David Cameron
© Neil Hall/Reuters ‘The past few days have confirmed that David Cameron is effectively in the Downing Street branch of the super-rich.’
Si les fuites de données avait véritablement pour but de «traquer Poutine», comme le croient certains, ce projet semble se retourner contre ses propres auteurs, puisque c'est David Cameron, un allié des Etats-Unis, qui doit faire face à la plus grande pression venant de ces révélations.

Ce qui éveille les suspicions quant à une attaque contre l'«ennemi officiel» des Etats-Unis, c'est le moment précis où les Panama Papers ont été publiés : une semaine seulement après que la Russie a aidé l'armée syrienne à libérer Palmyre, portant ainsi un coup de plus aux projets américains de changement de régime en Syrie - et après que les documents ont été partagés par deux organisations particulières, l' Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), recevant des financements de la part d'Open Society Foundations - et aussi d'USAID dans le cas de la première.

Georges Soros, 16e fortune du monde, est un ennemi célèbre du gouvernement russe. Il a lancé cette année à Davos son habituelle attaque contre la Russie et sa politique - toute «fuite» ou suggestion qui pourrait présenter Vladimir Poutine sous un mauvais jour servirait, bien évidemment, les intérêts du milliardaire.

L'absence de ressortissants Américains importants au sein des 11,5 millions de documents rendus publics fait aussi froncer des sourcils.

Mais s'il s'agit vraiment d'un complot américano-sorosien cherchant à créer le trouble en Russie l'année des élections législatives, dans ce cas, ce plan semble être plutôt d'inspiration «baldrickienne» [du nom d'un personnage humoristique un peu idiot de la BBC] qu'«einsteinienne».

Alors que les «ennemis officiels», Vladimir Poutine et Bachar el-Assad, ont obligatoirement fait les manchettes le jour de l'annonce des fuites, l'histoire a désormais évolué et risque de compromettre la carrière d'individus à Washington qui ne devaient sûrement pas avoir envie d'être affectés par ces révélations.

En outre, les fuites ont également jeté un éclairage cru sur le système économique turbo-mondialiste favorable aux élites, conçu non pas en Russie, mais par le soi-disant «marché libre» aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne dans les années 1970.

Les fuites de Panama ont ouvert la boîte de Pandore et - ironie du sort au vu de la provenance des financements de l'ICIJ et de l'OCCRP - ce sont les milliardaires-capitalistes du monde, comme George Soros, qui ont très bien profité des changements économiques des quarante dernières années, qui ont le plus à craindre de la réaction populaire.

C'est là que le bât blesse : depuis la fin des années 1970 et l'arrivée du thatchérisme et des reaganomics, nous avons vu un transfert massif de la richesse du plus grand nombre vers les ultra-riches, les politiques néolibérales favorables aux élites ayant remplacé les politiques plus collectivistes qui étaient pratiquées pendant près d'une trentaine d'années après la Seconde Guerre mondiale.

En Grande-Bretagne, un rapport de l'OCDE de 2011 a constaté que la part des revenus de 1% des gens les plus riches a plus que doublé au cours de la période 1970-2005. En octobre dernier, l'ONG Oxfam a révélé que la moitié de toute la richesse du monde était concentrée dans les mains d'1% de la population.

Les fuites du Panama, décrites par le lanceur d'alerte Edward Snowden comme «la plus grande fuite de l'histoire du journalisme de données», nous montre comment les ultra-riches de la planète exploitent le système actuel de manière encore plus intense afin de garder leur richesse loin du fisc et deviennent encore plus riches à nos dépens.

Et ce que montrent clairement ces révélations, c'est que les ultra-riches ne seraient pas en mesure de le faire sans l'aide des banques, des avocats, des comptables et autres intermédiaires qui n'agissent absolument pas pour l'intérêt général.

Les néoconservateurs britanniques et les sorosiens «libéraux» qui sans doute jubilaient à propos des titres de lundi [4 avril] aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne impliquant Vladimir Poutine et Bachar el-Assad, n'ont vraiment rien à dire à ce sujet, car si aucune des personnes dont le nom est mentionné dans ces fuites ne sent la rose, le plus obéissant des alliés de Washington, la Grande-Bretagne et ses élites politiques et financières, semblent être les plus affectés par ce scandale.

Plus nous lisons au sujet des fuites, plus nous comprenons le rôle clé de la ville de Londres, des territoires britanniques d'outre-mer et des dépendances de la Couronne dans le système mondial de l'évasion fiscale.


Commentaire : En d'autres termes, un moyen pour Washington d'accentuer la pression sur Londres pour faire en sorte que le seul refuge vraisemblable pour les actifs non déclarés soient les banques des paradis fiscaux américains (Delaware, Nevada, Wyoming et autres) :

Le coup de maître des USA


Après Hong Kong (qui, il ne faut pas l'oublier, était un territoire britannique jusqu'en 1997), ce sont les entreprises britanniques qui figurent le plus souvent dans les documents du Panama. Dans l'ensemble, 1 900 entreprises britanniques qui ont utilisé les services de Mossack-Fonseca - et plus de la moitié des 300 000 entreprises qui sont soupçonnées de les avoir utilises - sont enregistrées dans les territoires d'outre-mer britanniques ou des dépendances de la Couronne.

Le rôle des banques britanniques, telles que HSBC, Rothschild et Coutts consistant à aider les riches à planquer leurs bénéfices loin, dans des paradis fiscaux, a également été mis en évidence.

En effet, le scandale de ces Panama Papers touche le cœur de l'establishment britannique, les noms des principaux donateurs du parti conservateur ayant été évoqués dans les documents divulgués.

