent contre la hausse des prix de l’énergie, le 5 janvier 2022.
Le Kazakhstan, première économie d'Asie centrale, habituée par le passé à des taux de croissance à deux chiffres, souffre de la baisse des prix du pétrole et de la crise économique en Russie, qui a mené à la dévaluation de sa monnaie, le tenge, et à une forte inflation.

La colère a véritablement été déclenchée en fin de semaine par une hausse des prix du gaz naturel liquéfié (GNL), dans la ville de Janaozen, dans l'ouest de ce pays riche en ressources naturelles, avant de s'étendre à la grande ville régionale d'Aktau, sur les bords de la mer Caspienne. Mardi soir, les autorités avaient tenté de calmer la situation en concédant une réduction du prix du GNL, le fixant à 50 tenges (0,10 euro) le litre dans la région, contre 120 tenges au début de l'année. Justifiant cette concession régionale, M. Tokaïev a expliqué sur Twitter qu'il s'agissait d'« assurer la stabilité dans le pays », mais cette promesse n'a pas pour autant entraîné la dispersion des manifestants, qui exigeaient de parler au président.

Janaozen a été par le passé le théâtre des troubles les plus meurtriers ayant secoué le Kazakhstan depuis son indépendance de l'URSS, en 1991. En 2011, au moins quatorze ouvriers d'un site pétrolier avaient été tués quand la police avait réprimé une manifestation contre les conditions de travail et pour les salaires. La région de Mangystau, où est située la ville de Janaozen, dépend du GNL comme principale source de carburant pour les voitures et toute hausse de son prix entraîne celle des produits alimentaires, déjà à la hausse depuis le début de la pandémie due au coronavirus.