Traduction : Horizons et débats

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© Inconnu
Les associations économiques des trusts allemands ont incité le ministre de l'économie Sigmar Gabriel à accepter l'accord de libre-échange négocié secrètement par les Etats-Unis et l'UE aussi avec la clause de sauvegarde des investissements.
Quand on négocie à huis clos, il y a toujours quelque chose qui cloche. Car si sur le plan européen seul le bureau politique de Bruxelles négocie, du côté américain aussi bien les représentants du gouvernement et des banques que ceux des trusts et des cabinets d'avocats ont leur mot à dire. Il ne faut pas s'étonner que l'économie, la science et la population en Europe considèrent l'accord de libre-échange transatlantique intitulé Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (« PTCI » ou en anglais Transatlantic Trade and Investment Partnership « TTIP ») comme un complot des trusts multinationaux contournant les normes de concurrance nationales démocratiques.


Avec l'accord de libre-échange TTIP tous les droits de douanes doivent être supprimés ainsi que différentes normes et interdictions de protection. Chaque trust américain aurait donc dans les pays de l'UE les mêmes droits que dans leur pays d'origine. Ainsi les hautes normes de protection en Europe quant à l'alimentation, l'agriculture, la médecine, la santé, la recherche, l'autorisation des produits, la protection de l'environnement et de la nature, le travail, le social et la promotion de la culture deviendraient inutiles.
Le fait que les trusts allemands se prononcent en faveur du TTIP s'explique d'un côté par la facilitation des exports et de l'autre du fait que la majorité des trusts allemands sont entre les mains de fonds internationaux; ils ont donc des intérêts plutôt internationaux que nationaux.

Jusqu'à présent on a manqué de prévenance pour les petites et moyennes entreprises, les syndicats, les protecteurs de l'environnement, les représentants culturels, pour les chercheurs, pour l'agriculture. Ils sont tous exclus des négociations et pour de bonnes raisons :

- La promotion culturelle publique créerait d'après le TTIP « une distorsion de concurrence indue » avec dommages et intérêts pour la mafia culturelle internationale.

- Si les normes américaines permettent la destruction de l'environnement telles que par exemple la fracturation hydraulique, le déboisement de grandes surfaces, l'introduction d'acides dans des rivières etc., alors à l'avenir l'exigence pourrait être la même pour leur production en Europe et il faudrait leur accorder les « mêmes opportunités compétitives ».

- 90% des Allemands ne veulent pas de chimie dans leur nourriture. Aux États-Unis le consommateur doit prouver les dommages qui en découlent pour lui alors qu'en Europe c'était jusqu'à présent l'inverse. A l'avenir, suite au TTIP, il incomberait au consommateur de rassembler les preuves.

- Les multinationales biotechnologiques américaines telles Monsanto et Syngenta ont établi en Amérique du Nord et en Amérique latine des monopoles sur les semences bien qu'il soit prouvé que les souris nourries avec le soja génétiquement modifié soient stériles après dix générations. Le TTIP livrerait sans scrupules les paysans allemands aux monopoles américains sur les semences et sur le génie génétique.

- L'agriculture européenne se compose de petites et moyennes exploitations. C'est pourquoi en Europe la politique agricole n'est pas seulement protection de l'agriculture mais aussi de l'environnement. Avec le TTIP les agro-multinationales pourraient envahir l'Europe avec des prix de dumping. Lorsque, déjà une fois en 1870 suite à la pression des grands industriels, le libre échange fut introduit dans l'agriculture, 100 000 exploitations agricoles de toutes tailles avaient disparu en dix ans. Cela se répéterait avec le TTIP.

Mais la plus grande impertinence de la part des négociateurs américains est qu'ils veuillent anéantir la justice européenne par une clause d'arbitrage. Des plaintes contre des mesures de monopole des trusts américains ne seraient plus possibles par les voies ordinaires de justice en Europe. Quant aux plaintes des trusts transatlantiques contre de nouvelles lois nationales, comme par exemple dans le domaine des normes environnementales ou de la promotion publique, la juridiction allemande n'aurait plus aucun mot à dire, cette compétence reviendrait aux tribunaux secrets privés (ICSID), sans seconde instance.

Ces tribunaux arbitraux seraient la compétence de cabinets juridiques américains (liés aux entreprises) aux États-Unis. Jusqu'à présent plus de 70% des cas de litige furent décidés en faveur des trusts américains. Il n'y a plus de possibilité de recours. Cela bouleverserait la culture juridique traditionnelle en Europe. Les plaintes et les peines maximales que les États-Unis infligent aux banques européennes montrent que la justice américaine n'a aucun scrupule d'imposer, avec l'aide de cette justice privée, la discrimination internationale. La justice américaine se déclare compétente partout où des affaires seront conclues en dollars. Cela priverait en particulier les PME de leurs droits, étant donné qu'ils ne seraient plus en mesure de porter plainte ou de se défendre aux États-Unis et qu'ils ne pourraient pas porter les coûts exorbitants des avocats américains.

S'y ajoute que le TTIP ne démantèlerait non seulement notre justice, nos normes sociales, environnementales, celles dans le domaine de la santé publique et autres, mais livrerait aussi nos droits démocratiques aux trusts. Nous ne pourrions par conséquent plus faire des lois considérées comme « entrave » sans que l'État soit passible de dommages et intérêts (exemple: la plainte de Vattenfall contre l'abandon de l'énergie nucléaire).

Par contre, lorsque les services secrets américains pratiquent de l'espionnage dans toutes les entreprises européennes par rapport à la technologie et transmettent les résultats à leurs trusts - tandis qu'en Europe la protection des données est célébrée, les Américains ne le considèrent pas comme anticoncurrentiel.

L'homme politique allemand Sigmar Gabriel a raison de refuser les clauses de sauvegarde des investissements demandées par les trusts américains. C'est justement à cela que s'attaque maintenant le lobby des trusts allemands.
Sigmar Gabriel devrait examiner, en tant que ministre des trusts, s'il veut protéger tout ce que des générations ont créé dans les domaines de la culture, de la santé publique, de l'agriculture diversifiée et sans OGM ni produits chimiques, des normes environnementales, ou s'il veut vendre aux monopolistes américains la suprématie des lois sur l'économie lors des négociations à huis clos. Les petites et moyennes entreprises et les salariés seraient lésés massivement et seraient livrés aux trusts américains. Il faut savoir que le TTIP n'apportera pas la prétendue liberté du marché mais la prise de pouvoir des monopoles américains en Europe!