Des heurts ont opposé mercredi la police grecque à des manifestants alors qu'environ 100.000 travailleurs, étudiants et retraités défilaient à Athènes en direction du Parlement hellénique dans le cadre d'une grève nationale contre la politique de rigueur du gouvernement.

La police anti-émeute a fait usage de gaz lacrymogènes et de bombes éclairantes contre des manifestants qui lançaient des cocktails Molotov, enfumant la place Syntagma d'Athènes où des grévistes couraient se mettre à l'abri.

Ce débrayage de 24 heures, observé par les employés du public et du privé, a paralysé les transports publics et aériens et entraîné la fermeture des écoles. Un service minimum était assuré dans les hôpitaux. Il s'agissait de la première grève nationale de l'année contre la réduction des dépenses publiques.

Environ 100.000 personnes ont traversé la capitale en scandant "Nous ne paierons pas" et "Pas de sacrifice pour la ploutocratie". Selon des sources policières et des témoins, ce défilé est le plus important observé dans le pays depuis les émeutes de décembre 2008, qui durèrent plusieurs semaines.

Les policiers ont tiré des gaz lacrymogènes à plusieurs endroits pour disperser des manifestants qui leur lançaient aussi des pierres et des bouteilles de plastique. Les boutiques avaient baissé leurs rideaux et les hôtels du centre d'Athènes verrouillé leurs portes.

Quinze policiers et dix civils ont été blessés, dont un journaliste touché sans gravité par un cocktail Molotov, ont indiqué des responsables de police. Vingt-six manifestants au moins ont été arrêtés.

Des contestataires ont arraché des plaques de marbre pour s'en servir de projectiles contre les forces de l'ordre. D'autres ont mis le feu à des poubelles, endommagé des arrêts de bus. Sur une banderole noire déployée devant le Parlement, on lisait "Nous sommes en train de mourir".

"Ça suffit ! Toutes ces hausses d'impôts tuent nos entreprises et nous devons licencier", a dit un patron de bar, Costas Loras, 42 ans.

L'an dernier, le gouvernement socialiste a dû baisser les salaires et le montant des retraites et augmenter les impôts, dans le cadre du plan de réduction des dépenses et des déficits publics engagé avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), en échange d'un prêt de 110 milliards d'euros qui a sauvé la Grèce de la faillite.

L'UE et le FMI ont donné leur feu vert début février au déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 15 milliards d'euros qui viennent s'ajouter aux 38 milliards déjà reçus par la Grèce. Mais ils ont réclamé d'autres réformes structurelles.

"Ce traitement est pire que la maladie, cela enrichit les riches et appauvrit les pauvres", affirme Yannis Panagopoulos, président du syndicat GSEE, le plus important du pays. "Nous continuons le combat, nous n'arrêterons pas."

Selon les analystes, le mouvement de grève ne devrait pas inciter le gouvernement à infléchir sa politique.

"Les gens ont démontré une fois encore leur opposition aux mesures d'austérité. Mais quelle que soit la taille de ces manifestations, elles ne peuvent pas modifier la politique gouvernementale", note Costas Panagopoulos, chef de l'institut de sondage Alco. "Mais la majorité des Grecs estiment que la charge n'est pas répartie équitablement et c'est un problème".

Les syndicats GSEE (secteur privé) et Adedy (public), qui représentent environ 2,5 millions de salariés, soit la moitié des travailleurs grecs, estiment que les mesures d'austérité nuisent à l'économie.

Le chômage a atteint un taux record de 13,9% en novembre et le PIB grec s'est contracté de 4,5% en 2010.

Marine Pennetier, Clément Guillou et Philippe Bas-Rabérin pour le service français