« À intervalles réguliers de nouveaux décrets d'urgence apparaissaient environ tous les six mois, réduisant chaque fois, les salaires, les retraites, les acquis sociaux, et finalement, même les revenus privés et les taux d'intérêt. Chacun étant la conséquence logique du précédent, et chaque fois Bruning (chancelier allemand de 1930 à 1932), serrant les dents, imposait sa douloureuse logique. »
Extraits de Mémoires d'un Allemand, écrit par Sebastian Haffner en 1939. Ce manuscrit a été découvert par son fils après la mort d'Haffner et a été publié en 2000.
Ces mots obsédants ont été écrits par Sebastian Haffner dans son mémoire alors qu'il est un jeune avocat à Berlin qui expérimente de première main la prise de pouvoir par les nazis.
Fascisme en Euramérique
© Inconnu
Les circonstances économiques auxquels les Allemands furent assujettis semblent être une description sinistrement pertinente de ce que nous expérimentons aujourd'hui. L'histoire semble se répéter elle-même alors que nous sommes actuellement soumis aux répétitives mesures fiscales d'urgence et l'imposition de « mesures d'austérité » jusqu'à en avoir la nausée. Si vous écoutez attentivement le langage émotionnel et fataliste des politiciens « désespérés », vous entendrez un écho pas si faible, du tristement célèbre chancelier du troisième Reich.

À travers les agents du gouvernement que sont les médias, on nous assène « que nous devons faire des sacrifices » où alors que le monde et tout ce qu'il contient, va imploser et disparaître en agonisant dans une mort douloureuse. Les nouveaux « décrets d'urgence » établis aujourd'hui semblent tous nécessaires vu qu'ils sont annoncés avec l'idée que « c'est notre unique radeau de survie ». Les nouvelles législations ou les amendements nous sont vendus comme des garanties de la sécurité générale, de la responsabilité fiscale ou de la stabilité financière mais, la vérité, c'est que l'implication en termes de restrictions de liberté de quelques mots ambigus soigneusement choisis sur un manuscrit législatif, sont seulement vraiment compris quand il est vraiment trop tard comme l'explique soigneusement Haffner.

Les États-Unis semblent bien être sur la voie glissante du non-retour. Presque chaque mois qui se sont écoulés, les marchés frappés de panique ont crié pour avoir des « stimulants » économiques, des assouplissements quantitatifs ou une intervention de la Fed (banque centrale américaine) pour venir au secours des valeurs qui s'effondraient, des actions qui plongeaient et de la confiance qui s'évaporait. Geithner (secrétaire au trésor des États-Unis), Bernanke (président de la Fed) et Obama sont prêts à sauver une Amérique qui n'a pas besoin d'être sauvée en déversant des dollars depuis des hélicoptères. Les présentateurs télé de la FOX rient de la brutalité de la police équipée avec du matériel militaire, discréditent le mouvement de protestation des occupants de Wall Street et quiconque questionnant les remèdes économiques prescrits alors que de nouveaux « décrets d'urgence » de rétention permettent de détenir indéfiniment et sans procès, quiconque proteste contre la corporocratie corrompue.

L'Eurozone a montré la voie, ou a reproduit, la marche de la mort de Wall Street ; les pays se sont fait tirer dessus, les uns après les autres par l'équipe de snipers Goldman Sachs/JP Morgan. L'hyper inflation des taux de crédit a alors engendré des crises de panique dues aux dégradations et les agences de notation venimeuses ont été de connivence pour donner des coups de pied à ces pays alors qu'ils étaient à terre. Pendant ce temps, les technocrates oubliés qui sont déjà dans la place, se cachent dans les coins d'ombre, attendant de remplir le vide laissé par les figures sortantes du corporatisme qui courent en direction des montagnes.

Les journaux crient à l'« Eurogeddon » tandis que les experts des médias envisagent des rues désertes, jonchées de détritus de la même manière que des hommes-sandwich déclarant que la « fin » est « proche ». Sarkozy et Merkel se rencontrent derrière des portes fermées et en quelques heures élaborent de nouvelles mesures pour le Traité européen. Une telle vitesse est le révélateur que ces mesures avaient été écrites par les bureaucrates aux ordres de Wall Street il y a longtemps de cela. Ils peuvent sauver une Europe qui n'a pas besoin d'être sauvée en rapprochant les pays encore plus, en centralisant les structures de pouvoir, en dépouillant de leur souveraineté des nations droguées à la dette, et en transférant le contrôle du budget à Bruxelles. En tout cas, c'est ce qu'ils nous disent. Mais avec de telles mesures financières dictatoriales (c'est vraiment ce qu'ils proposent), les nouveaux États-Unis d'Europe seront libres d'imposer les mêmes lois tyranniques à ses états membres que celle que les États-Unis d'Amérique ont récemment légiféré dans leur budget de la « défense ».

En Angleterre, les médias propagandistes du chancelier Osborne et du premier ministre David Cameron redéfinissent la nouvelle « urgence » en utilisant un nouvel ennemi : le secteur public pour qui les retraites sont dans la ligne de mire. Comment peuvent-ils oser défendre leurs droits ?! Comme s'il s'inspirait du personnage de Lewis Prothero, dans le film V-pour-Vendetta, Jeremy Clarkson (qui est candidat pour être élu la personnalité publique la plus idiote de la décennie), commentateur de l'émission sur les automobiles, « Top Gear » de la BBC, a déclaré « qu'il les prendrait [les contestataires] dehors dans la rue et qu'il les descendrait devant leur famille ». Ses déclarations fascistes sur la chaîne anglaise ont provoqué 30 000 plaintes et ont pour dessin de diviser encore plus une population rudoyée et dans la confusion.

