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Un bébé maki à queue annelée et sa mère, photographiés le 31 mars 2006 dans un zoo
AFP/Archives - Jean-Christophe Verhaegen

Les makis de Mayotte ne furent longtemps que les animaux emblématiques de cet archipel de l'océan Indien. Puis la compassion d'une amoureuse des ces lémuriens a engendré une situation inextricable où des centaines d'entre eux, introduits dans un îlot protégé, ont finalement été victimes d'une étrange hécatombe.

En fin de semaine dernière, l'association Maecha Komba na Zoumbé (MKZ) de protection de la faune a découvert une cinquantaine de cadavres de makis répartis sur 1 à 2 hectares des 90 que compte l'îlot M'Bouzi, situé dans le lagon à deux kilomètres de Mamoudzou.

La préfecture et l'association des Naturalistes de Mayotte, gestionnaire de la réserve naturelle nationale de M'Bouzi, théâtre de l'hécatombe, vont porter plainte. Les makis sont en effet une espèce protégée par la convention de Washington sur la faune et la flore menacées d'extinction.

Les animaux ont peut-être été empoisonnés, les médias locaux parlant d'un usage de raticide, mais la préfecture n'a pas confirmé cette hypothèse, attendant le résultat des prélèvements pratiqués sur les cadavres et envoyés dans des laboratoires en métropole pour tenter d'identifier la substance mortelle.

Ce sont des bénévoles de MKZ qui ont fait la macabre découverte. Ils se rendaient à l'îlot dans le cadre d'une campagne de contraception de ces lémuriens. Introduits à partir de 1997 par l'association Terre d'Asile, ils y ont proliféré de manière excessive, mettant en péril le milieu insulaire, qui abrite un des derniers reliquats de forêt sèche primaire comorienne.

"Ce problème n'aurait jamais dû être, les lémuriens n'auraient pas dû être introduits à M'Bouzi", a déclaré à l'AFP Thomas Degos, préfet de Mayotte. "Je ne veux pas jeter l'opprobre sur les uns ou sur les autres. Chacun a sa part de responsabilité mais en partant d'une bonne intention on arrive à un échec collectif", a-t-il regretté.

Car l'histoire, qui avait bien commencé, est connue de tous à Mayotte. Brigitte Gandon, une métropolitaine implantée, a commencé à récupérer des makis blessés ou malades en ville et à les soigner chez elle. Le bouche à oreille fonctionnant, les gens lui apportaient les petits animaux qu'ils trouvaient.

Cette Brigitte Bardot locale s'est bientôt retrouvée à la tête d'une colonie de makis, et a obtenu de pouvoir les déménager dans l'îlot M'Bouzi, dix ans avant son classement en réserve naturelle.

Avec son association Terre d'Asile, elle n'a eu de cesse de nourrir ses petits protégés, qui auraient sinon dépéri dans cet espace qui n'est pas leur milieu naturel. Les mangeoires alimentées régulièrement ont engendré une véritable explosion démographique: on compte entre 600 et 800 makis, en augmentation de 10% chaque année, en l'absence de prédateurs.

De plus, l'abondance de nourriture a attiré des rats qui pullulent aussi.

La situation est donc vite devenue un casse-tête: comment protéger l'îlot sans porter atteinte à une espèce protégée ?

Le Conseil national de la protection de la nature s'est emparé du dossier, jugé la présence des makis "invasive" et recommandé aux autorités locales la mise en oeuvre d'un plan d'action.

"Aujourd'hui l'ensemble des acteurs en présence est d'accord pour dire que la présence massive des makis sur M'Bouzi représente un problème", selon M. Degos. "Plusieurs solutions sont envisagées afin d'arriver progressivement à une diminution de la population : contraception, délocalisation, diminution progressive du nourrissage et donc régulation naturelle de la population".

C'est au moment où les premières actions s'enclenchaient que les makis ont été victimes d'une méthode un peu plus expéditive.