antibiotiques
© ShutterstockDix millions de personnes supplémentaires par an pourraient décéder à cause de la résistance aux antibiotiques à l’horizon 2050, selon un rapport commandé par le gouvernement britannique
La résistance aux antibiotiques pourrait faire 10 millions de morts supplémentaires par an d'ici 2050, selon une grande étude britannique. Soit un décès toutes les trois secondes.

« Les antibiotiques, c'est pas automatique ! » Un slogan bien connu des Français, lancé en 2002 par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les pouvoirs publics, dans le cadre d'une campagne d'information visant à réduire la consommation d'antibiotiques, et qui n'a jamais autant été d'actualité. Et pour cause : dix millions de personnes supplémentaires par an pourraient décéder à cause de la résistance aux antibiotiques à l'horizon 2050, selon un rapport commandé par le gouvernement britannique. Soit une personne toutes les trois secondes.

Cette grande étude sur la résistance aux antimicrobiens, confiée à l'économiste et ancien président de la gestion d'actifs de Goldman Sachs, Jim O'Neill, veut sensibiliser le monde entier à ce fléau.
« Il faut que cela devienne une priorité pour tous les chefs d'État », a souligné le rapporteur, afin « d'éviter que la médecine préventive retourne au Moyen Âge ».
Une ère post-antibiotiques dangereuse

Il faut rappeler que les antibiotiques sont aussi primordiaux dans la prévention des infections que dans leur traitement. Il est donc extrêmement important de veiller à ne pas en abuser car les bactéries s'adaptent à ces médicaments et mutent en de super-bactéries résistantes. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti en novembre que la planète se dirigeait vers une « ère post-antibiotiques dans laquelle les infections courantes pourront recommencer à tuer », telles que la pneumonie (si courante avant l'apparition des premiers antibiotiques) ou encore la blennorragie.

Comme le précise The Guardian, « sans les antibiotiques, la chirurgie pourrait être dangereuse pour l'être humain ». Ainsi que le « don d'organe entre patients » qui repose sur l'utilisation de ces médicaments afin de permettre notamment au système immunitaire du receveur de ne pas rejeter la greffe. Ou encore l'accouchement pourrait devenir bien plus dangereux qu'il ne l'est actuellement.

Récompenser les industries qui mettent au point des nouveaux antibiotiques

L'étude menée par Jim O'Neill n'est pas la première du genre à tirer la sonnette d'alarme quant aux dangers du recours systématique aux antibiotiques, que ce soit au Royaume-Uni ou dans le reste du monde. Seulement, pour la première fois en Grande-Bretagne, un rapport commandé par le gouvernement est accompagné d'une série de mesures. Il propose ainsi la mise en place d'une campagne d'information publique sur les risques liés aux antibiotiques. Plusieurs sondages ont en effet montré que la population britannique restait encore mal informée sur le sujet.

Le rapport recommande également de déterminer des restrictions d'usage des antibiotiques, ainsi que la création d'une taxe sur l'utilisation de ces médicaments dans les élevages. Jim O'Neill propose par ailleurs de créer un fond de remboursement des entreprises pharmaceutiques qui auront réussi à développer un nouvel antibiotique répondant « à un besoin non satisfait ». Cela prendrait la forme d'un paiement d'environ 1,3 milliard de dollars pour aider à l'entrée sur le marché du nouveau médicament.

La résistance aux antibiotiques : un enjeu économique mondial

Surtout, cette étude met pour la première fois en avant l'enjeu économique mondiale que représente la résistance aux antibiotiques. Si les prédictions sont justes, le bilan du nombre de personnes qui décéderont d'une maladie liée à une super-bactérie pourrait donc s'alourdir à 10 millions par an supplémentaires d'ici 2050, soit plus que le cancer actuellement. Cela coûterait jusqu'à 100.000 milliards de dollars à l'économie mondiale.

A contrario, constate sur son site la revue scientifique Science, en suivant les recommandations du rapport, la surveillance de la consommation et la production de nouveaux antibiotiques plus efficaces et mieux gérés, coûterait seulement entre 3 et 4 milliards de dollars par an. Soit « 0,05 % de ce que l'ensemble des pays du G20 dépensent pour leur système de soins actuellement ».

Bientôt de nouveaux antibiotiques ?

D'autant que, dans le combat contre les résistances aux antimicrobiens, un nouvel espoir a été apporté récemment par une équipe de scientifiques. Selon leur étude, publiée ce mercredi 18 mai dans le revue Nature, ils pourraient bien avoir découvert une nouvelle méthode pour concevoir des antibiotiques qui pourrait aboutir à la création de milliers de nouveaux médicaments.

Toutefois, il est encore trop tôt pour dire si ceux-ci combattront efficacement les super-bactéries, ni même au bout de combien de temps elles finiront par réagir à ces médicaments et à muter de nouveau. Les scientifiques restent prudent quand au développement de nouveaux antibiotiques. S'il s'agit d'un enjeu primordial pour le secteur sanitaire du monde entier, cela reste un domaine extrêmement sensible.