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Alors que certains s'interrogent sur les éventuelles tractations que le gouvernement français et Areva auraient pu mener afin de libérer les salariés du géant du nucléaire français, peu de journaux font le lien avec les négociations actuelles entre le groupe et le gouvernement nigérien en vue de revoir les contrats et les retombées financières de l'exploitation d'uranium. Et pourtant, pas besoin d'être conspirationniste, pour estimer que les deux affaires sont liées ... d'autant plus que les dates correspondent on ne peut mieux.

Alors que rien dans les media ne laissait prévoir une prochaine libération des otages, j'usais pour ma part dans un récent article les termes de chantage ou de négociation en indiquant qu' Areva projetait d' interrompre la production de la Somaïr (Société des mines de l'Aïr) au Niger, précisant par ailleurs que l'arrêt de la production d'uranium de la mine d'Arlit était fixé au 28 octobre.

Argument alors invoqué par le géant nucléaire français pour geler l'activité sur le site : le gouvernement du Niger ne serait pas parvenu à trouver acquéreur pour 500 tonnes d'uranium extraites du site. De ce fait, le groupe nucléaire estimait alors être contraint de stopper l'exploitation si l'Etat nigérien n'autorisait pas l'exportation des produits miniers afin de les vendre au prix du marché.
Areva précisant alors qu'en cas d'arrêt, l'interruption devrait perdurer au minimum jusqu'à la fin de l'année 2013. Date fixée comme échéance pour la renégociation des contrats miniers avec le gouvernement nigérien.

Si l'on en croit les media locaux, en vue de freiner le Niger dans ses velléités de revoir les termes contractuels de ses engagements, le groupe français aurait en effet engagé un bras de fer avec le gouvernement nigérien en menaçant notamment de licencier une partie du personnel local employé dans les mines, voire de retarder ou d'annuler des investissements dans le pays. Investissements qui auront pu au final peser lourdement dans la balance pour obtenir la libération des otages.

- Des manifestions contre le partenariat déséquilibré avec Areva

Rappelons par ailleurs que le 12 octobre dernier, des milliers de personnes ont manifesté dans la cité minière d'Arlit contre le géant nucléaire français. Ce mouvement - regroupant élus locaux, membres de la société civile et habitants - voyant le jour une semaine après des propos du Premier ministre laissant entendre que le Niger allait « passer au peigne fin ses contrats miniers ». Ce dernier jugeant « déséquilibré » le partenariat liant son pays à Areva, lequel exploite depuis près d'un demi siècle l'uranium nigérien.
« L'objet de la manifestation qui a regroupé quelque 5 000 personnes est de soutenir le gouvernement dans ses prochaines discussions avec Areva au sujet de notre uranium », avait indiqué quant à lui Azaoua Mamane, l'un des organisateurs.

Les manifestants accusent tout à la fois le géant nucléaire français de « polluer » leur environnement, de « provoquer la radioactivité » et « de ne s'être guère soucié des préoccupations quotidiennes des habitants ». Rassemblant ses griefs en une synthèse accablante. Selon lui, « la population a hérité de 50 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés à Arlit et Areva continue de pomper gratuitement 20 millions de mètres cubes d'eau par an pendant que la population meurt de soif. Les rues et les habitations d'Arlit sont construits à l'aide de résidus radioactifs et la nappe phréatique usée et contaminée s'assèche par la faute d'Areva ».

Almoustapha Alhacen, président de l'association d'Aghirin'man, avait ainsi appelé « au bon sens d'Areva » pour fournir les infrastructures nécessaires aux habitants de la ville créée par l'industrie minière. Mettant l'accent sur l'accès à l'eau potable alors que le groupe français utilise des milliers de mètres cubes d'eau de la nappe fossile pour l'activité de la mine.

