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Pour un amoureux de Brel, belge de surcroît tel votre serviteur, la récupération du chant emblématique du Grand Jacques « Quand on n'a que l'amour » par la junte fascisante ayant opéré un quasi- coup d'État sur la France post 13 novembre, a du mal à passer. Le choix de la chanson « Les Singes » eut été nettement plus approprié. Je vous propose donc, en entrée, ce petit bijou dont la pertinence, un demi-siècle plus tard, reste intacte (voir en bas de page).

La dangerosité du glissement d'une pseudo-démocratie vers une quasi-dictature par ladite junte a un air de déjà vu : c'est un remake à la française du scénario du 11 septembre 2001, où un attentat est récupéré par un pouvoir politique sans autre ambition que sa propre continuité. Le rôle du crétin de service tenu à l'époque par G.W. Bush est admirablement tenu par François Hollande, celui du forcené aux intérêts douteux tenu par Dick Cheney, superbement repris par Manuel Valls, et celui du technocrate sociopathe à qui l'on donne les clés de l'armurerie, alors tenu par Donald Rumsfeld, est bien entendu brillamment réinterprété par Bernard Cazeneuve. Pour ne citer que les têtes de cons d'affiche.

La mise entre parenthèses de la Charte des Droits de l'Homme (1) dans le pays qui se prétend être le berceau desdits droits, dans le but affiché de défendre ces mêmes droits face au terrorisme islamique et en imposant de lui-même le terrorisme administratif et policier, est une mise en abîme de la politique à une échelle inconnue ici depuis la Terreur post-révolutionnaire. Pétain, au moins, ne prétendait pas défendre les valeurs révolutionnaires de liberté, égalité et fraternité, les ayant remplacées par travail, famille, patrie.


Commentaire : Concernant la mise à mort suspension obligée d'une partie de la Charte des Droits de l'Homme, on pourra lire l'article suivant, afin de bien comprendre que, au final, si l'on nous enlève une grande partie de notre liberté, c'est pour être, puisqu'on nous le certifie, quand même un peu plus libre. Mais si.

- Enfin! La France demande officiellement à déroger aux Droits de l'homme

Et pour profiter toujours mieux d'une justice et d'une paix labellisée France :

- -Recensement des joies (ou pas) de l'état d'urgence en France


Comme analysé dans un précédant article (2), le timing des attentats du 13 novembre ne pouvait mieux tomber : muselage de l'opposition en vue des élections régionales, muselage de la société civile en vue de la COP21, et éjaculation guerrière d'un pouvoir empêtré dans ses contradictions et son impuissance face à la montée du chômage reconfirmée quelques jours plus tard. Ne pouvant plus prétendre à la réélection en 2017 du fait de son incapacité à réduire le chômage, passer du cheval économique au cheval sécuritaire est pour Hollande une évidence tactique vieille comme la politique elle-même. Ou quand on n'a que l'amour de soi-même.

Peu importe que l'effort de guerre lancé par la junte ne serve au mieux à rien, au pire à intensifier les attentats ici et la misère des populations là-bas. Peu importe que cela plombe un budget national déjà mal en point, peu importe même que l'envol des faucons dans les rayons glorieux du mythe guerrier se termine en tir aux pigeons de kermesse d'ici quelques temps : l'Etat Profond aura encore réussi à faire reculer l'Etat de droit sous l'emprise grandissante des services secrets (3) et de la « raison d'État ».


Ce qui pose la limite entre le médiatiquement correct et les questions qui fâchent. Les journalistes désirant faire carrière ne vont évidemment pas se permettre de mettre en doute la véracité du rédactionnel officiel présentant un Etat attaqué par surprise par une mouvance unilatéralement diabolique. Certes, une partie importante du paysage médiatique s'est efforcé de contextualiser quelque peu les événements : le fait que la France fasse partie de la coalition anti-Daech en Irak et se soit lancée dans des frappes en Syrie, sa responsabilité dans le chaos moyen-oriental de par, notamment, son action contre la Libye, et les mises en garde du juge Trévidic sur l'étendue de la radicalisation djihadiste ont été largement diffusés et commentés. La France savait qu'elle allait être à nouveau frappée, certes, mais sans savoir ni où ni quand.

Dans quelle mesure cette dernière partie de phrase est vraie ou non, that is the question. La capacité de l'Etat Profond à manipuler l'opinion est avérée : on connait « officiellement » les affaires du Rainbow Warrior et des paillotes corses du fait qu'elles ont un peu foiré, mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. Sans aller jusqu'à l'hypothèse d'un « false flag » monté par les services français de A à Z, du moins dans le cas du 13 novembre, la simple « facilitation » d'un attentat qui aurait pu être empêché mais qui fut « ignoré » afin d'être ensuite récupéré politiquement, est tout à fait plausible.

Le cas emblématique est l'affaire du 11 septembre 2001 à New York où quinze ans après les faits, la masse de témoignages, de mystères et de coïncidences « heureuses » font de la « version officielle » l'équivalent d'un conte de fées pour conservateurs décérébrés (4).

L'efficacité de la réaction policière dans la foulée du 13 novembre fut remarquable. Tout aussi remarquable, le fait que le terroriste et ennemi n°1 de la France, Abdelhamid Abaaoud, a priori traqué par tous les services de renseignement « amis » puisse voyager entre la Syrie et l'Europe et se balader tranquillement à Paris avec ses acolytes - dont certains également bien connus des services anti-terroristes. Remarquable qu'ils puissent tous trouver à se loger dans un appartement fortifié grâce à un Jawad Bendaoud aussi con que connu par ces mêmes services. Sans parler du providentiel exercice grandeur nature des hôpitaux de Paris et du SAMU parisien le matin même (5).

Rien de tout cela ne fait preuve de quoi que ce soit et il est bien trop tôt pour former des hypothèses alternatives qui tiennent la route. Néanmoins le fait que ce type de manipulation existe, le fait que les officines secrètes qui informent les exécutifs soient par nature profondément cyniques et opportunistes (cas d'école: la CIA qui monta de toutes pièces le dossier des armes de destruction massive en Irak), entérinent le doute et la pensée critique comme rempart essentiel face à tout choc dont le pouvoir tire un bénéfice immédiat. A fortiori quand il s'agit de lui permettre de faire reculer les libertés au nom de la « sécurité ».


Notes :

(1) http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2015/11/27/01016-20151127ARTFIG00154-la-france-prevoit-d-enfreindre-les-droits-de-l-homme-avec-l-etat-d-urgence.php

(2) http://rhubarbe.net/2015/11/20/etat-durgence-il-y-a-bien-un-dieu-pour-les-imbeciles/

(3) http://rhubarbe.net/2015/10/01/intelexit-aide-aux-dissidents-des-services-secrets/ , http://rhubarbe.net/2015/05/18/services-secrets-letat-cest-nous/ ou encore http://rhubarbe.net/2015/04/29/services-secrets-marche-pied-vers-la-dictature/

(4) Ce blog contient une série d'article sur cet événement, et tente de trouver un équilibre entre la crédulité politiquement correcte et le complotisme pur et dur. http://rhubarbe.net/tag/11-septembre-2001/

(5) https://www.youtube.com/watch?v=sbloJkmQ8L8&feature=youtu.be