Traduit par Résistance 71

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L'intervention militaire française au Mali qui a débutée Vendredi, la seconde intervention de la France en deux ans dans une ex-colonie africaine, est rapportée être "secondée" par les Etats-Unis. Ceci ne doit pas être une surprise lorsque l'on considère l'intensification de la pénétration du Pentagone en Afrique.


D'après le centre de commandement américain en Afrique AFRICOM, le Pentagone prévoit de déployer des soldats dans quelques 35 pays africains différents en 2013. Comme le rapporte NPR, environ 4000 soldats américians vont prendre part "à des manœuvres militaires et entraîner les troupes africaines dans des domaines allant de la logistique au tir en passant par l'organisation des soins médicaux." (du reste, l'officier malien responsable du coup d'état en Mars dernier avait juste reçu une formation militaire de la part des Etats-Unis.)

Bien entendu, l'armée américaine a déjà une présence de terrain très significative en Afrique. Par exemple, la "base de drones predators la plus active en dehors de la zone de guerre d'Afghanistan" avec 16 vols de drones par jour, est localisée au Camp Lemonnier à Djibouti.

Mais comme le note la revue Army Times: "La région à bien des égards représente la dernière frontière militaire" et afin de rassasier l'appétit américain pour une "projection de sa puissance mondiale", aucune frontière n'est laissée non conquise.

Ainsi, un rapport de Juin dernier du Washington Post révélait que les tentacules préliminaires de l'armée américaine s'étendaient déjà à travers l'Amérique. Comme le journal le rapportait, la surveillance aérienne américaine s'exerce actuellement depuis des bases clandestines au Burkina Faso, en Mauritanie, en Ouganda, en Ethiopie, à Djibouti et au Kenya, avec un plan contingent d'ouvrir une nouvelle base au sud Soudan.

Le Post expliquait plus en disant que: "le Pentagone dépense 8,1 millions de dollars pour moderniser une base aérienne opérationnelle avancée en Mauritanie, sur la côte ouest du Sahara. La base est proche de la frontière avec le Mali touché par les troubles."

Avec de tels avantages déjà en place, le Pentagone était en position non seulement de "seconder" la France dans son intervention au Mali, mais, comme l'a rapporté le New York Times (NdT: La voix officielle de la CIA dans la presse écrite américaine), de peser "sur un bon nombre d'options pour aider les efforts français, ceci incluant un soutien accru dans la logistique et dans le partage optimisé du renseignement".

Pour mieux mettre en lumière ce qu'un soutien américain pourrait éventuellement devenir au Mali, J. Peter Pham, le directeur de l'Atlantic Council's Africa Center de Washington et un chef conseiller stratégique de l'AFRICOM a commenté: "Les attaques de drones ou de l'armée de l'air ne vont pas restaurer l'intégrité territoriale du Mali ou défaire les islamistes, mais elles peuvent être de moindres maux." Un signe plutôt de mauvaise augure, quand on sait que "cette option du moindre mal" a déjà coûté le massacre de centaines d'innocents dans la campagne d'assassinat américaine par drones.

Bien sûr, tout comme avec la campagne de drones, la poussée du Pentagone en Afrique est devenue partie intégrante par extension de l'emballage acidulé de la "guerre contre la terreur". Un rapport de Juin d'Army Times notait: "L'Afrique en particulier, a émergé comme la plus grande des priorités pour le gouvernement américain parce que des groupes terroristes y sont devenus une menace de plus en plus grande pour les Etats-Unis et la sécurité régionale."

Mais quelle intervention n'a t'elle pas été justifiée en employant quelque variante que ce soit de la toujours très utile rengaine de la "guerre contre la terreur" ? Comme le président français François Hollande l'a déclaré Vendredi dernier: "Les terroristes devraient savoir que la France sera toujours là quand les droits d'un peuple, ceux du Mali qui veut vivre librement et dans une démocratie, sont en danger."

"L'idéologie de notre temps, du moins lorsqu'il s'agit de légitimer la guerre, est un certain discours sur les droits de l'Homme et la démocratie", a écrit Jean Bricmont dans son livre "L'impérialisme humanitaire". Et nous pourrions même ajouter, un certain discours cynique de combattre la terreur.

Naturellement, la notion même que le renouveau d'intérêt de l'occident pour l'Afrique soit ancré dans un désir altruiste d'aider les états africains à combattre le terrorisme et d'établir la démocratie est complètement absurde. Ce fut l'alliance de l'OTAN, moins une nation, qui s'est si avidement alignée avec les combattants salafistes pour renverser Mouamar Kadhafi en Libye. De plus, c'est la même alliance militaire qui encourage les salafistes en Syrie, tout en les bombardant dans la région AfPak (Afghanistan/Pakistan), en Somalie, au Yémen et maintenant au Mali.

Clairement, seuls ceux qui pratiquent la double pensée ont une chance de comprendre le terrain en permanence mouvant de la "guerre contre la terreur" menée par l'occident.

De fait, pour une fois, le voile de la "protection de la démocratie" et de "combattre la terreur" est levé et le visage impérialiste est dévoilé.

Ainsi, l'impératif qui motive le renouvellement de l'intérêt occidental en Afrique, comme l'a expliqué Conn Hallinan, est la course pour sécuriser les vastes ressources et richesses du continent.

"Les Etats-unis reçoivent actuellement environ 18% de ses sources d'énergie de l'Afrique, ce chiffre est prévu de grimper à 25% à l'horizon 2015, l'Afrique aussi fournit environ un tiers des besoins énergétiques de la Chine, plus du cuivre, du platine, du bois et du minerai de fer", écrit Hallinan.

De plus comme l'affirme Maximilian Forte dans son Slouching Towards Sirte : "Les intérêts chinois sont perçus comme entrant en concurrence avec ceux de l'occident quant à l'accès aux ressources et aux influences politiques. AFRICOM et quelques autres initiatives du gouvernement américain sont faits pour prendre en compte et contrer ce phénomène."

Ceci explique l'aventure de l'OTAN de 2011 en Libye, qui a enlevée du pouvoir un leader pan-africain borné qui menaçait de frustrer l'expansion d'AFRICOM dans cette "dernière frontière" militaire. Ceci explique aussi l'intervention française, soutenue par les Etats-Unis au Mali, qui sert au renforcement des intérêts occidentaux plus avant en Afrique.

L'intervention comme nous le voyons appelle l'intervention. Comme Nick Turse nous avait prévenu en Juillet: "Le Mali n'est sûrement que le début et bien malin qui peut dire comment cela va se terminer."

Une chose est sûre, nous allons vers une nouvelle vague de barbarisme alors que la course effrénée pour l'Afrique s'accélère.

Ben est un écrivain free lance qui couvre la politique américaine et internationale. Il possède une licence en science politique de Willamette University à Salem dans l'Oregon et est actuellement étudiant en Masters de journalisme à l'université du Wisconsin-Madison.