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Caricature de Biantailajiao à propos de l’APEC. Le président chinois Xi Jinping encercle les 4 autres de ses bras : le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le président russe Vladimir Poutine, le président des États-Unis Barack Obama, et le président coréen Park Geun-hye.
La réunion annuelle de l'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation, alias Coopération économique Asie-Pacifique) se tient depuis lundi 10, jusqu'à aujourd'hui 12 novembre à Pékin. Cette rencontre vise principalement à lancer une première étude stratégique pour mettre en place une zone de libre-échange pour l'Asie-Pacifique (FTAAP).

Cette étude stratégique devrait être poursuivie pendant deux ans, avant que ne s'engage un processus effectif de négociations. La démarche est très officiellement soutenue par la Chine, qui y voit une façon de renforcer son influence dans les pays de la zone, en abaissant les barrières de toutes sortes mises à ses exportations.

Mais les autres pays eux-mêmes n'y sont pas hostiles. Ils espèrent en effet profiter de l'élan de croissance impulsé par un pays qui est désormais reconnu comme la première économie du monde. La Russie fait partie des membres envisagés pour la FTAAP. Elle n'y sera pas hostile non plus. Les projets de coopération russo-chinoise déjà programmés au sein du bloc BRICS ne pourront que gagner à s'étendre à la région Asie-Pacifique.

Mais ce projet de FTAAP viendra directement concurrencer celui de Trans-Pacific Partneship (TPP), que Washington promeut depuis quelques mois, et que Barack Obama est venu personnellement défendre à Pékin. Le TPP sera pour la zone Pacifique le pendant du TransAtlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), que l'Amérique cherche activement à imposer à l'Europe. Les deux projets suscitent de plus en plus de réticences de la part des pays visés, tant en Europe qu'en Asie : ils y voient le démantèlement des protections légitimes au profit des multinationales américaines, protections qu'ils veulent conserver pour pouvoir faire face aux ravages de la mondialisation. Concernant le TPP, l'orientation quasi militaire antichinoise est parfaitement visible. La Chine, comme la Russie, en sont d'ailleurs exclues.

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Certains des membres de l'APEC ne veulent pas encore ouvertement affronter les États-Unis, en refusant de s'associer au TPP, mais ils vont probablement tirer profit des deux ans que va durer l'étude FTAAP pour ne pas prendre officiellement parti vis-à-vis du TPP américain. Cela veut dire que la partie n'est pas gagnée pour Obama. Le TPP sera retardé d'au moins deux ans.

L'attitude grossière d'Obama à l'égard de la Chine

Le TPP risque même d'être retardé bien plus longtemps, sinon refusé par la plupart des pays pressentis, car, à Pékin, Barack Obama s'est comporté d'une façon particulièrement grossière à l'égard de la Chine, puissance invitante. Il a organisé une réunion séparée, à l'ambassade des États-Unis, destinée aux pays pressentis par lui pour devenir membres du TPP, réunion à laquelle la Chine n'a pas été conviée. Il y a exposé que l'Amérique resterait « une puissance dominante dans le Pacifique » (a Pacific Power), et que le leadership américain était une nécessité globale, et permanente, pour l'Asie-Pacifique. Le TPP deviendrait ainsi le « modèle pour le commerce au 21e siècle » (The model for Trade in the 21st Century).

Face à cette insistance, les représentants des États pressentis pour le TPP ont quelque peu lâchement (autrement dit, diplomatiquement) convenu que ce traité devait avoir priorité sur la future FTAAP. Mais, bien évidemment, dans le compte-rendu final de la réunion de l'APEC, dont l'on disposera très rapidement, la Chine ne devrait pas abandonner sa volonté de poursuivre, de son côté, avec l'appui de la Russie, les contacts avec ces mêmes pays de l'APEC, ou tout au moins avec ceux qui ne voudront pas être exclus d'emblée de la future FTAAP. On peut penser que ces pays, même si le poids de la Chine ne les rassure pas, préféreront les perspectives qu'elle offre, et, plus immédiatement, celles des accords à prévoir dans le cadre du BRICS, aux gesticulations militaires découlant du « pivot vers l'Asie », décidé il y a quelques mois par Obama, dans lesquelles il voudrait les entraîner.