Autour de Marc Dutroux depuis cinq ans, c'est l'hécatombe. La chaîne de télévision ZDF a présenté, le 30 janvier 2001, une liste bien macabre. Celle de douze témoins ou acteurs de l'affaire ayant trouvé une mort violente depuis l'arrestation de Marc Dutroux en août 1996.

-Anna Konjevoda, témoin détenant des informations sur certains complices de Dutroux. Repêchée dans la Meuse. Battue et étranglée avant d'être jetée à l'eau.

-Michel Piro, proxénète propriétaire d'une boîte de nuit. Abattu sur un parking d'autoroute, deux jours avant de rencontrer des parents de petites victimes de Dutroux.

-Brigitte Jenart, dentiste bruxellois, témoin important. Retrouvée morte chez elle. Suicidée.

-Christian Coenraedts, détenu à Bruxelles. Devait être interrogé sur ses liens avec Dutroux et son complice Bernard Weinstein. Evadé la veille de son interrogatoire, pendant un transfert. Retrouvé assassiné un mois plus tard, dans la banlieue bruxelloise.

-Bernard Weinstein, complice de Dutroux. Retrouvé près du corps de Julie et Melissa dans une propriété de Dutroux. Enterré vivant, après une absorption de Rohipnol, tranquillisant avec lequel Dutroux avait l'habitude de neutraliser ses victimes.

-José Steppe, petit truand de Charleroi. Contacte un journaliste pour lui confier des informations sur Dutroux. Meurt chez lui, juste avant la rencontre. Victime d'une crise d'asthme. Dans son appareil respiratoire, on aurait retrouvé du benzodiazépine, le même principe actif contenu dans le Rohipnol.

-Guy Geubels, gendarme. Suicidé avec son arme son service. Il ne cachait pas son désir d'élargir l'enquête sur la mort de Julie et Melissa. La mère de cette dernière, Carole Russo déplore : "à chaque fois que nous avons demandé des informations sur sa mort, la justice nous a donné des réponses différentes".

-Brune Tagliaferro, ferrailleur connu de Dutroux. Empoisonné près de Charleroi. Sa compagne Fabienne Jaupart accuse : "Bruno m'a dit qu'il en savait trop et qu'il serait bientôt mort."

-Fabienne Jaupart, amie du précédent. Retrouvée morte, à moitié carbonisée, dans son lit. Matelas imprégné de méthanol. On lui avait refusé la protection policière qu'elle avait réclamée, s'estimant menacée.

-Gina Bernaer, assistante sociale, membre de l'association Morkhoven. Se sentait menacée. Accident de voiture.

-Jean-Paul Taminiau, videur puis propriétaire d'un night-club-bordel. Détenteur de la clé d'un garage voisin d'un autre, appartenant à Dutroux. On a repêché son pied dans un canal. Le reste du corps n'a jamais été retrouvé. Sa mère est la seule à se battre pour connaître la vérité sur cette mort...

-François Reyskens, vingt-huit ans, toxicomane. Ecrasé par un train à Seraing, juste avant d'être entendu par les gendarmes sur la disparition de Melissa.

-Simon Poncelet, policier à Mons. Tué de quatre balles à bout touchant. Son père, avocat général de Tournai, déclare : "Il existe deux possibilités : un règlement de compte interne pour lequel je ne vois aucun mobile. Soit c'est lié au trafic international de voitures qui occupait toute l'énergie de mon fils".

La plupart de ces témoins transmettaient des informations à la gendarmerie ou à la cour de justice, avant de perdre la vie peu après. La façon volontairement déficiente des services juridiques de traiter ces disparitions, et le silence quasiment complet des médias sur ces témoins décédés, en dit beaucoup sur leur complicité.

