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Les tentatives américaines d'isolement ont contribué à cimenter le monde très multipolaire que Washington avait promis d'empêcher, rapporte Ted Snider, chroniqueur sur la politique étrangère et l'histoire des Etats-Unis dans un article du The American Conservative.

Pour Ted Snider, «les Etats-Unis espéraient avoir le pouvoir et l'influence nécessaires pour amener le monde à isoler la Russie», mais « en dehors de l'Europe, cet espoir s'est avéré difficile à réaliser, car les Etats-Unis ont eu du mal à convaincre des alliés du Quad (considéré comme l'Otan de l'Asie) comme l'Inde et même des alliés de l'Otan comme la Turquie de se joindre à ses efforts pour isoler le Kremlin ». « Washington a également été incapable de déplacer le géant chinois », rajoute-t-il.

Même en Europe, les efforts américains se sont avérés difficiles. Alors que l'Europe semblait soutenir le régime des sanctions, les importations russes avaient presque retrouvé leurs niveaux d'avant-guerre en avril. Ce renversement est en grande partie attribuable aux exportations des pays, y compris les pays européens, qui ont signé des sanctions. La Russie a désormais dépassé l'Arabie saoudite en tant que deuxième fournisseur de pétrole brut de l'Inde qui importe désormais 819 000 barils de pétrole russe par jour. Moscou a dépassé les Saoudiens en tant que plus grand fournisseur de pétrole de la Chine, envoyant aux Chinois 1,98 million de barils par jour. Mais, ce n'est pas seulement une soif de pétrole russe qui contrecarre les objectifs de Washington. Bien que la Chine ait exprimé des questions et des préoccupations dans son approche voulue équilibrée concernant le conflit en Ukraine, et que l'Inde ait déclaré que l'ère d'aujourd'hui n'est pas à la guerre et ait loué la diplomatie et le dialogue, les deux nations ont continué à souligner leurs liens diplomatiques avec la Russie.

Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a déclaré durant une prise de parole au Forum économique de l'Est que « l'Inde souhaite renforcer son partenariat avec la Russie sur l'énergie » tout en célébrant les relations entre la Russie et l'Inde qui se sont considérablement améliorées. Il a précisé que les deux nations sont « amies, et que pendant des décennies, nous avons toujours été côte à côte ». Pour Narendra Modi, cette politique entre la Russie et l'Inde est « devenue aujourd'hui un pilier essentiel du programme spécial et privilégié entre les deux pays ». Les liens entre l'Inde et la Russie ne feront que s'améliorer et se renforcer à l'avenir.

Le président chinois Xi Jinping, a indiqué que « depuis le début de cette année, la Chine et la Russie avaient maintenu une communication stratégique fructueuse ». Le président chinois a souligné que la Chine et la Russie « ont maintenu une coordination étroite sur le plan international pour faire respecter les normes fondamentales des relations internationales », et il a promis que la Chine « travaillerait avec la Russie pour s'acquitter de ses responsabilités en tant que grand pays et jouer un rôle de premier plan pour injecter de la stabilité dans un monde de changement et de désordre ». Il est important de noter que Xi Jinping a ajouté que la Chine « travaillera avec la Russie pour étendre un soutien mutuel solide sur les questions concernant les intérêts fondamentaux de l'autre et approfondir la coopération pratique dans le commerce, l'agriculture, la connectivité et d'autres domaines ». En ce qui concerne les organisations internationales multipolaires telles que l'OCS et les BRICS, il a déclaré que «les deux parties doivent renforcer la coordination et la coopération».

Bloquer la Russie économiquement, diplomatiquement et militairement s'est avéré difficile. Le 29 août, par exemple, la Russie a annoncé que l'exercice militaire Vostok-2022 de septembre devait inclure des forces russes, chinoises et indiennes. Il n'y a pas que pour la Russie où les promesses américaines d'isolement ont échoué. L'Iran démontre l'écart entre les promesses américaines et ses capacités. Le 15 septembre, l'OCS a signé un mémorandum d'obligations avec Téhéran qui fera bientôt de l'Iran un membre à part entière d'une organisation qui représente
43 % de la population mondiale. Moscou a soutenu l'Iran. Loin d'être isolée, l'adhésion à l'OCS accordera à l'Iran des contacts de haut niveau et une coopération économique avec la Russie, la Chine et l'Inde. Lors du récent sommet, l'Iran a aussi été rejoint par la Turquie qui a désormais le statut de partenaire de dialogue. En septembre 2021, l'Arabie saoudite, l'Egypte et le Qatar ont également été admis à l'OCS en tant que partenaires de dialogue, rejoignant Bahreïn et les Maldives.