- Vers une révision des contrats

Dimanche 6 octobre, le chef du gouvernement nigérien avait annoncé son intention « de discuter avec ce partenaire traditionnel qu'est Areva sur les questions d'uranium ». Indiquant que le gouvernement préparait d'ores et déjà la relecture des contrats liant les deux parties.
Selon le premier Ministre, Brigi Rafini, les contrats de deux sites d'Areva basés dans le nord et qui arriveront à terme à la fin 2013, doivent être révisés. Il s'agit de ceux de la Société des mines de l'Aïr (Somaïr) et de la Compagnie minière d'Akokan (Cominak).

Une première depuis plusieurs décennies, alors que jusqu'à maintenant les conventions ont été renouvelées automatiquement. Mais désormais, le Niger souhaite les »mettre sur la table » afin d'y « trouver son compte« . Le pays estime en effet qu'il ne tire pas assez de recettes de ses gisements d'uranium. Niamey veut ainsi profiter des discussions sur le renouvellement du contrat pour notamment augmenter ses recettes fiscales et obtenir du groupe français des engagements en terme d'investissement dans les infrastructures. Lesquels pourraient concerner la construction d'une nouvelle route reliant Tahoua à la région minière d'Arlit, à plus de 1.000 kilomètres au nord de la capitale.

Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, élu en 2011, a affiché quant à lui à plusieurs reprises sa volonté d'augmenter fortement les recettes tirées de l'uranium, lesquelles n'ont représenté l'an dernier qu'environ 5% du budget de l'Etat.

« Il y a des dispositions pratiques dans ces conventions où nous considérons que le Niger n'est pas dans son droit. Il s'agit de (les) revoir sans complaisance et de mettre en place de (nouvelles) conventions que nous jugerons satisfaisantes pour assurer l'intérêt de notre pays », avait par ailleurs insisté M. Rafini. Annonçant que des audits des sociétés d'uranium étaient en cours.
Parallèlement, l'ambassadeur de France à Niamey indiquait que l'audit entrepris au Niger sur les mines d'uranium exploitées par le groupe français Areva - « décidé d'un commun accord entre le Niger et Areva dans le cadre des discussions pour le renouvellement des conventions minières de Somaïr et Cominak » serait achevé avant la fin du mois d'octobre. Ajoutant que les conclusions de l'audit serviraient « de base pour alimenter les discussions en cours entre Areva et le Niger pour la renégociation des conventions », notamment pour établir « les conditions financières des nouvelles conventions et la fiscalité applicable ».

Petit rappel et non des moindres : les deux coentreprises entre Areva et l'Etat nigérien, Somaïr et Cominak, produisent environ un tiers du combustible utilisé par le parc nucléaire français.

- Versement de 35 millions d'euros : compensations ou dons pour sécuriser les sites d'uranium au Niger ?

En mars 2013, Areva avait annoncé avoir versé 35 millions d'euros au Niger. Objectif affiché : aider le gouvernement à sécuriser ses sites d'uranium. Le groupe nucléaire démentant totalement que le versement de cette « offre » ait pour but de compenser le report de l'exploitation de la mine géante d'Imouraren, l'ouverture de cette dernière ayant du être repoussée en 2015.

En tout état de cause, cette annonce de la générosité du groupe d'Areva aura été quelque peu discrète, faite sur la télévision publique nigérienne, alors que la présence du géant français du nucléaire au Niger est à l'origine à plusieurs polémiques tant environnementales que politiques et économiques, certains analystes considérant même que l'action militaire française au Mali est fortement liée aux intérêts français au Sahel.

« Nous avons effectivement consenti à soutenir cet effort à concurrence de 35 millions d'euros. Ce n'est ni en relation avec un retard de la mine d'Imouraren, ni une obligation contractuelle », avait tenu à déclarer Olivier Wantz, directeur général adjoint d'Areva chargé de l'activité minière.

