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Après plus de 300 années de calme, le mont Fuji pourrait bien se réveiller. Tel est le constat établi par les chercheurs de l'Institut nationale japonais sur la prévention des catastrophes (NIED). Selon leurs calculs, dévoilés le 6 septembre, la pression dans la chambre magmatique du fameux volcan atteindrait 1,6 mégapascal, dépassant celle au moment de sa dernière éruption, en 1707. Or une éruption peut survenir à une pression de 0,1 mégapascal.

L'annonce de ce nouveau danger suit celle, faite en mai, de la découverte d'une faille, vraisemblablement active, passant sous le célèbre volcan japonais. Elle s'ajoute aux résultats de l'étude gouvernementale, dévoilée le 29 août, sur les conséquences d'un tremblement de terre de magnitude 9 dans la fosse de Nankai, au large de la partie centrale du Japon dans l'océan Pacifique (Le Monde du 2-3 septembre).

Pour les Japonais, la menace d'une éruption du mont Fuji dépasse le simple constat d'un risque nouveau. Cette montagne volcanique tant de fois représentée - notamment dans les estampes ukiyoe, telle que la série des 100 vues de Hokusai (1760-1849) - a rang de symbole divin. Point culminant de l'archipel avec ses 3 776 mètres, elle présente la forme élégante d'un cône parfait que les éruptions passées n'ont guère altéré.

DES MILLIERS DE MORTS LORS DE LA PRÉCÉDENTE ÉRUPTION EN 1707

Lors de la dernière, en 1707, un petit cratère est apparu sur sa pente sud-ouest. Ce drame, appelé "grande éruption de Hoei", car survenu lors de la quatrième année de l'ère Hoei (1704-1711), reste surtout dans les mémoires pour l'importance des rejets de cendres volcanique. Dix centimètres en ont recouvert Yokohama, au sud de Tokyo (qui se nommait à l'époque Edo). A Edo, le niveau avait atteint 5 cm. La catastrophe aurait fait des milliers de morts, essentiellement à cause de la famine survenue après les 15 journées d'éruption.

En ce début du XVIIIe siècle, le drame avait suivi un violent séisme dans la région d'Osaka, au sud du mont Fuji. Cette fois, la montée du risque serait une conséquence du séisme du 11 mars 2011 et de celui, de magnitude 6,4, survenu non loin le 15 mars, au large de Shizuoka.

Pour les scientifiques, cependant, l'éruption a peu de chance d'avoir lieu dans un avenir proche. La pression n'est en effet pas la seule condition du phénomène. La quantité de magma accumulée resterait relativement faible et insuffisante pour causer une éruption.

Mais l'annonce des chercheurs du NIED a rappelé qu'en 2004, le gouvernement avait calculé qu'une éruption du mont Fuji pourrait provoquer 2 700 milliards de yens (27 milliards d'euros) de dégâts. Le rejet de poussières volcaniques pourrait bloquer l'activité économique, à commencer par les transports aériens et terrestres. Sans parler des risques pour la santé de millions de personnes.

Plus généralement, les travaux du NIED semblent traduire une volonté des autorités d'inciter la population à se préparer au pire. Avant le 11 mars 2011, la conscience des risques pouvait paraître estompée, si ce n'est minimisée. C'est dans ce contexte qu'en juin, des chercheurs des départements de Shizuoka et de Yamanashi - où se trouve le mont Fuji - et de celui, voisin, de Kanagawa, ont discuté de mesures à prendre pour faciliter l'évacuation des populations. Une simulation à grande échelle devrait être réalisée en 2014.