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Britney E. Schmidt/Deadpixel VFX

Vue d'artiste d'une coupe du satellite Europe. Au sein de la croûte de glace, un lac d'eau liquide se forme, créant un chaos en surface.
Des formations de blocs de glace désordonnés à la surface du satellite de Jupiter trahissent peut-être l'existence de lacs d'eau liquide sous la surface.

Lancée en 1989 par la NASA, la sonde spatiale Galileo avait pour objectif d'étudier Jupiter et ses satellites. Elle a notamment dévoilé la surface de glace lisse mais craquelée du satellite Europe, qui rappelle la banquise des régions polaires terrestres. Sous cette couche de glace de plusieurs dizaines de kilomètres d'épaisseur se cacherait un océan d'eau liquide, résultant sans doute des effets de marée de Jupiter. Galileo a aussi photographié en surface des dômes ou des dépressions grossièrement circulaires formés de blocs de glace désordonnés, les « chaos ». Britney Schmidt, de l'Institut de géophysique du Texas, et ses collègues ont proposé un scénario expliquant leur formation.

Les planétologues se sont inspirés de phénomènes connus sur Terre pour expliquer les chaos d'Europe : un volcan islandais actif sous la glace provoque la fonte de celle-ci par en dessous et l'affaissement de la surface. Les glaciers de l'Antarctique ont aussi inspiré leur modèle : lorsque la banquise s'avance sur la mer, de l'eau salée s'infiltre dans les fissures et fragilise la glace, qui finit par se rompre en chapelets d'icebergs.

La formation des chaos d'Europe s'expliquerait par des phénomènes similaires. Dans un premier temps, un apport de chaleur depuis les profondeurs d'Europe entraîne la formation dans la croûte de glace, à quelques kilomètres de la surface, d'un lac de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre pour quelques kilomètres d'épaisseur. L'eau liquide occupant moins de volume que la glace, la formation du lac provoque l'affaissement de la croûte située au-dessus ; des fissures apparaissent. En s'infiltrant dans ces fissures, l'eau fragilise la glace et entraîne la dislocation en blocs, qui s'effondrent en partie, voire se déplacent de façon désordonnée. Quand l'apport de chaleur cesse, la glace se reforme et regagne du volume, créant alors un dôme incrusté de blocs désordonnés quasi circulaire, tel Conamara Chaos.

Une autre structure, Thera Macula, forme une dépression. Si le modèle est correct, Thera Macula serait à un stade plus précoce que Conamara Chaos et de l'eau liquide serait encore présente au-dessous. L'étude de la forme des blocs et la taille du chaos suggèrent que le lac se situe à une profondeur de trois kilomètres et qu'il contiendrait entre 20 000 et 60 000 kilomètres cubes d'eau liquide, un volume équivalent à celui des grands lacs d'Amérique du Nord. Un tel volume pourrait mettre jusqu'à un million d'années pour regeler complètement.

Reste que seul un sondage radar par une future mission d'exploration permettra de confirmer l'existence de ces lacs sous la glace.

Pour en savoir plus

B. E. Schmidt et al., Active formation of 'chaos terrain' over shallow subsurface water on Europa, Nature, vol. 479, 16 novembre 2011.

C. Sotin et al., Europa: Tidal heating of upwelling thermal plumes and the origin of lenticulae and chaos melting, Geophysical Research Letters, vol. 29, n° 8, 2002.