En janvier dernier, alors que les extrémistes du Nord du Mali voisin avaient laissé entendre que leur riposte contre l'action militaire de la France pourrait se traduire par des attaques voire des enlèvements de ressortissants français à travers le monde, Hassoumi Massaoudou, le directeur de cabinet du président nigérien avait affirmé qu'Areva venait de s'engager à verser 35 millions d'euros au Niger, à titre de « compensation » pour l'année de retard prise dans le chantier de la mine d'uranium d'Imouraren.

La menace étant d'autant plus prégnante et préoccupante pour le groupe français, qu'Areva et le Niger se sont déjà heurtés sur des dossiers financiers, sociaux, écologiques, et environnementales. Et ce, alors même que l'uranium du pays - où, tout comme le Mali, sont implantés de nombreux touaregs - constitue un élément stratégique de la politique d'approvisionnement du géant nucléaire français.

« Prenant en compte le manque à gagner généré par le report de l'exploitation d'Imouraren, Areva s'engage à soutenir financièrement l'Etat du Niger en mettant à sa disposition 35 millions d'euros », avait ainsi affirmé le directeur de cabinet du président nigérien.

Mentionnant par ailleurs qu'il s'agissait d'un « effort exceptionnel », le considérant en effet comme » un cadeau », qui « fera l'objet d'un protocole d'accord spécifique entre le ministère nigérien des finances et Areva ». Tout en précisant que cette somme était destinée à compenser l'année de retard qu'accusera l'exploitation de la mine entre 2014 à 2015. » Les 35 millions d'euros devraient être débloqués par anticipation selon lui à raison de « 16 millions d'euros en 2013, 10 millions en 2014 et 9 millions en 2015″.

Menace à peine voilée, avais-je alors suggéré ? Indiquant que selon Hassoumi Massaoudou, l'exploitation de la mine - initialement prévue en 2012 - a été repoussée à 2014 ... en raison de l'enlèvement en 2010 de collaborateurs français d'Areva à Arlit par Al-Qaida au Maghreb (Aqmi ). Suivez mon regard ....

Mieux encore, le directeur de cabinet du président nigérien avait alors tenu à préciser qu'initialement le paiement devait s'effectuer en 2015, mais que le Niger avait souhaité « avancer le paiement » en raison de « priorités ».

M. Massaoudou avait par ailleurs ajouté que « toutes les conventions minières, dont celle d'Imouraren » seraient « renégociées en 2013″, des « négociations politiques » étant par ailleurs programmées « sur la question de l'uranium » avec la France.

- Quand Areva affirmait sa volonté de rester au Niger malgré la pression des terroristes

En mai dernier, Luc Oursel, le président du directoire du géant nucléaire français Areva a réaffirmé la volonté de son groupe à demeurer au Niger. Des propos qui intervenaient à la suite de l'attentat-suicide qui avait frappé la mine d'uranium Somaïr à Arlit. »Si j'ai quelque chose à dire après cette attaque scandaleuse, c'est que nous allons rester au Niger », avait ainsi tenu à préciser Luc Oursel lors d'une rencontre avec des journalistes à Madrid.

S'exprimant sur l'éventualité d'un virage stratégique du groupe en Afrique à la suite des récents événements, le président du directoire n'avait laissé aucune ambiguïté. Si Areva s'avérait alors « évidemment très triste » de la mort d'un de ses employés, et condamnait cet attentat, Luc Oursel avait clairement indiqué que le géant du nucléaire ne céderait pas à la pression. Un départ du groupe signifiant pour lui une victoire des « commanditaires de l'attentat », lesquels souhaitent via de tels actes pousser Areva hors du Niger ... et loin de ses ressources .

Suite à l'attaque, le président du directoire d'Areva s'était ainsi rendu dans le pays hautement stratégique, tant en terme d'uranium ... qu'en terme de présence des forces militaires US en Afrique que constitue le Niger. L'un et l'autre pouvant être fortement liés, ne soyons pas naïfs .... Plus de 300 personnels de l'Africom (commandement américain pour l'Afrique) ayant alors prévu de s'installer dans la région du Sahel, voire plus précisément au Niger. Des autorités nigériennes ayant préalablement confirmé que leur pays venait de donner son accord pour l'implantation d'une base aérienne américaine sur son territoire.

