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Puisque j'ai récemment mentionné dans un billet les Pensées de Marc-Aurèle il m'est venu l'idée de rapeller aussi en ces temps géopolitiquement et financièrement d'une grande incertitude le plus illustre pamphlet politique de tous les temps, le discours intitulé « De la Servitude Volontaire ou le Contr'un » écrit par Estienne de la Boétie en 1549 (ou 1552) alors qu'il n'avait que 18 ans (ou 21 ans). Je ne m'abaisserai pas à reprendre mot pour mot l'article de Wikipedia à ce sujet, qui est d'ailleurs fort bien documenté, dont voici le lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire.

Il est très intéressant de découvrir avec quelle exactitude ce Discours s'applique au pouvoir mis en place dans les républiques contemporaines quelles qu'elles soient. Il n'y a plus un tyran élu ou non ou un roi héréditaire à la tête de la nation mais une caste de politiciens qui sont élus par un peuple ayant abandonné toute idée de liberté en se laissant tyranniser par ces politiciens dont ils sont en définitive les complices puisqu'ils les ont mis au pouvoir et en sont devenus les victimes consentantes. Les systèmes électoraux eux-mêmes ont été peaufinés par les politiciens pour servir les intérêts de ces mêmes politiciens selon une mécanique qu'on peut ne qualifier que de machiavélique car les minorités non inféodées aux groupes d'intérêt n'y ont aucune chance de représentativité.

Les libertés individuelles disparaissent les unes après les autres, la propriété privée est menacée, l'intimité de la personne est surveillée et les agents du fisc, tels les fermiers généraux de l'Ancien Régime, se sont arrogé un droit de regard sur nos achats, nos revenus et nos dépenses, nous sommes écoutés, espionnés à la minute près, l'éducation de nos enfants depuis l'école maternelle jusqu'à l'université est prise en charge par le tyran, notre santé dépend du bon vouloir du tyran, en un mot nous sommes totalement asservis par le pouvoir en place qui dispose d'une police agressive et aux ordres et éventuellement de l'armée pour asseoir son pouvoir indéfectible.

Il reste encore quelques monarchies en Europe dont les rois ou reines (de pacotille et scandaleusement coûteux) n'ont plus aucun pouvoir mais ce pouvoir est détenu par le monde politique sous les ordres d'un tyran d'un autre genre, président ou premier ministre selon les pays, qui détient même le triste pouvoir d'envoyer à la guerre les citoyens assujettis à sa tyrannie et y compris d'engager son pays dans une guerre dont la majorité des citoyens ne veulent viscéralement pas.

Tout est décrit par Estienne de La Boétie, scrupuleusement, et il y a 466 ans de cela !!! La Boétie était un libertarien avant l'heure. Ce jeune homme prônait la désobéissance civile (et civique), le refus de payer l'impôt, l'objection de conscience et la non-violence, même s'il n'utilisait pas dans son discours ces termes aussi précisément, pour faire échec à la tyrannie du politique sur le citoyen, au sens grec du terme c'est-à-dire habitant de la cité.

Mais il faut avant tout que les citoyens, dix, cent, mille, des cités entières, des millions (selon La Boétie), prennent conscience qu'ils sont tyrannisés par le monde politique qu'ils ont eux-mêmes mis au pouvoir. Ce que La Boétie n'a pas mentionné dans son Discours est la collusion entre le monde de la finance et le monde politique, et souvent certains milieux industriels comme l'industrie de l'armement, de l'énergie ou plus récemment des télécommunications et ces rapprochements naturels, aux yeux du citoyen moyen, y compris l'éducation et la santé pour mieux parachever cette œuvre de domination, sont contre nature et tout au contraire organisés pour mieux asservir ce citoyen déjà réduit à l'état de serf (au sens du XVIe siècle) alors entièrement soumis à ce système tyrannique à qui il a pourtant attribué ce pouvoir.

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En ce qui concerne le monde politique français en particulier, mais le pamphlet de La Boétie s'applique à n'importe quel régime politique de n'importe quel pays sur cette planète, il n'y a aucune distinction de couleur ou d'idéologie entre la gauche et la droite, entre l'extrême gauche, le centre ou l'extrême droite, entre républicains ou démocrates, entre chrétiens-démocrates et partis populaires - des dénominations usurpées et vides de sens - entre travaillistes ou conservateurs, ce sont des classifications sans fondement car tous les partis politiques n'ont qu'un seul objectif : se faire élire avec l'appui de la haute finance puis asservir leur électorat, le tyranniser et l'appauvrir. Les riches ne votent même pas, ils achètent les politiciens, c'est beaucoup plus efficace ...

Écouter (lien ci-dessous, soixante quinze minutes sublimes en un français moderne fidèlement retranscrit d'après le texte original) ou relire le Discours sur la Servitude Volontaire d'Estienne de la Boétie est un grand moment susceptible d'éveiller notre lucidité perdue.