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© FRED TANNEAU/AFP
INFO LE FIGARO - Pour la première fois, et au bout d'un an et demi de travail, un rapport d'experts établit clairement un lien de causalité.

«À partir des éléments qui nous ont été fournis, nous n'avons pas trouvé de cause pouvant expliquer la survenue de cette pathologie en dehors de la prise de Mediator.» Cet extrait est tiré des conclusions d'un rapport d'expertise définitif que Le Figaro s'est procuré. Daté du 10 juin dernier, épais de 64 pages et rédigé par les professeurs Jean-Marc Rouzioux (toxicologue), Jean-François Obadia (chirurgien cardiaque), Paul Touboul (cardiologue) et le Dr Bruno Mazenod (endocrinologue), cette expertise fera date. C'est en effet la première rendue par une commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) qui établit clairement qu'une pathologie cardiaque, en l'occurence une valvulopathie, est liée à la prise de Mediator, le médicament de Servier commercialisé en France entre 1976 et 2009. Les CRCI sont des procédures administratives permettant d'obtenir une expertise financée par l'État et éventuellement, ensuite, une indemnisation.

Souffle au cœur

Madame C. habite dans la région lyonnaise. À 64 ans, cette veuve a notamment occupé un poste de secrétaire comptable. Aujourd'hui, elle est à la retraite. Coquette, cette jolie femme n'aime rien tant que s'occuper des fleurs de son jardin et faire de la marche en moyenne montagne. Mais tailler les haies ou utiliser son tracteur de jardin est désormais impossible en raison de son essoufflement. Le 23 février 2010, Mme C. saisit la CRCI du Rhône. Elle estime que la fuite de la valve aortique dont elle est victime est liée à la prise du médicament de Servier. En septembre 2006, elle prend un comprimé de Mediator par jour. La posologie augmentera progressivement pour atteindre deux comprimés par jour en octobre 2007 et trois quotidiennement en octobre 2008. Enfin, disposant de boîtes d'avance, la patiente a poursuivi ce traitement jusqu'en janvier 2010.

C'est un endocrinologue qui lui en avait prescrit en 2004 pour réduire son taux de sucre dans le sang, bien que celui-ci ne fût pas très élevé. Avant cette date, des examens cardiaques concluaient à l'absence d'anomalies. Puis en février 2010, après la détection à l'auscultation d'un souffle au cœur, Mme C. subit une échographie du cœur. Cette dernière révélera une fuite de la valve aortique.

Indemnisation

L'histoire est de Madame C. est emblématique car son cas est semblable à 90% des patients qui ont consommé du Mediator: elle souffre d'une atteinte des valves cardiaques mais les lésions sont modérées. En septembre, en référé, elle demandera 20.000 euros au titre du préjudice corporel et 100.000 euros pour préjudice d'anxiété aux laboratoires Servier. Elle en obtiendra certainement beaucoup moins. Actuellement, une cinquantaine d'expertises de ce type sont en cours.

Avec la mise en place du fonds d'indemnisation qui devrait être opérationnel après l'été, les victimes vont déposer des dossiers auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Ils seront examinés par un collège d'experts, présidé par un magistrat qui devra préciser la nature et l'étendue des dommages, ainsi que le lien avec le médicament. Ensuite, le laboratoire devra faire une offre d'indemnisation à la victime dans un délai de trois mois. Si la firme ne propose rien ou présente une offre jugée «manifestement insuffisante», la victime pourra s'adresser à l'Oniam, qui lui versera son indemnisation. Ensuite, l'organisme se retournera vers la justice pour obtenir de Servier le remboursement de la somme versée. Le laboratoire se verra alors infliger une pénalité de 30 %, soit le double de la pénalité aujourd'hui prévue par les textes dans ce type d'affaire.