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Les meilleurs ennemis du monde cachent parfois de curieux secrets.

Pendant que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu appelait la semaine dernière devant le Congrès américain la communauté internationale à durcir les sanctions internationales contre l'Iran, les États-Unis décidaient de placer le groupe israélien Ofer Bothers Group et sa filiale Tanker Pacific basée à Singapour sur leur liste noire.

Pour Washington, la compagnie israélienne se serait livrée en septembre 2010 à la vente d'un bateau-citerne pour 8,6 millions de dollars à la compagnie maritime iranienne IRISL (Islamic Republic of Iran Shipping Lines), violant ainsi l'embargo international frappant Téhéran pour ses activités nucléaires controversées.

Dans un premier temps, le groupe des frères Ofer a démenti ces accusations et affirmé qu'il s'agissait d'un malentendu. C'est alors que la télévision publique israélienne a révélé qu'au moins treize pétroliers appartenant à la compagnie avaient mouillé dans des ports iraniens au cours des dix dernières années.

La chaîne s'est basée sur des documents d'Equasis, une banque de données sur la circulation maritime dans le monde, qui ont permis de retrouver la trace de ces tankers qui transportaient des carburants dans les ports iraniens de Bandar Abbas et de l'île de Kharg (sud de l'Iran).

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Des sources proches du groupe incriminé se sont justifiées en laissant entendre que ces opérations commerciales avaient obtenu l'autorisation du bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Autrement dit, que le groupe pétrolier se livrait à des missions d'espionnage.

Mais la presse israélienne persiste et signe. Selon le quotidien de gauche Haaretz, au moins 200 compagnies internationales opérant en Israël entretiendraient de vastes liens commerciaux avec l'Iran, y compris avec son industrie énergétique, qui représente la principale source de revenue de la République islamique et sert à financer le développement de son programme nucléaire et de son armement.

Exemple, selon Haaretz, l'aviation civile israélienne a acheté près de 30 millions d'euros d'équipement à Siemens, compagnie allemande très présente en Iran. La compagnie israélienne d'électricité a conclu pour sa part un contrat de 100 millions d'euros avec la firme danoise Haldor Topsoe pour des filtres anti-pollution, bien que celle-ci soit en train de construire en Iran des raffineries pour un montant dépassant le milliard de dollars.

Ces contrats violent la législation israélienne, qui interdit à toute entreprise israélienne d'investir plus de 10 millions de dollars dans des compagnies internationales commerçant avec l'Iran.

Mais ce n'est pas tout. Selon le quotidien israélien conservateur Yedioth Ahronoth, des compagnies israéliennes et iraniennes commerceraient directement via des pays tiers comme la Turquie, la Jordanie, ou les Émirats.

"Malgré ce qui est perçu en surface, les relations secrètes avec l'Iran totalisent des dizaines de millions de dollars par an", affirme au quotidien Yehoshua Meiri, directeur de l'"Israeli-Arab Friendship Association. "Même lorsque de sévères déclarations sont prononcées des deux côtés, les échanges prospèrent. Les relations avec les collègues iraniens sont excellentes, et les déclarations politiques ignorées".

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Selon le Yedioth Ahronoth, les exportations israéliennes vers l'Iran concernent des produits liés à l'agriculture: engrais, tuyaux d'irrigation et diverses technologies agricoles. Mais l'Iran exporte lui-aussi en Israël, principalement des pistaches, des noix de cajou et du marbre, une des plus grandes industries de la République islamique.

Autre étonnante révélation du quotidien, la visite à Tel Aviv en novembre 2000 d'un assistant du ministère iranien de l'Agriculture souhaitant acquérir de la technologie agricole israélienne.

Les dirigeants iraniens ont appelé à plusieurs reprises à la disparition du régime israélien, tandis que le gouvernement d'Israël a menacé l'Iran de bombarder ses sites nucléaires.

Une sorte d'omerta officielle a jusqu'à présent été observée en Israël sur cette affaire, le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu et celui du ministre de la Défense Ehud Barak dégageant chacun leurs responsabilités.

La commission économique du Parlement israélien s'est saisie aujourd'hui de cette affaire que les médias israéliens ont baptisée "l'Ofergate", en référence au Ofer Brothers Group. Elle doit faire aujourd'hui l'objet d'un débat public au Parlement.

Ce n'est pas la première fois que les deux meilleurs ennemis de la planète sont éclaboussés par un scandale commercial. En 1986, en pleine guerre Iran-Irak, Israël a servi d'intermédiaire par les États-Unis, qui soutenaient alors Saddam Hussein, pour vendre illégalement des armes à la République islamique, dans ce qu'on appelle communément l' "Irangate".