Hitler avait choisi les juifs, les tziganes et les homosexuels pour être l'ennemi commun contre qui les Allemands devraient se rassembler. Dans l'époque de Bush, après l'incendie du Reichstag qui fut l'équivalent des attaques du 11-Septembre, la « guerre contre les musulmans » est devenue l'homologue nazi de « la guerre contre les juifs ». Une décennie après le 11-Septembre, les musulmans sont encore persécutés et vues comme des démons par les lecteurs qui ne se remettent pas en cause, qui ne cherchent pas à réfléchir, et qui se laissent docilement manipuler par les ordures intellectuelles de l'empire de Rupert Murdoch Mais de plus en plus, l'épicentre de cette guerre contre ces gens, devient une guerre contre ce que l'on nomme « les 99 % ». Des protestations, des émeutes et des « occupations » populaires se produisent partout dans le monde alors que les gens montrent leur dégoût de l'extrême corruption dans les hautes sphères publiques et les milieux privés, et pourtant, la majorité des personnes choisissent de regarder ça simplement nonchalamment à partir de leur salon qui leur procure une sécurité pourtant ténue. Pouvons-nous les blâmer ?
« Après tout, je ne pense pas que l'on puisse blâmer la majorité des Allemands qui, en 1933, croyaient que l'incendie du Reichstag était l'œuvre des communistes. Ce pourquoi quelqu'un peut les blâmer, et ce qui montre clairement, pour la première fois, leur terrible faiblesse collective de caractère pendant la période nazie, est que ceci a scellé le destin. Avec une soumission penaude, le peuple allemand a accepté que, suite à cet incendie, chacun d'eux perde le peu de liberté personnelle et de dignité qui était garantie par la constitution; comme si ce déroulement était une conséquence nécessaire. Si les communistes avaient brûlé complètement le Reichstag, que le gouvernement prenne des « mesures décisives », était parfaitement dans l'ordre des choses ! »

Sebastian Haffner, Mémoires d'un Allemand
Le mémoire de Haffner offre une vue saisissante sur la façon dont les gens normaux, de tous les jours, deviennent corrompus jusqu'au cœur, comment les décisions individuelles prises chaque jour ont des ramifications bien plus importantes que l'erreur initiale, semblant inoffensive, qui consiste à juste « allez avec le flot ». Nous sommes face à des choix tous les jours : où dépensons-nous notre argent, quelle est notre banque, avec qui nous passons du temps, comment nous investissons notre précieuse énergie. En parallèle de la lecture des livres sur la psychopathie et la Ponérologie, Mémoires d'un Allemand fournit une vue sur comment nous pouvons nous protéger du fait d'être entraîné dans le, encore inexploré, territoire d'une dystopie psychopathique globale. Alors que nous prenons conscience que notre monde d'avant est désormais mort avec ses standards de vie qui s'effondrent et ses guerres impérialistes d'agression insensées, il n'y a aucune raison pour quiconque d'être dans l'obscurité sur le fait de savoir comment « nous en sommes arrivés là ». Les explications trompeuses qui sont données pour justifier la tuerie d'innocents et la perte de notre humanité collective, semblent être très efficaces pour garder la plupart des gens apathiques. La triste constatation en la matière, est le fait que les gens soient trop effrayés à affronter la réalité est autant inquiétant que la vision du monde que les nazis avaient créé pour le peuple allemand il y a plus de 70 ans de cela.

Quand nous regardons en arrière ce qui s'est passé en Allemagne et les conditions qui ont mené à l'avènement de Hitler et des nazis, c'est avec l'assurance douillette que ces événements terrifiants du passé ne se répéteront jamais. Je peux me rappeler de ma visite à Auschwitz il y a presque 20 ans : alors que je pouvais voir le résultat de la pathologie du nazisme avec à la fois de l'horreur et un sentiment distinct d'irréalité, il me semblait inimaginable que les gens normaux puissent autoriser, et encore moins, prendre part à de tels comportements barbares.

Aujourd'hui, je me demande souvent ce que les générations futures, en assumant qu'il y en aura, diront à propos de la période actuelle de l'histoire ? J'ai peur que celle-ci soit vue à la fois avec le même sentiment d'horreur et une amnésie similaire consistant à penser que l'histoire n'a vraiment pas une forte tendance à se répéter. J'imagine des enfants à l'école, étudiant sur les revers de fortune apparemment bizarres de sociétés technologiquement avancées et prospères qui se sont effondrées dans leurs propres empreintes sous le poids de l'entropie d'un régime fasciste généralisé.

Mais tout cela a-t-il besoin d'être aussi morne et dystopique ? Une partie de moi espère toujours que les oligarques et la classe dirigeante pathocratique sera vaincue, d'une façon ou d'une autre, par la révolte populaire mondiale qui semble gagner en puissance. Mais il reste peu de temps aux membres « des 99 % » pour s'éveiller et changer l'histoire de notre futur.