L'Iran commence à sortir de son isolement régional. En août, les Emirats arabes unis (EAU) et le Koweït ont tous deux annoncé qu'ils renverraient leurs ambassadeurs à Téhéran. Bien que l'Arabie saoudite ne soit pas encore allée aussi loin, ils ont rencontré l'Iran à plusieurs reprises et, le 25 avril, et ils ont tenu leur cinquième cycle de pourparlers positifs à Bagdad sur la normalisation des relations bilatérales, selon Reuters. Le 22 août, le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que les pourparlers avec l'Arabie saoudite sur la reprise des relations vont également dans une direction positive.

En mars 2021, l'Iran a signé un partenariat stratégique et économique de 25 ans avec la Chine d'une valeur de 400 milliards de dollars. Et en juin de cette année, l'Iran et le Venezuela ont signé un accord de coopération de 20 ans qui couvre de nombreux domaines, dont le pétrole, la pétrochimie, la défense, l'agriculture, le tourisme, les vols directs et la culture.

Le Venezuela est un autre pays que les Etats-Unis ont tenté d'isoler. Le 29 août, la Colombie a renvoyé son ambassadeur au Venezuela. Le président colombien, nouvellement élu, Gustavo Petro, a tenu sa promesse électorale de rétablir pleinement les relations diplomatiques avec le Venezuela. L'ouverture de la Colombie au Venezuela est une défaite importante pour la politique américaine d'isolement du Venezuela. La Colombie a longtemps été la clé de la projection américaine en Amérique latine et une base d'opérations contre le Venezuela.

Joe Biden a déclaré dans un discours à la Maison Blanche que « la Colombie est la cheville ouvrière de tout l'hémisphère nord et sud, et c'est un partenariat essentiel ». En plus de l'ouverture de l'ambassade, Gustavo Petro et le président vénézuélien, Nicolás Maduro, prévoient de rouvrir complètement la frontière entre les deux pays et de rétablir les relations militaires. Le rétablissement des relations de la Colombie avec le Venezuela fait suite à l'annonce par l'Argentine en avril de son intention de rétablir les liens avec le Venezuela. Plusieurs autres pays d'Amérique latine ont rouvert leurs communications avec le Venezuela, notamment le Mexique, le Pérou, le Honduras et le Chili. L'Equateur envisage aussi de rétablir des relations diplomatiques avec le Venezuela, tandis que le président argentin, Alberto Fernandez, a appelé tous les pays d'Amérique latine à revoir leurs relations avec Caracas.

Ces ouvertures au Venezuela font suite à l'invitation du président de la République de Cuba, Miguel Díaz-Canel, et de Nicolás Maduro à la dernière réunion de la Communauté d'Etats latino-américains et caraïbes (CELAC). Ils montrent leur soutien au Venezuela et à Cuba après que Joe Biden les a exclus du Sommet des Amériques de cette année. Plusieurs nations, dont l'Argentine, le Chili et le Belize ont protesté. Le Mexique, la Bolivie, le Honduras et d'autres ont boycotté le sommet. Les trois nations - la Russie, l'Iran et le Venezuela - démontrent la différence entre la capacité prétendue et réelle des Etats-Unis de pouvoir diriger l'isolement de ses adversaires. Les tentatives de Washington pour isoler les pays qui défient son hégémonie ont, ironiquement, conduit des nations ciblées à se tourner les unes vers les autres et à former une communauté de nations isolées. En effet, comme le formule Ted Snider, les tentatives américaines d'isolement ont contribué à cimenter le monde très multipolaire que Washington a promis d'empêcher.