Traduction copyleft de Pétrus Lombard pour Alter Info

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Les compagnies jouent un grand rôle dans notre journalier et prennent constamment des décisions aux conséquences profondes sur notre vie quotidienne. Par exemples, une entreprise prend la décision de vider ses cuves chimiques dans une rivière proche : la réserve d'eau est empoisonnée et les habitants de la ville voisine tombent malade ; ou bien, décidant de réduire ses coûts pour majorer ses profits, une compagnie lance une série de congédiements : la communauté formée autour d'elle est détruite. Nous sommes souvent consternés, en colère, et parlons avec véhémence de la malveillance des compagnies. Mais, selon Simon Baron-Cohen, la malveillance n'est pas le problème.

Expert en autisme et psychologie du développement, M. Baron-Cohen est aussi professeur de psychologie et de psychiatrie à l'université de Cambridge. Des années durant, il a consacré un temps d'étude considérable sur la raison des gens à se livrer à des actes ignobles et atroces. Sa théorie ?

La cause fondamentale est l'absence d'empathie, qu'il est possible d'évaluer et de soigner. Pour lui, l'empathie est l'accord instinctif aux pensées et sentiments d'autrui, associé à l'inclination à répondre convenablement à ces pensées ou sentiments.

Baron-Cohen remarque que le manque d'empathie ou l'impuissance à tirer profit de son plein potentiel, est la force motrice à l'origine de la plupart des maux dont souffre notre société, au plan mondial, national, communautaire et familial. Puisque leur implication se refuse l'empathie créée en prenant part à la situation sur le plan du tête-à-tête véritable, les arènes abstraites de la diplomatie et du droit, et les voies militaires, sont inaptes à traiter les conflits de façon convenable.

Dans ses livres, Baron-Cohen présente la courbe en cloche du spectre représentatif de l'empathie et la méthode d'évaluation du quotient montrant où se trouve un individu sur la courbe (chouette nouvelle, la plupart d'entre nous tombons en plein milieu). Il existe une large plage d'individus avec zéro d'empathie et dans la configuration psychopathe, narcissique, et à la limite des troubles de la personnalité.

Juridiquement, les compagnies procèdent d'individus artificiels, ayant pouvoir d'intenter procès et pouvant être poursuivis en justice, de lever des fonds, prendre des décisions politiques, etc. Elles sont dirigées par un conseil d'administration lié par statut au devoir de prendre des décisions aux mieux des intérêts de leur société.

Puisque le seul but des compagnies est de faire du fric, le mieux des intérêts est presque toujours celui qui multiplie les gains, l'empathie devant aller se faire admirer ailleurs.

Certes, il y a ces corporations qui, tout en faisant du profit, s'efforcent de ne pas nuire à la société. Mais, profondément enlisées dans les ordonnées zéro de cette courbe en cloche, existent des compagnies qui semblent avoir fait de la souffrance humaine un aspect de leur business.

Voyez Monsanto, par exemple. La compagnie inventrice de l'Agent Orange, du DDT, des OGM, et d'une foule d'autres substances toxiques à l'origine de dégâts et plaies horribles à l'échelle mondiale.

Firestone et ses plantations de caoutchouc au Libéria. Elle pollue l'environnement, paye des salaires d'esclaves, et laisse ses travailleurs logés dans des conditions insalubres.

Nestlé et ses plantations de cacao en Côte d'Ivoire. Elle emploie des enfants, leur verse des salaires d'esclaves, et les fait vivre dans des conditions insalubres.

Le gros business pharmaceutique et ses efforts concertés pour nous faire continuer à acheter des médicaments qui, soit ne font rien, soit font plus de tort que de bien.

Et cette compagnie accusée de l'assassinat de gens qui cherchaient à former des syndicats pour être payés et traités équitablement.

Et que penser de la belle Chiquita, condamnée, c'est véridique, à une amende par le ministère de la Justice zunien pour financement d'un groupe paramilitaire connu en Colombie, réputé pour le massacre de civils inoffensifs.

Trouve-t-on cloîtré en prison ou dans un établissement psychiatrique un criminel coupable des crimes cités ci-dessus ? Que la réponse soit oui ou non, le fait est qu'aucun individu impliqué dans les prises de décisions à l'origine de ces faits n'a passé du temps en prison.

Étant des êtres abstraits, du fait même de leur qualité, les compagnies s'exemptent des décisions humaines. Pour elles, prendre des décisions qui dérangent directement l'empathie l'humaine est un mal nécessaire. Retirez le don d'empathie et vous vous retrouvez avec ce que nous avons aujourd'hui : des entreprises psychopathes propageant partout dans le monde ce que nous estimons être la malfaisance. La machine du monde des affaires est un calculateur froid prenant des décisions qui honorent uniquement le dernier sou ; le bien-être et les besoins du genre humain passant au second plan - voire jamais.

Imaginez un monde où les compagnies seraient tenues aux même règles éthiques que les individus. Un monde où les profits ne pourraient pas être faits au détriment de l'environnement, où les salaires seraient équitables au plan mondial, où les responsables gouvernementaux ne seraient pas soudoyés par des entreprises pour prendre des décisions allant directement à l'encontre des meilleurs désirs de la population qui les a élus pour les représenter. Imaginez un monde où les compagnies psychopathes seraient écartées.