Les patients schizophrènes sont plus nombreux à fumer, fument plus, extraient plus de nicotine lorsqu'ils fument, et présentent des symptômes de dépendance plus sévères que la population générale. La nicotine améliore certaines fonctions chez les patients schizophrènes comme les anomalies de la poursuite oculaire, l'attention, etc. Le taux élevé de fumeurs chez les patients pourrait refléter une tentative de remédier, par ce biais, à un certain nombre de perturbations cognitives.

Une équipe américaine a cherché à préciser si la nicotine améliore les fonctions cognitives par une facilitation de l'activation des régions cérébrales rendant possible la performance lors de la tâche, ou en facilitant la connectivité cérébrale (Jacobsen L, D'Souza D, Mencl E, Pugh K et al. Nicotine effècts on brain function and functional connectivity in schizophrenia. Biol Psvchiatry 2004 ;55: 850‑8).

Treize patients schizophrènes (selon le DSM IV) et fumeurs ont été appariés à treize témoins, fumeurs, mais sans histoire présente ou passée de psychopathologie. L'âge moyen des participants se situait autour de 42 ans. Quoique le nombre de cigarettes quotidiennes fût similaire dans les deux groupes (autour de 26-27), les concentrations plasmatiques de nicotine étaient plus élevées chez les patients et ces derniers présentaient plus de signes de dépendance.

Les participants ont été sevrés au moins quinze heures avant le début de l'expérience ; la nicotine ou un placebo ont été administrés par patch selon la méthode du double aveugle. Les participants ont ensuite été soumis à des tests cognitifs destinés à évaluer la mémoire de travail et l'attention sélective, et à deux examens en IRM fonctionnelle (une fois avec le placebo et une fois avec la nicotine).

Les patients travaillaient plus lentement que les témoins, et avec une performance inférieure, quel que soit le taux plasmatique de nicotine, sauf dans le cas de la tâche la plus difficile (l'écoute dichotique) pour laquelle la nicotine améliorait l'exactitude de la performance des patients et diminuait celle des témoins. La nicotine modulait aussi la connectivité fonctionnelle thalamo-corticale, dans une plus grande mesure chez les patients que chez les témoins, au cours de la tâche d'écoute dichotique.

La nicotine entraînait également l'activation d'un réseau de régions cérébrales, incluant le cortex cingulaire antérieur et le thalamus bilatéral.

La nicotine semble donc bien améliorer, en tout cas chez les patients fumeurs, la performance dans des tâches de mémoire de travail et d'attention sélective, en augmentant l'activation et la connectivité fonctionnelle entre des régions cérébrales qui sont concernées par l'accomplissement de la tâche.

Actualités Médicales Internationales , Psychiatrie (2 1), n°6 ,juin 2004