Image
Avec la multiplication des bavures policières à l'encontre de Noirs américains, le mouvement de protestation prenait de l'ampleur vendredi provoquant à nouveaux des débats sur la question raciale.

Aux trois Noirs sans arme tués ces récents mois par des policiers blancs, s'est ajouté le cas d'un Noir de l'Arizona (sud-ouest) non armé, abattu à bout portant, dans un corps à corps avec un officier qui voulait l'interpeller.

New York préparait en outre vendredi les funérailles d'un jeune Noir abattu par un policier à Brooklyn le 20 novembre alors qu'il n'était pas non plus armé.

Ces bavures ont fait descendre dans la rue des milliers d'Américains qui protestent contre l'impunité dont ont jusqu'ici bénéficié les policiers responsables.

Plus de 200 personnes ont été arrêtées dans la nuit de jeudi à vendredi à New York lors d'une seconde nuit de manifestations après la décision d'un grand jury de ne pas poursuivre un policier.

"La vie des Noirs compte", "le racisme tue", ou encore "Ferguson est partout". Derrière des pancartes de défense des droits civiques, des milliers de personnes ont manifesté à New York mais aussi dans d'autres grandes villes américaines comme Chicago, Boston, Philadelphie, Baltimore ou Washington, où elles ont paralysé le trafic automobile près de la Maison Blanche.

Aux quatre coins du pays, les Américains de couleur ont dit leur émotion et leur colère, attisées par les images violentes de leurs pairs tués par des policiers à la peau blanche.

La vidéo de l'interpellation musclée à New York d'Eric Garner, un père de famille de 43 ans décédé en juillet durant son transfert à l'hôpital, le corps de Michael Brown, 18 ans, criblé de 12 balles et laissé pendant quatre heures au soleil à Ferguson, Missouri (centre), ou encore la vidéo de surveillance montrant les derniers instants de Tamir Rice, un garçon de 12 ans, abattu alors qu'il jouait avec un pistolet factice à Cleveland, Ohio (nord).

Morts non punies

Traumatisés par ces morts non punies, les manifestants ont appris jeudi qu'à son tour Rumain Brisbon, un Noir de 34 ans soupçonné de trafic de drogue, avait été tué par un policier de Phoenix (Arizona), blanc, qui tentait de l'interpeller.

D'après la police, M. Brisbon a tenté de s'échapper et a refusé d'obéir "à plusieurs ordres" du policier de 30 ans, dont 7 ans d'expérience.
"Une lutte" a eu lieu entre les deux hommes tandis que le policier lui intimait l'ordre de garder sa main dans sa poche. Il a "cru sentir la crosse d'un revolver" et "a tiré deux fois dans le torse de Brisbon". Mais la poche contenait en réalité une boîte d'analgésique puissant et addictif.

Une cérémonie religieuse était par ailleurs prévue vendredi dans une église baptiste de Brooklyn en mémoire d'Akai Gurley, 28 ans, avant les funérailles samedi.

Selon le New York Post, le policier qui a tiré la balle fatale avait envoyé un SMS à son syndicat et était resté injoignable pendant plusieurs minutes, alors que sa victime agonisait dans les escaliers. Un voisin avait appelé une ambulance et le jeune Noir avait été déclaré décédé à son arrivée à l'hôpital.

Au lendemain du décès, le commissaire de police de New York Bill Bratton avait indiqué que Gurley était "totalement innocent" et avait été tué par "un coup de feu accidentel" au cours d'une "tragédie très malheureuse".

'Stopper les abus de la police'

"Nous sommes confrontés à des problèmes qui sont réellement de portée nationale et qui menacent le pays tout entier", avait récemment reconnu Eric Holder, le ministre noir de la Justice.
"Nous devons stopper les abus de la police sur les Noirs", plaide dans le New York Times un policier noir à la retraite, victime de violences policières avant de s'engager.

Les manifestations ont coïncidé avec l'annonce jeudi par Eric Holder des conclusions accablantes d'une enquête sur la police de Cleveland, où le jeune Tamir Rice a été tué. La police de Cleveland a fait un usage "excessif" de la force par le passé, a résumé M. Holder.

Des réformes de la police seront conduites partout où les enquêtes sur de possibles motivations racistes diront que c'est nécessaire. Une vingtaine d'enquêtes sont en cours.

"Le cas d'Eric Garner exige que nous fassions plus que seulement exprimer notre choc", écrit le Washington Post. "Je ne peux pas respirer, je ne peux pas respirer" (huit fois), relève le quotidien dans un éditorial, estimant qu'"Eric

Garner, dans une panique grandissante, n'avait laissé aucun doute sur sa détresse".
"L'enquête se poursuivra", renchérit le New York Times. "La furie qui a poussé des milliers de personnes à protester pacifiquement à travers New York, et la promesse immédiate d'une enquête approfondie du ministère de la Justice, devraient aider à trouver une juste résolution de cette tragédie".