JOHANNESBURG - Séjour et chambre à coucher à l'épreuve du paludisme. Des hommes préhistoriques de l'actuelle Afrique du Sud avaient inventé le concept, il y a plus de 75.000 ans, en recouvrant leurs tapis de sol de plantes aux vertus insecticides.

L'abri sous roche du site de Sibudu, dans la province du Kwazulu-Natal (est), vient de livrer la plus ancienne trace connue de litière végétale et d'utilisation de plantes médicinales, grâce aux travaux d'une équipe de chercheurs dirigés par le professeur Lyn Wadley, qui présentait au public vendredi ses résultats à l'université du Witwatersrand de Johannesburg, le jour même où son étude paraissait dans la revue Science.

Les scientifiques ont découvert et étudié des litières fossilisées, dont la plus ancienne date de 77.000 ans. Particulièrement bien préservée, elle se compose d'une couche de tiges de joncs et de carex (une plante de la même famille), recouverte d'une très mince couche de feuilles de la plante Cryptocarya woodii.

Ce sont les feuilles de cet arbuste qui contiennent des produits chimiques aux vertus insecticides et larvicides et qui, une fois écrasées, ont la propriété de repousser les moustiques.

Le choix de ces feuilles pour la construction de litières suggère que les premiers occupants de Sibudu avaient une connaissance précise des plantes autour de leur abri, et qu'ils en connaissaient les vertus médicinales, assure Lyn Wadley.

J'irai jusqu'à dire qu'il s'agit du tout premier système de soins d'hygiène et de santé, ajoute avec un sourire la scientifique, soulignant que la lutte contre les moustiques était un enjeu vital dans cette zone, où le paludisme a dû être un danger mortel pendant des milliers d'années.

Les ossements d'animaux et les outils retrouvés mêlés aux joncs et aux feuillages démontrent par ailleurs que ces couvertures végétales servaient non seulement de lit, mais également de lieu de vie, de repas et de travail. Permettant de passer des heures et d'élever les enfants, hors de portée des moustiques, mais aussi des parasites.

Les chercheurs de l'équipe, sud-africains, américains et allemand, ont établi que les litières étaient régulièrement brûlées par leurs occupants, ce qui prouve une volonté d'assainir le site entre deux périodes d'occupation.

Il est rare que les archéologues puissent rendre compte des activités domestiques des hommes préhistoriques, s'est réjouit le professeur Wadley. C'est ce qui rend cette découverte si particulière.

Le site de Sibudu, fouillé depuis 1998, était déjà connu pour sa richesse. On y a mis au jour des coquillages perforés, probablement utilisés pour la confection de bijoux, mais aussi des pointes d'os taillées pour la chasse, ainsi que des collets et des pièges. De la colle permettant d'emmancher les outils de pierre a également été produite sur place.

Lyn Wadley et d'autres chercheurs y ont aussi trouvé des indices permettant de penser que la technique de l'arc et des flèches y a été développée.