Image
Un autre phénol, la benzophénone 3, est associé aussi avec une augmentation du poids de naissance des enfants. (Crédits photo: Scaparros/WikimediaCommons)
En France, la quasi-totalité des femmes enceintes est imprégnée par les phénols.

Voilà une étude épidémiologique sur l'impact des phénols qui va certainement faire du bruit. Ces substances dont le fameux bisphénol A ­présent encore l'an dernier dans les biberons en plastique sont en effet régulièrement accusées de perturber le système hormonal et le développement sexuel normal des enfants. Ils font partie de ce qu'on appelle les perturbateurs endocriniens. Or, la nouvelle étude conduite par l'Inserm montre que 96% des femmes enceintes de Bretagne et des régions de Nancy et de Poitiers sont contaminées (imprégnées en termes savants) par ces substances chimiques. Mais elle montre aussi que trois de ces produits chimiques modifient le poids des nouveau-nés de sexe mâle, ces molécules traversant la barrière placentaire.

L'étude a été publiée la semaine dernière dans la revue américaine Environmental Health Perspectives. Les recherches sont basées sur les deux cohortes mères-enfants françaises Eden et Pélagie destinées à étudier l'impact de l'environnement durant la grossesse. Les femmes enceintes ont été recrutées entre 2002 et 2006.

«Le bisphénol A a des effets possibles sur la croissance du fœtus», confirme Rémy Slama, de l'université de Grenoble, qui a piloté les travaux. En effet, les chercheurs ont constaté une augmentation du poids des bébés et du périmètre crânien, d'autant plus marquée que le taux d'imprégnation est élevé. Les mesures ont été effectuées à partir de prélèvements urinaires par les CDC d'Atlanta. Ils sont légèrement supérieurs aux chiffres relevés dans les autres pays européens. «Ces résultats demandent à être confirmés, tempère le chercheur. Il faut savoir ce qui se passe chez les filles. Mais ce que nous avons trouvé est cohérent: les perturbateurs interagissent avec le système endocrinien et adipeux.»

Malformations génitales

Un autre phénol, la benzophénone 3, est associé aussi avec une augmentation du poids de naissance des enfants. Cette substance est utilisée comme filtre anti-UV dans de nombreuses crèmes solaires. Ces résultats confirment ceux obtenus précédemment chez des femmes new-yorkaises ayant accouché de garçons.

Autres substances pointées du doigt par l'équipe de l'Inserm: les dérivés du 1,4-dichlorobenzène. Cette molécule était utilisée en France jusqu'en 2009 comme insecticide et déodorant, notamment dans les boules antimites. Mais au lieu d'augmenter le poids des garçons à la naissance, elle le fait diminuer. «L'association est nette», assure Rémy Slama. Généralement, un petit poids à la naissance est un facteur de risque d'obésité. «Il n'est pas facile de prédire quelles incidences ces perturbations peuvent avoir à long terme», reconnaît néanmoins le chercheur. La trajectoire de croissance des enfants va être suivie de près dans les prochaines années.

L'étude a concerné aussi les phtalates, une autre famille de perturbateurs endocriniens. Là, aucune augmentation ou diminution de poids n'a été relevée. «Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas d'effet sur les garçons. Chez les rongeurs, les phtalates provoquent des anomalies des organes reproducteurs.» L es résultats concernant les malformations génitales constatées chez 72 des bébés ne seront publiés que l'an prochain.

Les phénols et les phtalates sont présents dans de nombreux produits industriels comme les bouteilles en plastique, le fond des boîtes de conserve, les films alimentaires, les peintures, les crèmes solaires, etc. Ils sont partout, dans l'eau, dans les poussières des habitations mais on peut néanmoins réduire l'exposition. Une étude américaine publiée dans le numéro de juillet de la revue Environmental Health Perspectives montrait qu'en arrêtant de manger des aliments en conserve, une famille voyait ses taux de bisphénol A dans les urines diminuer de moitié.