Deux sièges des services de sécurité de la capitale syrienne ont été visés, vendredi matin. Des attaques qui ont fait 40 morts.

Quarante personnes ont été tuées vendredi dans deux attentats-suicides à la voiture piégée contre deux bâtiments des services de sécurité à Damas, la capitale syrienne, au lendemain de l'arrivée dans le pays d'observateurs de la Ligue arabe. Ces attaques sont les plus meurtrières depuis le début du mouvement populaire contre le régime du président Bachar el-Assad, violemment réprimé par les autorités depuis neuf mois.

D'après la télévision publique syrienne, les attaques ont visé un immeuble administratif de la sécurité d'État et un service de sécurité. Plus de 150 personnes ont été blessées, toujours selon la télévision qui a diffusé des images des secours recouvrant des corps ensanglantés sous des couvertures et évacuant des blessés sur des brancards au milieu de débris calcinés.

Les premiers éléments, poursuit-elle, désigneraient la piste al-Qaida. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, le Liban avait prévenu Damas cette semaine de l'infiltration d'éléments d'al-Qaida en territoire syrien. "Les autorités libanaises nous ont prévenus il y a deux jours qu'un groupe d'al-Qaida s'était infiltré en Syrie à partir d'Ersal (ville du nord du Liban, NDLR)", dit Jihad Makdesi dans un communiqué adressé à Reuters. "Et les auteurs des attentats-suicides de ce jour ont fait environ 40 morts et plus de 150 blessés. (...) Ceux qui recherchent la liberté devraient savoir que ce n'est pas ainsi qu'on parvient à la démocratie." "Ces attentats sont l'oeuvre de terroristes tentant de saboter le désir de changement", ajoute-t-il.

Manipulation du régime ?

Le Conseil national syrien (CNS), qui réunit les opposants au président Assad, a mis en garde contre une manipulation du régime. "Nous soupçonnons le régime d'avoir organisé (les attentats) lui-même", a dit Basma Qadamni, porte-parole du CNS.

Un caméraman de l'agence Reuters n'a pas été autorisé à se rendre sur les lieux. Un témoin joint par téléphone dit avoir entendu deux explosions dans la capitale. Un autre témoin de l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme a rapporté que des fusillades avaient éclaté après ces déflagrations.

Ces attentats surviennent au lendemain de l'arrivée dans la capitale syrienne d'une première équipe d'observateurs de la Ligue arabe pour préparer une mission d'observation chargée de s'assurer de la mise en place d'un plan pour résoudre la crise. Ce plan de la Ligue arabe, accepté le 2 novembre par le régime syrien, prévoit notamment le retrait des troupes déployées dans les villes, la libération des prisonniers politiques et l'ouverture d'un dialogue avec l'opposition. Les délégués de l'organisation panarabe se sont rendus sur les lieux des attentats, selon la télévision d'État.

À Washington, le département d'État a condamné ces attentats. "Rien ne peut justifier le terrorisme d'aucune sorte et nous condamnons ces actes", a dit Mark Toner, porte-parole du département d'État américain, dans un communiqué. "Il est crucial que les attentats d'aujourd'hui ne fassent pas obstacle à la mission d'observation de la Ligue arabe de s'informer et d'empêcher les violations de droits de l'homme pour protéger les civils. Nous espérons que cette mission se poursuivra sans entrave dans une atmosphère de non-violence."

Risque de guerre civile

L'ONU estime qu'au moins 5 000 décès sont liés à la contestation et à la répression depuis la mi-mars. Les autorités syriennes, qui affirment, elles, être en lutte contre des "bandes terroristes" soutenues par l'étranger, font état d'au moins 2 000 morts dans les rangs de l'armée et des forces de sécurité. L'évolution de la situation et l'apparition d'une Armée syrienne libre formée notamment de déserteurs font craindre que la Syrie ne bascule dans une guerre civile.

Le mois dernier, une explosion de faible puissance s'était produite à proximité d'un immeuble du renseignement à Damas. Selon l'opposition syrienne, la répression a franchi un cran supplémentaire depuis que Damas a donné, lundi, son accord à l'envoi des observateurs de la Ligue arabe. L'Observatoire syrien pour les droits de l'homme dit avoir recensé plusieurs centaines de morts depuis lors, victimes d'opérations menées dans le Nord et le Sud par les forces syriennes. Assad, accusent les opposants, voudrait mater la contestation avant que la mission des observateurs de la Ligue arabe ne soit au complet.