Pendant son apparition au procès Dutroux, un Jean-Marc Connerotte brisé résumait correctement que "jamais auparavant avait-on gaspillé tant d'énergie à l'enrayage d'une investigation". La police l'alertait que des contrats était préparés pour "terminer" les magistrats si nécessaire. Connerotte-même se faisait transporter dans une voiture pare-balles. Selon le juge, Nihoul profitait d'une certaine protection et était hors d'atteinte.

Que la piste des réseaux pédophiles fut étouffée sera confirmé par le témoignage d'une victime connue de pédophilie. Durant l'arrestation de Dutroux, Régina Louf reconnaît Michel Nihoul à la télévision comme un de ses bourreaux. Selon elle, Nihoul jouait un rôle central dans l'organisation des Ballets Roses : des réunions dans les années 80 où des filles mineures furent horriblement abusées par différents personnages.

Elle témoigne que Michel Nihoul, accompagné d'Annie Bouty, avait tué une autre victime Christine Van Hees de façon rituelle. Elle décrit exactement tous les détails du meurtre comme les investigateurs les avaient découverts. Régina connaît aussi d'autres victimes du réseau comme Carine Dellaert, Catherine De Cuyper et plusieurs autres filles.

Durant les sévices, Régina reconnaît des politiciens, elle nomme des juges haut placés, des officiers de police et des hommes d'affaires. Les interrogations de Régina font resurgir des noms comme Paul Van den Boeynants, Maurice Lippens, Melchior Wathelet, Wilfried Martens, des membres de la famille royale et différents autres. Les interrogations originelles (choquantes) de Régina comme témoin X1, (pp. 8 à 1083), ainsi que celle de X2 (pp.1083 à1100) et X3 (pp.1100 à1105), y inclus les noms et perversions des participants, ont transpiré sur l'internet. En effet, durant l'investigation, Michel Nihoul avait à quelques reprises nommé Paul Van den Boeynants comme participant aux partouzes. Nihoul réglait les fonds des campagnes électorales de l'ancien premier ministre.

Que des notables cités par leur nom étaient présents au partouzes ne signifie pas que tous ces hommes sont des pédophiles cruels. Certains étaient leurrés par Nihoul afin de les enregistrer en compagnie de mineurs. Les tactiques de chantage par Nihoul étaient inhérentes à son organisation et étaient très lucratives. Pour prouver qu'il ne bluffait pas, Nihoul avait essayé plusieurs fois de régler une vente de telles photos avec des agences de presses étrangères comme Der Spiegel ou Canal+. Si Nihoul était vraiment en possession de tels matériels sensibles, on peut comprendre pourquoi la piste de réseaux autour de sa personne fut étouffée. On a commis l'erreur de jouer à son jeu de chantage.

Ce qui n'est point excusable : la disparition à Liège de deux nouvelles filles indique que les réseaux pédophiles continuent leur travail invariablement. Il est recommandable que les personnes qui se font plaisir avec de telles perversions se regardent dans le miroir, et réalisent leurs torts.

Marc Dutroux faisait dans le trafic de voitures. Mais cette partie de l'affaire est détachée du dossier des abus sexuels d'enfants. Les deux activités criminelles de Marc Dutroux semblent inséparables, mais elles sont traitées par deux parquets différents : Nivelle et Neufchâteau.

Le père du policier assassiné, l'avocat général Guy Poncelet avoue : "Je ne comprends pas ce saucissonnage." Et il ajoute : "Je ne peux que constater qu'il y'a certains décès opportuns, opportun du point de vue du moment, et je me pose des questions."

Ce que la thèse officielle du prédateur pervers et solitaire n'arrive pas à expliquer, c'est la source des revenus de Marc Dutroux. Certes il bénéficiait d'aides sociales, faute de revenus déclarés. Mais comment pouvait-il être propriétaire de cinq maisons, de portefeuilles d'actions et de plusieurs comptes en banque ? Kidnapper et violer des enfants (sans jamais demandé de rançon) ne rapporte rien. D'où venait l'argent de Dutroux ?