Mercredi 15 septembre 2021, suite à leur refus de recevoir le vaccin contre le Covid-19, des professionnels de santé - médecins, infirmière, aides-soignants - mais aussi des pompiers et autres personnels des hôpitaux, ont été interdits d'exercice. Un an après leur suspension, jour pour jour, nous avons contacté par téléphone plusieurs de ces soignants suspendus afin de se renseigner sur la manière dont ils vivent, voire survivent, depuis leur mise au ban des établissements de santé.
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© Les essentiels / Jean-Louis BlondeauJean-Louis Blondeau a photographié des soignants suspendus dans toute la France depuis leur suspension.
Pour Julien, aide-soignant, cette interdiction d'exercer du jour au lendemain, fut un « choc ». Celui-ci nous confie avoir le sentiment de « ne servir désormais plus à rien ». Tout juste titulaire du diplôme d'aide-soignant, il se faisait pourtant une joie « d'aider dans ce milieu où il y a beaucoup de souffrance ».

Quelles solutions les soignants ont-ils trouvées après leur suspension ?

Comme Julien, cette suspension a contraint beaucoup d'entre eux à identifier d'autres moyens de subsistance hors du monde médical : « J'essaie de trouver des boulots par-ci, par là, dans l'intérim. Si l'on ne veut pas finir à la rue et mourir, faut bien qu'on trouve le moyen de s'en sortir ».

Dr Devilleger, cardiologue également joint par téléphone, est actuellement en mesure de « vivre sur [ses] économies ». Mais cette solution, « ça tient un temps », nous explique-t-il : « Je me suis permis de faire des choix qu'on peut faire quand on a des réserves financières, je n'en ai pas non plus pour dix ans. »



Au fil des discussions, l'incohérence entre la dureté des politiques sanitaires adoptée par le gouvernement et la réalité du terrain vécue par les soignants, est régulièrement soulignée par nos différents interlocuteurs. Le Dr Devilleger, cardiologue, soutient « que ce n'est pas un monde entre ce qu'on nous raconte et ce qu'il s'est passé sur le terrain, c'est un univers. » Et d'ajouter : « Prendre un traitement expérimental, je serais prêt à le faire pour une maladie très grave, mais là ce n'est pas le cas.»

Si quelques soignants ont été réintégrés, ils restent toujours, pour la quasi-totalité d'entre eux, suspendus. Certains soignants ont pu bénéficier d'une infection au Covid-19 qui leur a permis de retourner travailler grâce au certificat de rétablissement, et ainsi retrouver quelque mois de salaires. Julien, aide-soignant, a ainsi pu se rendre à nouveau sur son lieu de travail pendant quatre mois à l'hiver dernier. Il souhaite aujourd'hui retravailler, mais trouve aberrant qu'il faille tomber malade pour pouvoir continuer à « prendre soin des autres ».

Pour d'autres, la rupture avec le système actuel est consommée. Aussi, après ce chantage, le Dr Devilleger souhaite continuer à faire de la résistance contre ce « système pervers » plutôt que retourner travailler à condition de se soumettre à des tests PCR régulier.


Les oubliés

Un an après la suspension des soignants non-vaccinés contre le Covid-19, de nombreux Français n'ont pas conscience de leurs conditions de vie, certains pensant qu'ils ont été réintégrés suite l'abolition du passe sanitaire. Une ignorance qui s'explique par le silence des grands médias à ce sujet.

François, aide-soignant non suspendu, apporte son soutien à ces professionnels de santé :
« C'est une honte que du personnel soignant soit traité de cette manière, au vu de ce qu'ils ont subi lors de l'année du Covid et avant, avec toute leur dévotion. Ils sont récompensés par une suspension. C'est comme ça que l'on remercie les gens ?

On est tous agents de la fonction publique, on voit qu'avec la meilleure volonté, on laisse des gens sur le carreau. Ça desserre tout ce qu'on fait. Chez nous le manque de ressource humaine est là. On a énormément de monde qui a démissionné depuis l'épisode Covid, par rapport à la manière dont nous avons été traités. Certains ont dû attendre qu'on sorte du plan blanc pour pouvoir démissionner, on ne peut pas démissionner pendant que nous sommes en plan blanc (en pleine épidémie). »
Dans leur témoignage, ces soignants confient se sentir oubliés par la population. Espérant encore se faire entendre, ils sont, pour beaucoup d'entre eux, toujours présents lors des manifestations organisées les weekends dans toute la France.