L'escale forcée, liée à l'affaire Edward Snowden, de l'avion transportant le président bolivien Evo Morales mardi soir à Vienne a provoqué une crise diplomatique entre l'Amérique du Sud et l'Europe qui pourrait trouver de nouveaux prolongements ce jeudi.

Six chefs d'Etat latino-américains de l'Union des nations sud-américaines (Unasur, qui compte douze membres) ont confirmé qu'ils se réuniraient en urgence ce jeudi à Cochabamba, en Bolivie, pour évoquer le traitement réservé à Evo Morales, qualifié d'« enlèvement virtuel ».

Le président bolivien regagnait son pays mardi soir après une conférence internationale à Moscou quand la France et le Portugal ont interdit à son avion d'emprunter leur espace aérien après des rumeurs selon lesquelles Edward Snowden, l'informaticien à l'origine des révélations sur les programmes de surveillance américains, se trouvait à bord.

L'avion présidentiel a dû se détourner sur l'aéroport de Vienne et le président bolivien a été contraint à passer la nuit dans la capitale autrichienne.

Mercredi soir, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a fait part « des regrets de la France » à son homologue bolivien, David Choquehuanca, lors d'un contact téléphonique. « Il lui a fait part des éclaircissements nécessaires sur cet incident », précise le Quai d'Orsay.

À Berlin, où il participait à une conférence sur le chômage des jeunes, François Hollande est lui aussi revenu sur cet incident, expliquant qu'il y avait eu des « informations contradictoires sur les passagers ».

« Dès lors que j'ai su que c'était l'avion du président bolivien, a-t-il assuré, j'ai donné immédiatement l'autorisation de survol du territoire. »

Une « humiliation pour toute l'Amérique du Sud »

Mais ces regrets et ces explications n'ont pas apaisé la colère de l'Unasur, qui a dénoncé dans un communiqué des « actes inamicaux et injustifiables ».

« Ils sont définitivement tous fous », a lancé la présidente argentine Cristina Fernandez, qui a ajouté que la fermeture des espaces aériens français et portugais, mais aussi espagnol et italien, à l'avion du président bolivien était un « vestige du colonialisme » et une « humiliation pour toute l'Amérique du Sud ».

L'ambassadeur de Bolivie auprès des Nations unies a exprimé de son côté la colère de son gouvernement et a nommément désigné les Etats-Unis comme responsables de cet incident.

« Nous parlons de l'enlèvement d'un président en voyage officiel après un sommet officiel », a dit Sacha Llorenti Soliz. « Nous ne doutons pas du fait qu'il s'agit d'un ordre de la Maison blanche. En aucun cas un avion diplomatique avec un président à son bord ne peut être détourné de sa route et contraint à atterrir dans un autre pays », a ajouté le diplomate.

Washington n'a fait aucun commentaire.

En Bolivie, des manifestants ont brûlé des drapeaux français et jeté des projectiles en direction de l'ambassade de France à La Paz, a-t-on appris de source diplomatique française.

Le ministre de la Défense, Ruben Saavedra, a quant à lui accusé Washington d'avoir « manipulé » ses alliés européens.

Bloqué depuis le 23 juin dans la zone de transit de l'aéroport Cheremetievo à Moscou, où il est arrivé en provenance de Hong Kong, Edward Snowden a demandé l'asile à une vingtaine de pays, dont la Bolivie, mais se trouve dans l'impossibilité de se déplacer. Lui accorder l'asile ne serait pas sans conséquences, a averti Barack Obama.

Hugh Bronstein avec Daniel Ramos à La Paz et Elizabeth Pineau à Berlin; Hélène Duvigneau, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français.