« Je viens d'un pays qui est déjà sur le chemin d'une fascisation rampante. » Premiers mots d'une intellectuelle hongroise lors du forum sur l'Europe organisé lors de la Fête de l'Humanité il y a quelques semaines seulement. L'accusation est lourde, à l'égard d'un État membre de l'Union européenne, qui repose sur des valeurs qui se nomment, précise l'article 2 du traité de l'Union : « respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit, le respect des droits de l'homme, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités ». Or, depuis que les élections parlementaires de 2010 ont été remportées par Viktor Orban et sa formation de droite autoritaire et populiste, le Fidesz, et que le parti Jobbik (extrême droite) a obtenu 16 % des voix, les signes les plus inquiétants se succèdent.

Une loi qui muselle la presse, l'idéologie la plus traditionaliste exhumée des années 1930, la voie ouverte à la xénophobie et au racisme, un révisionnisme historique qui a droit de cité dans les médias, la Hongrie de 2011 renoue avec un passé suffisamment sombre pour qu'on le crût à jamais enfoui dans les replis de l'histoire : la Hongrie du régent Horthy. Viktor Orban qui, il y a deux décennies, lors de la transition politique entre les

Il ne fait pas bon être rom dans la Honrgrie de M. Orban.

Ni dans la France de M. Sarkozy.

communistes et l'opposition, se posait en libéral et en démocrate, s'appuie aujourd'hui sur l'agitation du parti d'extrême droite pour mener une politique de droite radicale aux accents nationalistes. En plein cœur de Budapest, sur la célèbre place des Héros, il n'est pas rare de voir la milice néofasciste, la Garde hongroise, parader en uniforme. Il ne fait pas bon être rom dans la Hongrie de M. Orban, mais il est vrai - force est de le déplorer - que le sort de ce peuple est à peine plus enviable dans la France de M. Sarkozy.

Il y a dix ans, l'entrée d'un parti d'extrême droite dans une coalition gouvernementale en Autriche avait provoqué un tollé en Europe, au point que Vienne fut un temps mis au ban des institutions européennes. Depuis, la montée des forces populistes et xénophobes dans plusieurs pays européens a été banalisée, en Italie où la Ligue du Nord a acquis une sorte de respectabilité, aux Pays-Bas, où le PVV (anti-islamique) a presque triplé son nombre de sièges au Parlement, en Finlande où le parti « des vrais Finlandais » est venu perturber la vie politique de cette tranquille République scandinave. Les forces d'extrême droite ont prospéré au fur et à mesure que la politique libérale menée à l'échelle européenne provoquait des frustrations sociales sans qu'apparaissent clairement des propositions alternatives. Ces formations, tout aussi favorables au libéralisme que les autres partis conservateurs, ont habilement manœuvré une partie des électeurs avec une propagande de repliement sur soi, du refus de l'étranger symbole de la mondialisation et du dumping social. La France n'a pas été épargnée par ce phénomène, incarné par le Front national.

Mais cette vague est résistible dès lors que le mouvement syndical et des forces de gauche engagent le combat pour une Europe sociale. Le traitement de la Grèce par l'UE et le FMI a plutôt ravivé la solidarité entre les salariés européens. Les syndicats, réunis au sein de la CES, ont bien compris que les luttes contre l'austérité devaient s'épauler au niveau européen. En Pologne, au Portugal tout récemment, mais aussi à Budapest samedi dernier, où 50 000 manifestants ont défilé pour la démocratie et contre l'austérité, à l'appel des syndicats hongrois. C'est ainsi que les néofascistes seront mis définitivement hors jeu.