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À partir de deux sources de données, celles du système national d'Assurance-maladie (CNAM) et du système de pharmacovigilance de l'ANSM (Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé), le Dr Dominique Le Houézec, conseiller médical du réseau REVAHB*, identifie une augmentation de 65 % des cas de scléroses en plaques (SEP) dans les années 1995-1996, soit deux ans après la campagne de vaccination de masse contre l'hépatite B qui a eu lieu en 1994. « Les données chiffrées disponibles en France montrent donc un signal statistique certain en faveur d'un lien de causalité entre l'événement vaccination-HB et l'apparition de SEP, avec une corrélation maximale dans les deux années suivant la vaccination », explique le Dr Le Houézec.

ANSM et CNAM

1994, c'est en effet la date à laquelle les autorités françaises ont débuté une campagne de vaccination de tous les élèves de classes de 6e, puis des nourrissons et adolescents. Une campagne qui est allée au-delà des objectifs attendus encourageant petit à petit la population adulte à se faire vacciner : au total, environ 20 millions de personnes ont été vaccinées (sur la base des 23 millions de boîtes de vaccins vendues). Pour cette analyse rétrospective publiée dans « Frontiers in Autoimmunity » le Dr le Houézec a comparé les chiffres officiels issus de deux bases de données nationales indépendantes.

Selon les données de la Cnam, le nombre de SEP était très stable d'environ 2 500 nouveaux cas chaque année jusqu'en 1993. À compter de 1996, il est apparu une augmentation progressive du nombre de nouvelles SEP enregistrées, jusqu'à 4 500 cas en 2003, un chiffre qui est resté stable depuis. L'incidence annuelle qui était de 5,3/105 assurés sociaux jusqu'en 1993 passe ainsi à 8,7/105 dix années plus tard.

De son côté, l'ANSM a enregistré 1650 affections démyélinisantes centrales dont 1 418 SEP. « Lorsque l'on trace une courbe de distribution du nombre de SEP signalées chaque année à l'ANSM dans les suites d'une injection vaccinale on voit que cette distribution n'est ni linéaire ni régulière, loin de là », explique le Dr Le Houézec. Il existe un énorme pic de SEP déclarées culminant dans les années 1995.

Dans sa discussion scientifique, le Dr Dominique Le Houézec montre que 7 des 9 critères de Hill qui permettent de relier une cause à un effet (puissance de l'association, lien temporel de l'association, spécificité de l'association...), en l'occurrence le déclenchement d'une SEP dans les suites d'une vaccination hépatite B, sont présents.

Causalité ?

Y a-t-il un lien causal ? « À partir des modèles mathématiques, explique le Dr Le Houézec, on peut dire que les vaccins vendus à une certaine date ont eu un impact sur la survenue des affections démyélinisantes ; c'est un signal statistique fort. » Le lien causal, toujours difficile à démontrer, embarrasse. Il n'est pas apparu clairement dans les dizaines d'études épidémiologiques qui ont précédé mais qui elles-mêmes comportaient des biais.

Concernant l'argument de temporalité, certains opposent le fait que bon nombre de diagnostics de SEP ont été faits ces années-là vers 1996 par un recours plus grand à l'IRM apparue dans les années quatre-vingt-dix, ou que l'interféron étant devenu disponible, beaucoup de patients se sont déclarés pour en bénéficier. Est-ce que cela suffirait à expliquer une augmentation de 65 % des SEP dans les années 1995 ? « Ce n'est pas suffisant », assure le Dr Le Houézec.

* (Réseau vaccin Hépatite B)