Science et Technologie
Internet est une révolution en marche. Avec le développement des technologies, on peut maintenant accéder partout et tout le temps à une faramineuse quantité d'informations. Depuis plusieurs années déjà, cet état de fait pose de nombreuses questions. Internet change-t-il notre façon de penser ? Nous rend-il idiot ? Plus intelligent ? Est-ce une chance ou une menace ? Les analyses varient d'un spécialiste à l'autre. Des psychologues américains viennent nourrir le débat avec une étude publiée vendredi dans Science. Ils montrent, preuves cognitives à l'appui, que notre mémoire est déjà sous influence.
Placés devant des questions difficiles, auxquelles ils n'ont pas de réponse, les cobayes ont immédiatement à l'esprit la «recherche Google» qui pourrait leur venir en aide. Et lorsqu'on leur demande de stocker des informations dans un ordinateur, ils oublient rapidement ce qu'ils ont écrit pour peu qu'on leur assure que le fichier Word sera bien stocké quelque part sur leur machine. Autre constat intéressant, ils retiennent avec une très grande précision l'endroit où est situé le dossier dans lequel chaque information est classée. Mis bout à bout, les différentes expériences menées par les trois chercheurs des universités Columbia, Harvard et du Wisconsin, sont sans appel : Internet change notre façon d'utiliser notre mémoire.
Internet remplace livres et amis
Pour Emmanuel Sander, responsable de l'équipe de recherche «Compréhension, Raisonnement et Acquisition de Connaissances» de l'université Paris 8, ces travaux viennent confirmer une intuition. «Plutôt que de retenir tous les numéros de téléphones par cœur, les gens préfèrent se rappeler où est rangé l'annuaire. Avec Internet, c'est un peu la même chose, mais à une échelle plus importante», explique-t-il. Cette démarche d'externalisation de la mémoire, bien connue, est appelée «mémoire transactive». Pour Betsy Sparrow, auteur principale de l'étude, Internet s'est en grande partie substitué aux livres et aux amis qui stockaient jusqu'à présent notre savoir «externe».
Les implications de cette découverte restent floues. «Nous n'avons encore aucun protocole qui nous permette de mesurer l'impact de ces changements sur le développement de notre esprit», relève Emmanuel Sander. Le savoir n'est pas une simple accumulation de connaissances rangées dans des tiroirs à portée de main. L'intelligence tient à la capacité à lier les faits entre eux, à leur donner du sens. «Si vous avez acquis de grandes capacités d'analyse, Internet peut vous apporter énormément. Sinon, vous êtes simplement submergé de données», résume le chercheur.
Au final ces travaux posent, en creux, une question devenue récurrente : les procédures d'apprentissage actuelles fournissent-elles aux élèves les meilleurs outils pour se servir intelligemment d'Internet ? Le «par cœur» a-t-il perdu tout son sens ? Tous les scientifiques ne le pensent pas. Si l'avènement des calculatrices a plongé en désuétudes les fastidieuses tables logarithmiques, il n'a jamais remis en cause l'intérêt pédagogique des tables de multiplication. A sa manière, Internet a déjà bouleversé notre rapport au savoir. Reste à déterminer comment nous allons pouvoir en tirer le meilleur parti dans l'éducation des nouvelles générations.
Commentaires des Lecteurs
«Si vous avez acquis de grandes capacités d'analyse, Internet peut vous apporter énormément. Sinon, vous êtes simplement submergé de données».
Il m'arrive souvent lors de débats avec des amis que ceux ci, à bouts d'arguments, se réfèrent à des données internet qu'ils ont enregistrées dans leur disque dur mais pas dans leur cerveau. Le débat alors tourne court.
La mémoire est utile ! Je crois que nous avons déjà beaucoup perdu depuis l'instauration de l'écriture. Par exemple le Druidisme qualifié de " société sans histoire" par des cuistres faisait appel à la mémoire individuelle. Je pense qu'ils étaient beaucoup moins stupides qu'on tient à nous le faire penser, en confondant la mémoire avec les moyens artificiels pour la stocker.
Je suis atterré par le nivellement par le bas qu'opère l'informatique et l'internet. Les arguments du type : " je te répondrai quand j'aurai vérifié sur internet " tendent à se répandre et traduisent simplement l'absence de pensée induite par la mémoire artificielle.
Pour penser il faut de la mémoire personnelle, tout comme un système d'exploitation a besoin de RAM pour fonctionner.
L'instrumentalisation de la mémoire est une bonne chose, mais elle ne nous dispense pas de l'effort de mémorisation et de traitement de l'information. Si vous ne le faites pas c'est l'internet qui vas penser à votre place. Dans ce cas votre activité cérébrale résiduelle pourra t' elle encore être qualifiée de pensée ?
il est aussi autant formidable que "dangereux... je pense
et ce n'est pas internet qui change notre façon d'utiliser notre mémoire, mais la société d'assistés que nous sommes.. calculette, tél.portables (je me souviens encore avoir eut tous les N° de mes potes dans la tête, aujourd'hui je dois bien refléchir pour me rapeller celui de ma femme quand j'ai plus de batterie), ordis, carte de credit etc etc.. internet du coup aussi, bien entendu
Ps internet nivelle peut^être par le bas dans les pays riches, et encore... mais c'est à nouveau un luxe de penser comme ça... ici dans le tiers monde, quand de temps en temps un de mes voisins passe sa petite demi heure du mois sur ma connexion pour faire ses recherches sur : constructions, jardins, recettes, plantes animaux, commande de matériel etc etc.. ils sont juste hallucinés de l'ampleur de cette bibliothèque...et de la commodité, rapidité, et information que cela apporte et pense encore moins qu'il faille de grandes capacités d'analyse pour que ça apporte énormément... ça les aide, les impressionne, et enrichi énormemnent, malgrés qu'ils n'aient pas de grandes facultés analytiques.
Rien de nouveau.
Déja Guitry, mort en 1957, écrivait : "A quoi bon apprendre ce qui est dans les livres, puisque ça y est ?"
Merci evene.fr