
La toute première image du trou noir central de notre Galaxie, Sagittarius A*, a été obtenue cinq ans après les observations faites par l'EHT.
Le 12 mai 2022, la toute première image du trou noir central de notre Galaxie était dévoilée par l'Event Horizon Telescope (EHT). Sagittarius A* était visible pour la première fois, ainsi que son disque d'accrétion. Situé au cœur de la Voie lactée, à 27.000 années-lumière de la Terre, Sagittarius A* aura donné des difficultés aux scientifiques : cinq ans de travail acharné ont été nécessaires pour le mettre en image. En effet, les observations sur lesquelles elle est basée datent de 2017, et ont été effectuées par un réseau de huit radiotélescopes, dont l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma), situé à l'Observatoire européen austral (ESO) au Chili.
De ces observations effectuées par Alma, des chercheurs tentent de déduire des propriétés de notre trou noir, et de son environnement. Et, coup de chance pour eux, ils y ont repéré un étrange phénomène, détaillé dans une étude de Astronomy & Astrophysics : un point chaud orbitant à grande vitesse tout autour de Sagittarius A* ! « Nous pensons que nous sommes en train de regarder une bulle de gaz incandescent glissant autour de Sagittaire A* sur une orbite similaire en taille à celle de la planète Mercure, mais faisant un tour complet en seulement 70 minutes environ. Cela nécessite une vélocité époustouflante d'environ 30 % de la vitesse de la lumière ! », s'enthousiasme Maciek Wielgus dans un communiqué de l'ESO, premier auteur de l'étude et astronome au Max Planck Institute for Radio Astronomy à Bonn, en Allemagne.
Le centre de la galaxie est entré en éruption
D'après l'étude, ce point chaud trouve son explication dans l'éruption des trous noirs. En effet, les observations qu'ont utilisées les chercheurs dataient à la fois des 6 et 7 avril 2017, et du 11 avril 2017. Or, une éruption du trou noir Sagittarius A* s'est produite juste avant ces dernières observations, détectée dans les rayons X par le télescope spatial Chandra. Les données récoltées par les chercheurs, des courbes de lumière polarisée, ont alors changé et ils les ont interprétées comme la génération d'un point chaud tournoyant à grande vitesse autour du trou noir. Car le changement de courbe de lumière polarisée indique une modification des champs magnétiques entourant le trou noir.
Et pour les chercheurs, c'est une preuve que tout se joue par des champs magnétiques ! « Maintenant nous trouvons des preuves solides pour une origine magnétique de ces éruptions, et nos observations nous donnent un indice sur la géométrie du processus. Les nouvelles données sont extrêmement utiles pour construire une interprétation théorique de ces évènements », explique Monika Mościbrodzka, co-autrice de l'étude et astronome à l'université Radboud. Ces éruptions de trous noirs ressemblent à celles qui se déroulent à la surface de notre étoile, le Soleil, à l'origine des aurores polaires.

LES BULLES DE FERMI, DE GIGANTESQUES BULLES DE PLASMA S'ÉTENDANT DE PART ET D'AUTRE DU DISQUE GALACTIQUE DE LA VOIE LACTÉE, AURAIENT ÉTÉ CRÉÉES PAR UNE ÉRUPTION COLOSSALE DE SAGITTARIUS A* IL Y A 3,5 MILLIONS D'ANNÉES.
Ces observations témoignent du refroidissement du plasma émis lors de l'éruption
Finalement, en plus d'indiquer une éruption de Sagittarius A*, ces observations témoignent d'un nouveau phénomène : le refroidissement des jets de plasma émis par cette éruption qui restent en orbite autour du trou noir. « Ce qui est vraiment nouveau et intéressant, c'est que de telles éruptions n'étaient jusqu'à présent clairement présentes que dans les observations en rayons X et en infrarouge de Sagittarius A*. Ici, nous voyons pour la première fois une indication très forte que des points chauds en orbite sont aussi présents dans les observations radio », explique Maciek Wielgus.
En effet, le fait que cette bulle de gaz ait été observée dans les ondes radio indique une température assez faible, ces ondes étant bien moins énergétiques que des rayons X, ou infrarouges. « Peut-être que ces points chauds détectés sous ondes infrarouges sont une manifestation du même phénomène physique : dès que les points chauds émettant dans l'infrarouge refroidissent, ils deviennent visibles dans les longueurs d'onde plus longues, comme celles observées par l'Alma et l'EHT », ajoute Jesse Vos, co-auteur de l'étude et doctorant à l'université Radboud aux Pays-Bas. Par la suite, les chercheurs comptent se pencher encore plus sur ce phénomène, notamment par des observations avec l'EHT. « Avec un peu de chance nous pourrons un jour affirmer que nous "savons" ce qui se passe dans Sagittarius A* », conclut Maciek Wielgus.