Exprimant sa solidarité envers les blessés et rendant hommage au « collègue qui a perdu la vie à Somaïr » , Luc Oursel avait par ailleurs tenu à saluer le courage et le professionnalisme de tous ses collaborateurs qui »font vivre la coopération entre la France et le Niger ». Souhaitant par ailleurs par sa présence « témoigner de la force » de l' »engagement au Niger » d'Areva.

Précisons également qu'à la suite de l'attaque, la production du site a été mise à l'arrêt. Elément non négligeable, alors que les mines nigériennes permettent à l'heure actuelle à Areva d'être le deuxième producteur mondial d'uranium.

- Les USA installent une base militaire US au Niger (AFRICOM) pour officiellement lutter contre le terrorisme

Tout comme le 11 septembre aura ouvert la voie à une surveillance accrue, au nom de la chasse aux terroristes, l'épopée des rebelles touaregs et des djihadistes maliens ainsi que les opérations des terroristes sévissant en Algérie aura permis ni plus ni moins de justifier à sa manière l'installation d'une base militaire US en Afrique via l'Africom, et plus particulièrement au Niger. Le tout assorti d'envois de drones pour pouvoir surveiller l'Afrique du Nord et le Sud Algérien. Une information en effet relayée par le quotidien américain New York Times et confirmée par Reuters.

«L'ambassadrice des Etats-Unis au Niger, Bisa Williams, s'est adressée à Mahamadou Issoufou, président nigérien, qui a immédiatement accepté sa demande», avait ainsi précisé une source proche du dossier. Le chef de l'Etat nigérien ayant préalablement exprimé sa volonté de mettre en place «une relation stratégique à long terme avec les Etats-Unis».

Selon le NY Times, des drones Predator seront ainsi chargés d'effectuer des missions de surveillance dans la région «afin de combler le manque d'informations plus détaillées sur un certain nombre de menaces régionales dont celles relatives aux groupes terroristes activant dans le nord du Mali et au flux de combattants et d'armes en provenance de Libye».

L'Africom envisagerait par ailleurs l'établissement d'une base de drones au nord-ouest de l'Afrique afin nous dit-on d'augmenter les missions de surveillance des groupes extrémistes. Si les drones de surveillance seraient dans un premier temps non armés, des responsables militaires américains n'excluent pas toutefois le recours à des tirs de missiles «en cas d'aggravation de la menace».

« Les drones seront positionnés dans le nord du Niger, dans la région désertique d'Agadez, à la frontière avec le Mali, l'Algérie et la Libye », avait par ailleurs indiqué une source proche du dossier à l'agence Reuters.

«Cela est directement lié à l'intervention militaire au Mali, mais il pourrait aussi donner à l'Africom une présence plus durable pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR)», ont justifié quant à eux les militaires US, précisait pour sa part le NY Times.

Rappelons que l'Africom est formée de quelque 1.500 personnes dont le travail principal est la planification des activités militaires en Afrique. Sa mission consiste - officiellement - à protéger et à défendre les intérêts sécuritaires des Etats-Unis à travers le renforcement des capacités de défense des Etats et des organisations africaines.

Il mène des opérations militaires, afin - nous dit-on - « de dissuader et de vaincre les menaces transnationales et de fournir un environnement sécuritaire favorable à la bonne gouvernance et au développement »

Officiellement l'Africom oeuvre pour un partenariat fructueux entre les Etats-Unis et 53 nations d'Afrique et pour l'instauration d'espaces de sécurité et de stabilité sur le continent. Des missions qui pourraient être loin d'être totalement désintéressées ...

Sources : AFP, Allafrica.com, Reuters, La Tribune (Algérie), RFI