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© Arif Ali/AFP
La police pakistanaise a procédé lundi à de nouvelles arrestations dans le cadre d'une enquête qui pourrait révéler le plus grand scandale de viols d'enfants de l'histoire du pays.

Le Pakistan est horrifié. Des centaines de vidéos ont émergé à la mi-juillet montrant des viols d'enfants. La police pakistanaise a procédé lundi 10 août à de nouvelles arrestations dans ce qui pourrait être le plus grand scandale de viols d'enfants de l'histoire du pays, et selon certains experts la "pointe de l'iceberg" d'un phénomène largement répandu mais tabou.

Ces images sordides ont été divulguées à partir de 2007, et mettant en scène environ 280 enfants, pour la plupart âgés de moins de 14 ans, du village d'Hussain Khan Wala, proche de Lahore (est), deuxième ville du pays. Les enfants y sont filmés alors qu'ils sont violés par un ou plusieurs hommes - dont 25 au total seraient impliqués - , ou contraints à des rapports sexuels entre eux, ont indiqué Latif Ahmed Sara, un avocat représentant les victimes, et plusieurs médias.

Des images tournées par un groupe d'hommes, pour s'amuser

L'avocat accuse la police locale d'avoir depuis longtemps fermé les yeux et d'être de mèche avec les agresseurs. Car, dans son rapport initial, la police avait conclu la semaine dernière que les accusations d'abus sur les enfants étaient "sans fondement". Et le chef de la police locale, Shahzad Sultan, maintient que ce sont des vidéos d'actes sexuels entre jeunes "consentants", qu'un groupe d'hommes avait tournées il y a longtemps pour s'amuser.

Shahbaz Sharif, le chef de gouvernement de la province du Pendjab, où a éclaté le scandale, a demandé une enquête judiciaire indépendante. Mais la Haute cour de justice de Lahore a décliné la requête de Shahbaz Sharif, estimant que l'enquête était du ressort de la police déjà sur l'affaire.

L'affaire prend une tournure nationale

Depuis ce week-end, la classe politique est secouée par l'affaire qui a pris une tournure nationale. Les deux chambres du Parlement pakistanais ont voté à l'unanimité lundi des résolutions condamnant ces viols et requérant une punition exemplaire des coupables.

Et le Premier ministre Nawaz Sharif a fait part de sa "colère" et de sa "douleur", promettant "qu'aucun passe-droit" ne serait accordé aux coupables de cette affaire intervenue au cœur de son bastion électoral du Pendjab.

Sous pression, la police a arrêté dans la journée cinq autres personnes, portant à 12 le nombre de personnes détenues dans le cadre de l'enquête.

Partie visible de l'iceberg

Selon plusieurs témoignages, les coupables présumés ont essayé d'extorquer de l'argent aux parents de leurs présumées victimes, menaçant, en cas de refus, de vendre localement ces vidéos infamantes au prix modique de 40 roupies (30 centimes d'euro). Ce scandale "n'est probablement que la partie visible de l'iceberg", s'est offusqué lundi le quotidien "Daily Times", s'inquiétant du nombre d'agressions sexuelles sur mineurs jamais rapportées dans le pays.

Un constat partagé par plusieurs spécialistes locaux de l'enfance interrogés par l'AFP, qui ont souligné que les victimes taisaient le plus souvent les abus dont elles ont souffert pour ne pas souiller "l'honneur" de leur famille par cette "honte". Selon Mumtaz Hussain, au service de Sahil, l'une des principales ONG locales de défense des droits de l'enfant, plus de 3 500 affaires de ce type ont été recensées l'an dernier, mais le chiffre réel pourrait être de 10 000.

Dans la société pakistanaise, la sexualité est un sujet tabou, et ce silence favorise les abus, explique Samar Minallah, militant local des droits de l'homme. "C'est important de briser le silence, souligne-t-il, car comment un enfant peut-il être en sécurité s'il sait que ses parents, la culture et les normes de la société attendent de lui qu'il se taise pour préserver "l'honneur" de sa famille ?".