Mais ce sont les révélations sur le défunt père de l'actuel Premier ministre, qui pourraient nuire le plus à David Cameron et à son gouvernement.

Ian Cameron, un agent de change multimillionnaire, était directeur d'un fonds d'investissement appelé Blairmore, enregistré au Panama et dirigé depuis les Bahamas. Le fonds, qui aidait les ultra-riches britanniques à protéger leurs investissements du fisc britannique, n'a jamais payé un sou d'impôts depuis plus de trente ans.

David Cameron a été accusé de ne pas avoir «rendu compte de façon claire et complète» de ses liens avec le fonds créé par son père. Le 10 Downing street a tout d'abord fait savoir que les affaires fiscales de David Cameron étaient une «affaire privée». Puis, le lendemain, le 5 avril, il y a une nouvelle déclaration : «Pour être clair, le Premier ministre, sa femme et leurs enfants ne bénéficient pas de fonds offshore. Le Premier ministre ne détient aucune action».

Mais le jour d'après, le 6 avril, une histoire légèrement différente a fait surface. On nous a précisé qu'il n'y avait «pas de fondation ou de fonds offshore» dont David Cameron ou sa famille proche bénéficieraient «à l'avenir».

Ce qui rend tout cela plus difficile à accepter, ce sont les politiques d'austérité qui pèsent sur le peuple britannique et qui ont été initiées par Cameron et son parti.

Rien qu'une semaine auparavant (ou à peu près), il a été révélé que plus de 300 bibliothèques publiques avaient été contraintes de fermer en Angleterre et au Pays de Galles depuis 2010 en raison de la réduction des dépenses de l'Etat. Ces coupes budgétaires - comme on nous dit - sont faites pour aider à réduire le déficit public, mais imaginez à quel point les finances publiques auraient été saines si, au lieu d'esquiver l'impôt et d'aider les autres à y échapper, les multimillionnaires, comme le père du Premier ministre, avaient cotisé de manière adéquate ?

Comme le chef de l'opposition, Jeremy Corbyn, a déclaré à juste titre, «cet argent, est pris à notre service de santé, à nos services locaux».

Dans une période d'abondance, l'évasion fiscale de la part des super-riches ne provoquait qu'un haussement d'épaules, mais dans une période de coupes budgétaires aux conséquences désastreuses pour les individus et les communautés, cela est suffisant pour transformer l'individu le plus doux et le plus modéré politiquement en un révolutionnaire équipé d'une fourche.

En Grande-Bretagne, les révélations des #PanamaPapers sont susceptibles de donner un coup de pouce à Jeremy Corbyn avant d'importantes élections locales le mois prochain. Et en Amérique, c'est Bernie Sanders qui pourrait en être le bénéficiaire. Un article paru dans le journal Wednesday's Independent en Grande-Bretagne affirme que «Les Panama Papers pourraient amener Bernie Sanders à la Maison Blanche».

«Personne ne va subir autant de pression que Hillary Clinton», affirme Matthew Turner. «Pour certains Américains, elle est l'incarnation d'une "élite universelle", tandis que Bernie Sanders est son contraire... L'énorme fuite démontre que les gouvernements à travers le monde ignorent délibérément l'évasion fiscale des riches. Bien que Hillary Clinton n'ait été liée à aucun des délits évoqués par la fuite, il y a un sentiment qu'elle fait partie de cette élite riche, dont certains membres ont profité de ces procédés», a-t-il poursuivi.

Eh bien, si les #PanamaPapers aident véritablement Bernie Sanders à entrer à la Maison Blanche et, aussi, Jeremy Corbyn au 10 Downing Street en Grande-Bretagne, nous ne pouvons qu'imaginer l'éventuelle réaction de George Soros. Après tout, c'est un homme qui a fait don de sept millions de dollars au Super PAC (Comité d'action politique) de Hillary Clinton.

En dépit de toute sa rhétorique progressiste, la dernière chose que le «libéral» George Soros aimerait voir est un retour des économies socialistes à l'Ouest et à travers le monde. Après tout, il a passé des décennies à aider au renversement et à déstabiliser les gouvernements qui plaçaient leur peuple au-dessus des intérêts des capitalistes, ces prédateurs du monde et bailleurs de fonds à son image. Son obsession pour Poutine serait-elle si grande qu'il puisse prendre le risque de faire s'écrouler le système tout entier avec lui ?

Les fuites du Panama peuvent être ou ne pas être une partie d'un complot contre la Russie, et il convient de souligner que le chef de l'ICIJ, Gerard Ryle, a nié que ce soit le cas, mais une chose est sûre : leurs conséquences vont se faire ressentir à travers le monde et pas seulement en Islande, où des manifestations publiques ont déjà conduit au départ du Premier ministre, Sigmundur David Gunnlaugsson, dont les Panama Papers ont révélé qu'il avait des liens avec une société offshore.

Mais revenons à Pandore. Après qu'elle ait refermé sa boîte, une chose demeurera : l'espoir. Et c'est un atout que nous avons, nous, aujourd'hui. Espérons que nous pourrons changer un système qui, à l'échelle mondiale, profite aux ultra-riches aux dépens de tous les autres.

Si, avec le temps, les #PanamaPapers vont véritablement nous apporter un système économique mondial plus juste et plus transparent, dans lequel les paradis fiscaux seront fermés et la richesse du 1% de la population la plus riche utilisée pour le bien commun, alors, il faudra vraiment acclamer trois fois ceux qui ont rendu ces documents pubics, quels qu'ils soient, indépendamment de ceux qui les financent et quelles que fussent leurs intentions de départ.