Destiné à observer avec une très grande résolution les trous noirs supermassifs, le radiotélescope spatial russe Spektr-R du projet RadioAstron a observé son premier quasar. Grâce à lui, les astrophysiciens disposeront bientôt de l'équivalent d'un radiotélescope dont le diamètre serait d'environ trente fois celui de la Terre.

RadioAstron (ou Spektr R) a été lancé le 18 juillet 2011 de Baïkonour. Il y a un mois, installé à environ 100.000 km de la Terre, il est entré action, en fournissant des mesures qui ont été combinées selon les principes de la synthèse d'ouverture par interférométrie. Cette technique, qu'emploie le VLTI de l'ESO dans l'infrarouge, permet de faire des observations avec plusieurs télescopes ou radiotélescopes comme si l'on disposait d'un seul instrument géant. On obtient ainsi une résolution record.

Ce 15 novembre 2011, les radiotélescopes d'Effeslberg (100 m) en Allemagne et Spektr-R en orbite ont donc joint leurs forces au radiotélescope ukrainien de Evpatoria (70 m) et à ceux du réseau d'antennes de 32 m russe (nommé Quasar) pour observer un trou noir supermassif, plus précisément le quasar 0212+7.

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Sur ce diagramme donnant le signal observé par interférométrie dans le domaine radio, on voit un pic correspondant au rayonnement radio d'un quasar vu par RadioAstron. © Astro Space Center of Lebedev Physical Institute, Russian Academy of Sciences
Trou de ver ou trou noir ?

Les observations se sont faites à la longueur d'onde de 18 cm et le signal interférométrique obtenu est très encourageant. Sa résolution maximale est celle d'un télescope terrestre qui, dans le visible, pourrait distinguer une pièce de monnaie sur la surface de la Lune. À terme, lorsque Spektr R sera à 360.000 km de la Terre, il battra un nouveau record de taille pour un instrument astronomique en permettant des observations avec une résolution de 1/100.000 de seconde d'arc.

On devrait pouvoir s'approcher très près de l'horizon des événements d'un trou noir supermassif puisque l'instrument montrera des détails au cœur des galaxies actives de l'ordre de deux fois la taille de cet horizon. On pourrait alors découvrir que certains quasars ne sont pas le résultat de l'accrétion de matière par un trou noir supermassif mais sont bel et bien des trous de ver connectant notre univers à un autre... Les véritables études scientifiques avec RadioAstron ne débuteront cependant pas avant 2012.

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Une vue d'artiste de Spektr-R pas très loin de la Terre. © Lavochkin Association