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Abubakar Shekau a le mérite d'une certaine franchise. Son organisation s'appelle « Boko Haram », ce qui signifie : « l'éducation occidentale est un péché ». Cela prouve que la langue haoussa est douée de concision et, surtout, que le chef de cette secte islamiste est un personnage cohérent qui sait mettre ses actes en accord avec ses professions de foi. Il a revendiqué fièrement par vidéo l'enlèvement de 276 jeunes lycéennes, majoritairement chrétiennes, dans la ville de Chibok, le 14 avril dernier.

Dans son message, il a annoncé être en guerre avec tous les chrétiens et il a proclamé de manière théâtrale, à la face du monde : « Soit vous êtes avec nous, les vrais musulmans, soit vous êtes avec les Obama, Hollande, George Bush, Ban Ki Moon et (a-t-il ajouté étrangement) Abraham Lincoln. » Obama, Hollande, George Bush, on peut comprendre (à la rigueur) mais pourquoi, en plus, cette détestation anachronique et saugrenue d'Abraham Lincoln ? On se perd en conjectures... Peut-être lui reproche-t-il d'avoir cherché à préserver l'unité américaine et à faire cohabiter aux Etats-Unis des blancs et des noirs réconciliés ? En outre, Abubakar Shekau est formel, il a puisé ses informations aux meilleures sources : « Allah a dit que l'esclavage est autorisé par l'Islam. J'ai enlevé vos filles, je vais les vendre sur le marché car il existe un marché pour vendre les filles et elles seront mariées, il faut en finir avec cette éducation occidentale. » Abraham Lincoln appartenait, lui, à la catégorie des anti-esclavagistes ; sans doute un tort aux yeux d'Abubakar Shekau.

De nombreux leaders musulmans, de par le monde, ont fermement condamné le terrorisme de Boko Haram et se sont inscrits en faux contre les assertions de son chef. Jusqu'à présent, la violence de cette secte était passée relativement inaperçue en Occident (mis à part l'enlèvement du Père Georges Vandenbeusch) mais cette opération, c'est peut être le coup de trop. La communauté internationale révulsée semble décidée à réagir. Comment ? C'est toute la question, mais si Abubakar Shekau voit un jour débarquer les Navy Seals ou le Special Air Service, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même.

Ce qui est sûr, c'est que le président nigérian Goodluck Jonathan n'aura pas seulement besoin de chance pour ramener les jeunes filles à leurs familles et à leurs études, il aura aussi besoin de renforts. Une précision : si les fanatiques du Nigeria sont fâchés avec le principe même de l'instruction pour les jeunes filles, ils ne sont, hélas, pas les seuls à avoir cette interprétation de l'Islam. Rappelez-vous : sous d'autres latitudes, la jeune pakistanaise Malala Yousafzai qui prenait courageusement position dans les médias de son pays pour le droit à l'éducation des jeunes filles avait été condamnée à mort par les talibans. Elle a reçu une balle dans la tête et en a miraculeusement réchappé avant de recevoir, en 2013, à l'âge de seize ans, le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit décerné par le Parlement de Strasbourg.