Il y a un truc qui s'appelle une « radio » qui tolère un truc qui s'appelle « Les grandes gueules ». Depuis des années sur RMC, la chasse d'eau a remplacé le cerveau, mais ça plait. Racisme, sexisme, tout y est, très tendance.


Je n'écoute jamais cette pollution mentale, mais les taxis, si, et j'ai appris à être prudent. Quand je monte dans un taxi le matin, j'indique la direction et je demande si le taxi écoute « Les grandes gueules ». Si c'est le cas, je descends.

Ce lundi 21 janvier, les leaders intellectuels de l'émission (de gaz ?), Alain Marshall et Olivier Truchot, avaient invité trois habitués, une consœur Maître Chozemuche, un conseiller en investissement financier, Franck Tanguy et une chèfe d'entreprise, Sophie de Menthon.

Vient, soumis à la sagacité de ces érudits, l'accord financier de 1,5 million d'euros conclu entre DSK et Nafissatou Diallo.

Sophie de Menthon est tout pétillante : « Tu veux que je sois politiquement totalement incorrecte? Je me demande, c'est horrible à dire, si ce n'est pas ce qui lui est arrivé de mieux ! Moi je pense que l'argent qu'elle a gagné, qui lui permet d'élever sa fille, elle ne l'aurait jamais eu dans toute son existence et j'espère qu'elle oubliera ce moment extrêmement désagréable».

Franck Tanguy affirme doctement qu' « il n'est pas loin de penser la même chose », et l'adorable Sophie de Menthon en remet une couche : « Il y a des femmes dans la rue, je suis sûre qu'elles ont pensé ça, en se disant j'aimerais moi être femme de chambre dans un hôtel et que ça m'arrive. »

Mon excellente consœur Chozemuche puise dans cinq siècles de civilisation pour dire à ses chers amis qu'« un viol n'a pas de prix », mais Franck Tanguy réplique que pour Nafissatou Diallo, c'est « un conte de fée », et cet abruti fini nous explique : « C'est un tromblon. Elle n'a rien pour elle. Elle ne sait pas lire, pas écrire, elle est moche comme un cul et elle gagne 1,5 million. C'est extraordinaire cette histoire! ». Maître Chozemuche proteste par des « Ouille, ouille, ouille », et tout le monde se quitte bonz'amis.

Hier, ça a commencé à gueuler sur le net. Mais du côté de RMC, c'est mort. La direction est restée aux abonnés absents, les journalistes - dont un du matin qui passe son temps à faire la leçon à tout le monde - n'ont rien à dire, et Franck Tanguy a juste confessé, presque ému : « J'ai dit une beauferie, je suis allé trop loin ».

Une beauferie... Ils méritent bien tous leur légion d'honneur de fumelards aguerris.

Ce n'est pas une beauferie. C'est un truc finement pensé, qui a émerveillé les « responsables » de l'émission, et qui s'appelle de l'outrage aux victimes d'un crime et l'apologie du crime de viol.

Avec ces abrutis, la vie est belle : une femme pauvre et qui ne répond pas aux critères de la mode, a un avenir quand elle se fait violer par un saldingue.

Décidément, l'affaire DSK fait ressortir toutes les hypocrisies ataviques de la bonne société française.

Lang, pour qui « « il n'y avait pas mort d'homme »,... non... juste viol d'une femme ; l'autre crétin pour qui « c'était du troussage de domestique » ; Aubry qui chouignait sur le destin de son ami... Et tant d'autres, avec le lunaire Badinter qui s'en égo-zillait... Maintenant, cette tripotée de cornichons qui se marre devant le conte de fée vécu par la victime d'un viol.

Bien sûr, il ne se passera rien, car icelle tripotée est bien dans le temps présent.

Hollande vient de nommer au CSA, Sylvie Pierre-Brossolette, journaliste au Point, qui s'était lâchée le 19 mai 2011, au vu de l'arrivée de DSK au tribunal de Manhattan : « Quelle image donnons-nous au monde quand les télévisions de la planète entière montrent un prestigieux Français pénétrer dans le tribunal de New York, piteux, mal rasé et toujours menotté, pas mieux traité que les malfrats de couleur déférés avant et après lui devant le juge ? » Grande pensée qui vaut bien une nomination.

Sylvie peut prendre des piges aux « grandes gueules », elle a le niveau.

Tout ça, c'est vraiment la petite France. Elle a déjà perdu, mais elle ne le sait pas encore. Nous, on le sait