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Un document de travail du Conseil national de l'alimentation préconise un retour progressif à l'usage des farines animales.AFP/SEBASTIEN BERDA
En pleine psychose sanitaire sur la bactérie E. coli, l'information ne pouvait pas passer inaperçue. Selon le journal économique La Tribune, la France serait en train de proposer un retour au recours des farines animales dans l'alimentation des bêtes d'élevage. A l'appui, le quotidien pointe un document du Conseil national de l'alimentation (CNA) qui prône un retour aux farines. Il devrait se faire par étapes (en commençant par la filière aquacole) et soumis a des règles et des contrôles stricts, mais il réveille néanmoins le spectre de l'épidémie de vache folle des années 1990.

Dominique Vermesch, agronome et professeur d'économie publique et d'éthique à Agrocampus Ouest, rapporteur du groupe de travail sur les farines animales au CNA, se dit étonné de voir l'affaire ainsi présentée dans la presse et les journaux télévisés. La vice-présidente de l'organisme Véronique Bellemain, relativise pour sa part le poids de ce qui n'est encore qu'un "simple document de travail", pas encore un avis. "Le véritable avis sera remis en septembre, en même temps que les avis scientifique. Notre rôle est uniquement d'étudier les aspects économiques et sociaux d'une éventuelle réintroduction", martèle-t-elle. "Objectivement, c'est une bonne chose de s'interroger car la situation a fortement évolué, maintient-elle. Il y a vingt ans, la vache folle était une maladie nouvelle, et on n'avait aucune visibilité sur les cas humains. C'est pour cela que l'on a pris des mesures coûteuses mais fortes pour protéger les consommateurs."

CONSOLIDER LA COMPÉTIVITÉ DE L'ÉLEVAGE INDUSTRIEL

Le document de travail cité par La Tribune fait en effet valoir "une situation sanitaire désormais maîtrisée" aboutissant à "l'absence de risques pour la santé humaine". Dès juillet 2010, la Commission européenne déclarait en effet que l'Union était "sur le point d'éradiquer l'encéphalopathie spongiforme bovine". Selon le document de travail du CNA, cette réintroduction, quoique présentant "un avantage économique variable, voire incertain, selon les secteurs" pourrait tout de même être une réponse aux "besoins croissants en protéines pour l'alimentation animale" avec même des "avantages environnementaux probables", notamment dans l'élevage aquacole qui autorise toujours certaines farines animales et pour lequel "la question de la préservation des ressources halieutiques se pose avec de plus en plus d'acuité", relève le rapport.

Si les membres du CNA se défendent de militer pour la réintroduction des farines, et font valoir la présence parmi eux de représentants d'associations de consommateurs, un faisceau de déclarations montrent que les autorités françaises travaillent à cette hypothèse : depuis un an les rapports sont nombreux qui vont dans ce sens. Ainsi un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur l'élevage de la volaille faisait-il valoir en octobre 2010 que "l'accès aux farines animales sera un facteur important de consolidation de cette filière s'il reçoit l'accord de l'aval."

Tous les rapports et documents de travail mettent en avant la nécessité de "méthodes d'analyse, fiables et de routine (...) pour distinguer les espèces à l'origine des farines", notament pour assurer "le strict respect du principe de 'non cannibalisme'". Par exemple, des poulets ne devraient pas pouvoir manger d'autres poulets, et les farines devraient d'abord être données à des espèces omnivores. Enfin, les bovins en seraient privés.

Bien sûr "la question de l'acceptabilité par le consommateur peut se poser", estime le rapport. Le spectre du scandale de l'encéphalopathie spongiforme bovine, les images des centaines de milliers de vaches abattues et la crainte de la variante de la maladie de Creutzfeld-Jakob ne manqueront en effet pas de ressurgir quand le CNA rendra son avis définitif. Ce sera alors aux politiques de se prononcer à la lumière des éléments scientifiques et sociaux-économiques.