Les chefs d'État des cinq plus grands pays émergents sont réunis en sommet en Afrique du Sud.

Le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue sud-africain, Jacob Zuma au sommet de Durban, en Afrique du Sud.
© Alexander Joe/AFPLe président russe, Vladimir Poutine, et son homologue sud-africain, Jacob Zuma au sommet de Durban, en Afrique du Sud.
L'union fait la force. Les Brics ont décidé de se doter d'une force de frappe financière, une banque de développement, concurrente de la Banque mondiale. Réunis pour leur cinquième sommet à Durban, les dirigeants du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud se sont mis d'accord pour créer une banque de développement commune destinée à financer en priorité les projets d'infrastructure. «C'est fait», a déclaré le ministre sud-africain des Finances Pravin Gordhan, avant l'ouverture officielle par les chefs d'État. Reste à s'entendre sur le siège de la future banque et sur la répartition du capital, qui s'élèverait, au départ, à 50 milliards de dollars.

L'enjeu n'est pas négligeable, car il s'agit ni plus ni moins de se passer de la Banque mondiale, l'instance de référence pour aider les pays les plus pauvres de la planète. Parant aux critiques sur une Chine toute-puissante cherchant à étendre son hégémonie en Afrique, l'apport du capital devrait se faire à part égale, soit 10 milliards chacun. L'objectif est aussi de se prémunir contre les dommages collatéraux des crises ­financières en Europe ou aux États-Unis. « En 2009, on avait sous-estimé la crise américaine et on l'a prise de plein fouet. Chypre peut faire disjoncter la planète ! », assure Goolam Ballim, économiste en chef de la Standard Bank sud-africaine.

Se passer du dollar

La future banque des Brics pourrait aussi « aider les institutions financières dans des cas analogues à celui de Chypre », estime Viatcheslav Nikonov, directeur du Comité national de recherches sur les Brics. Elle pourrait également servir à constituer « un fonds de stabilisation » estime Nivedita Kundu, directrice adjointe du Conseil indien pour les recherches en sciences sociales.

Du fonds de stabilisation à la mise en commun de réserves de ­changes, il n'y a qu'un pas. Un pot commun, qui serait doté de 240 milliards de dollars, permettrait d'éviter un recours au FMI en cas de choc conjoncturel. Mais il ­serait aux trois quarts détenu par Pékin...

Les Brics en rêvent, mais ils peinent à s'émanciper du dollar. « Le dollar est notre monnaie de réserve à tous. En cas de crash du billet vert, il nous faudrait avoir au sein du Brics une stratégie commune et des règles claires », remarque Perun Naidoo, expert en risques financiers. « Les pays Brics doivent se préparer au pire, mais ce n'est pas quelque chose qui peut se régler du jour au lendemain », rétorque Pinak Ranjan Chakravarty, représentant des questions économiques à l'am­bassade indienne.

Devant des situations écono­miques et financières très diverses, la discussion d'égal à égal au sein du « club des cinq » achoppe encore. La contribution de 10 milliards de dollars par membre pour constituer le capital ne va pas de soi pour les pays les plus pauvres.

Reste que l'idée est lancée et qu'elle devrait être menée à bout, si la volonté politique persiste. ­Comme le souligne Vladimir Pou­tine, il faut désormais passer « d'un forum de dialogue » à « un mécanisme d'interaction stratégique ».