Alors que le projet SOPA ou « Stop Online Piracy Act » poursuit son examen à la Chambre des représentants, plusieurs grands noms du net ont publié une lettre ouverte destinée à alerter les parlementaires sur la toxicité de ce projet. (MàJ : la lettre traduite en français)

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Diffusée sur le site de l'EFF, cette lettre a été signée par l'un des pères d'internet, Vint Cerf, mais aussi l'expert en sécurité Dan Kaminsky et John Gilmore, l'un des fondateurs de l'Electronic Frontier Coundation, ou encore Jim Gettys, à qui l'on doit les spécifications du http/1.1. En tout, 83 personnalités de l'histoire du net.

SOPA est cette nouvelle arme qui permettra aux ayants droit de lutter contre la diffusion des contenus illicites en dehors du périmètre de compétences des juridictions américaines.

Aller au-delà des juridictions américaines

Plutôt que d'agir à la source de ces diffusions, RIAA et MPAA pourront avec lui s'attaquer à tous les intermédiaires, aussi bien techniques, que juridiques ou financiers : régie publicitaire, carte de crédit (Paypal, etc.), FAI, moteurs de recherches mais aussi des intermédiaires plus techniques afin de tripatouiller les DNS de ces sites mis à l'index depuis les États-Unis.

Face à ce large éventail d'actions rédigé en des termes très flous, ces personnalités s'inquiètent vivement pour des risques pesant sur l'innovation technologique et l'équilibre des réseaux. Ils estiment en effet que SOPA (et son clone PIPA) va « nuire gravement à la crédibilité des États-Unis dans son rôle de gardien de l'infrastructure du Net ».

Danger sur les fondamentaux des réseaux

En cause notamment, les actions sur les DNS à l'échelle mondiale qui frapperont la capacité pour chaque internaute de communiquer librement alors que dans le même temps, les contrefacteurs trouveront des parades à ces dispositifs techniques. Ces dangers ont été parfaitement mis en lumière par les multiples bugs générés dans la saisie des noms de domaines par les services des douanes américaines (ICE). Un million de sites ont par exemple été rayés des écrans par erreur, alors que les douanes n'en visaient qu'un seul dans leur procédure de blocage.

« La censure de l'infrastructure d'Internet va inévitablement provoquer des erreurs réseau et des problèmes de sécurité » craignent les pères du Net. « Cela est vrai en Chine, en Iran ou dans les autres pays qui pratiquent déjà la censure. Ce sera tout aussi vrai avec cette censure américaine » quand on censurera de façon industrialisée par DNS, pare-feu, proxy, ou toutes autres méthodes aux multiples dommages collatéraux. « Les types d'erreurs réseau ou d'insécurité dont nous débattons aujourd'hui deviendront plus fréquents et affecteront des sites autres que ceux blacklistés par le gouvernement américain. »

Selon Vint Cert et les autres coauteurs du courrier, « les projets SOPA et PIPA menacent également les ingénieurs qui construisent des systèmes ou des services internet qui ne sont pas facilement et automatiquement compatibles avec les actions de censure du gouvernement américain. Lorsque nous avons conçu l'Internet la première fois, nos priorités étaient la fiabilité, la robustesse et le fait de minimiser les points centraux de menace ou de contrôle ». Et c'est ce système que sont en train de menacer les États-Unis à la demande des ayants droit dans l'objectif de contrôler la diffusion et la réception des informations en ligne.

« Le gouvernement américain a régulièrement affirmé qu'il soutenait un Internet libre et ouvert, tant au niveau local qu'à l'étranger. Nous ne pouvons pas avoir un Internet libre et ouvert sans système de nommage et de routage placés au-dessus des préoccupations politiciennes et des objectifs d'un seul gouvernement ou d'une industrie. »

Hadopi, laboratoire d'essai des projets PIPA/SOPA américains

On soulignera que la France a ses petits SOPA et PIPA depuis les origines d'Hadopi. Il est inscrit à l'article 336-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Il permet aux ayants droit de réclamer du tribunal toutes les mesures de son choix à l'égard de toute personne dans l'optique de faire cesser ou empêcher une diffusion illicite.

C'est cet article qui a servi de levier pour l'action Allostreaming à l'égard des FAI et de moteurs. Et Frédéric Mitterrand l'a souligné voilà peu : la Hadopi est chargée d'une mission destinée à responsabiliser tous les intermédiaires dans la lutte contre les sites de streaming. « Il nous faut débattre en toute franchise de ces questions avec tous les intermédiaires concernés : je pense aux intermédiaires financiers, les sociétés de carte de paiement ou de micro paiement et aux réseaux publicitaires. La Hadopi m'a indiqué qu'elle organisait dans les prochaines semaines une table ronde réunissant ces acteurs. L'objectif est que chacun soit mis publiquement en face de ses responsabilités ».