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Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy à l'Elysée, le 10 décembre 2007. | AFP/PATRICK HERTZOG
Le journal en ligne Mediapart a publié, samedi 28 avril, un document qui prouverait que le colonel Kadhafi aurait donné son "accord de principe" pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.

Dans ce document, une note issue des services secrets libyens signée par son chef de l'époque, Moussa Koussa, et traduite de l'arabe par Mediapart, on peut lire que, dès 2006, le gouvernement libyen aurait décidé "d'appuyer la campagne électorale" de Nicolas Sarkozy pour un "montant de 50 millions d'euros". La note ne précise pas si un tel financement a effectivement eu lieu.

Moussa Koussa ajoute que cet accord est consécutif au "procès-verbal de la réunion tenue le 6/10/2006, à laquelle ont participé de notre côté le directeur des services de renseignements libyens (Abdallah Senoussi) et le président du Fonds Libyen des investissements africains (Bachir Saleh), et du côté français M. Brice Hortefeux et M. Ziad Takieddine". L'ex-ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a déclaré n'avoir "jamais rencontré Moussa Koussa et Bachir Saleh", ancien homme clef du régime libyen et actuellement recherché par Interpol.Mediapart explique avoir obtenu cette note de la part "d'anciens hauts responsables du pays, aujourd'hui dans la clandestinité", qui l'ont communiquée "ces tout derniers jours".

TAKIEDDINE "PENSE QUE LE DOCUMENT EST CRÉDIBLE"

Interrogé par Mediapart, Ziad Takieddine, l'homme d'affaires qui a introduit dès 2005 en Libye les proches de l'actuel ministre de l'intérieur, notamment Claude Guéant, et Nicolas Sarkozy lui-même, a déclaré que "ce document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat, que ces 50 millions d'euros aient été versés ou non".

L'avocate de Ziad Takieddine, Me Samia Maktouf, a déclaré que son client "pense que le document est crédible". M. Takieddine a également assuré qu'il reconnaissait la signature de M. Koussa, actuellement au Qatar.

"L'enquête sera difficile parce que beaucoup d'intervenants sont morts pendant la guerre en Libye, mais c'est déjà important de rendre public ce document", a ajouté M. Takkiedine, qui a ensuite expliqué à l'AFP le fonctionnement de la diplomatie libyenne de l'époque : "M. Moussa était effectivement un relais avec la France. Cela se passait en secret, avec Saleh. Les relations de la Libye avec la France étaient gérées par Senoussi lui-même, pour Kadhafi, mais il y avait des lignes parallèles entre les services de renseignements gérés par le ministre de l'intérieur de l'époque Sarkozy, à travers Claude Guéant et Moussa Koussa".

KOSCIUSKO-MORIZET DÉNONCE "UNE DIVERSION GROSSIÈRE"

Le 12 mars, M. Sarkozy avait qualifié de "grotesque" un éventuel financement de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime libyen. Samedi, en meeting à Clermont-Ferrand, il n'a pas réagi à la publication de ce document. Sa porte-parole, Nathalie Kosciusko-Morizet, a dénoncé "une diversion grossière", imputée à "l'équipe de François Hollande (...) gênée par le retour de Dominique Strauss-Kahn".

"Il s'agit d'imaginer un financement libyen de 50 millions d'euros, dans une campagne électorale dont les comptes sont plafonnés à 22 millions d'euros. Des comptes qui ont par ailleurs été validés par le Conseil constitutionnel et n'ont donné lieu à aucune contestation, fait-elle valoir. Autour de François Hollande, depuis le retour sur la scène de cette grande caution morale qu'est DSK, on ne craint plus rien. Même pas le ridicule".

"Si les faits révélés par Mediapart étaient définitivement confirmés par d'autres documents ou les instructions judiciaires en cours, il serait alors établi que le président sortant à menti aux Français, pour dissimuler la réalité d'une très grave affaire d'Etat", a réagi Bernard Cazeneuve, un des porte-parole de François Hollande, demandant à M. Sarkozy de "s'expliquer devant les Français".