Alors que Serge Charnay, le père perché en haut d'une grue pour réclamer le droit de voir son fils, est redescendu sur Terre, notre contributrice Waterzooi raconte son expérience du divorce de ses parents. Et déplore qu'on ne donne pas plus la parole aux enfants.

 Serge Charnay, le père retranché sur une grue à Nantes qui demandait le droit de voir son fils, a regagné la terre ferme lundi après-midi.
© Franck Perry/AFP Serge Charnay, le père retranché sur une grue à Nantes qui demandait le droit de voir son fils, a regagné la terre ferme lundi après-midi.
D'un cas, un symbole. Un certain Serge Charnay, père de famille de 42 ans, a protesté pendant quatre jours du haut d'une grue pour faire entendre sa voix. La raison ? L'homme est privé depuis deux ans de droits de visite et aussi d'autorité parentale sur son fils à cause d'une condamnation. Il affirme « défendre la "cause des pères" » plus que la sienne. Plusieurs associations comme SOS Papa sont sur la même longueur d'onde.

Franchement, ils me donnent la nausée. Qu'on s'entende : bien sûr, il doit y avoir des cas mal réglés. Mais pour avoir vécu le divorce de mes parents de l'intérieur, j'ai l'impression que je ne dois pas habiter dans le même pays que ces « pauvres papas ».

Mon père ne m'a jamais battu, mais il a dépassé les bornes. Vraiment. Quand son couple a commencé à se disloquer, il a pour ainsi dire « pêté les plombs » et, à plusieurs reprises, failli commettre des gestes qu'il aurait regretté toute sa vie. Je me souviens, par exemple, de son regard exorbité quand, sous le coup d'une colère noire, il menaçait mon frère avec une baïonnette... Je n'ai oublié ni la peur qui m'a envahi à cet instant ni les frissons qui parcouraient mes jambes, incapable de bouger.

Un divorce houleux

Nous sommes partis - ma mère, mon frère et moi - quelques heures plus tard. Nous avons porté plainte, l'affaire a été classée sans suite. Mes parents se sont séparés. Le divorce a été houleux. Je me suis retrouvé au milieu, avec aucune envie de revoir mon père. Je l'ai dit à la juge des affaires familiales. Qu'importe : elle a fixé un droit de visite le mercredi après-midi. J'étais ans l'obligation d'y aller.

J'y suis donc retourné, un jour par semaine, pendant plusieurs mois. Cela se passait mal. J'en revenais déprimé. J'ai fini par refuser. Ma mère était mal à l'aise car elle savait qu'elle serait tenue pour responsable si mon père s'en plaignait. Heureusement, il n'en a rien fait. A mes 18 ans, j'ai renoué le contact tout en sachant que cette fois, j'aurais mon mot à dire.

A côté de la plaque

Mais mon père n'a jamais bougé d'un iota : pas un mot sur ses actes, pas une excuse, toujours les mêmes plaintes sur cette femme qui l'a quitté et l'a éloigné de ses enfants. Complètement à côté de la plaque...

Ce qui m'interpelle dans les revendications de ces pères soit-disant lesés, c'est la pseudo injustice qu'ils dénoncent. C'est leur manière de se plaindre de ne pas être assez entendus quand leurs enfants sont condamnés au silence. C'est le fait qu'ils ne se disent pas un instant que si un gouvernement finit par leur accorder ce qu'ils demandent, ils risquent de mettre en danger des mineurs.

Cette semaine, les autoproclamées « associations de défense des pères » ont visiblement marqué des points. Tant pis pour leurs fils et leurs filles qui, eux, sont condamnés au silence.