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Des recherches ont dévoilé des concentrations d'antibiotiques élevées dans les eaux de surface en Chine, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes quant à la salubrité de l'eau de consommation au sein de la population.

« Boire de l'eau revient à prendre des médicaments », commentait de manière ironique un internaute sur Weibo, le Twitter chinois. « Rien d'étonnant que les médecins conseillent de boire beaucoup d'eau pour soigner la grippe et d'autres maladies », sous-entendait un autre blogueur.

Les chercheurs ont découvert que les eaux de surface contenaient 68 sortes d'antibiotiques, avec une concentration bien plus élevée que dans l'eau des pays développés, selon un rapport publié dans la revue spécialisée Chinese Science Bulletin.

Toujours selon ce rapport publié la semaine dernière, 90 autres ingrédients médicaux sans antibiotiques ont également été identifiés dans l'eau.

Dans certaines rivières de Chine, chaque litre d'eau prélevé s'est avéré contenir plusieurs centaines de nanogrammes d'antibiotiques, alors que ce taux est inférieur à 20 nanogrammes dans les pays développés.

Le rapport, rédigé par l'Université des sciences et des technologies de l'Est de la Chine, en partenariat avec les universités Tongji et Tsinghua, se penche sur les produits pharmaceutiques et de soins personnels (PPSP).

Les PPSP incluent différents types de cosmétiques, de médicaments délivrés sur ordonnance, d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires et de sédatifs. La Chine produit plus de 33 000 tonnes de PPSP par an, ce qui explique en partie que les chercheurs ont découvert une concentration si élevée dans l'eau, souligne le rapport.

Les sources principales des PPSP sont les stations d'épuration des eaux usées, les eaux usées issues de l'élevage de bétail, les sociétés pharmaceutiques, les hôpitaux et les terres agricoles.

Des données officielles ont démontré que 70% des médicaments chinois sont des antibiotiques, contre 30 % dans les pays occidentaux.

Sur l'ensemble des antibiotiques, seuls 20 % sont absorbés par l'être humain. Le reste est excrété et constitue une menace pour l'environnement, explique le professeur Yu Feng de l'Université pharmaceutique de Chine à Nanjing, dans la province du Jiangsu (est).

Au moins 15 000 tonnes de médicaments arrivent à expiration et finissent à la poubelle chaque année, précise le professeur. Et ce dernier d'ajouter : « Les déchets, s'ils ne sont pas correctement traités, contaminent souvent les eaux de surface ».

L'utilisation répandue des antibiotiques dans le secteur de l'élevage augmente également les risques de pollution de l'eau et des sols, analyse Yu Feng.

Si de nombreux spécialistes de l'ingénierie environnementale affirment que les niveaux actuels d'antibiotiques pourraient ne pas menacer immédiatement la salubrité de l'eau de consommation, les professionnels de la santé, eux, mettent en garde contre des risques imminents.

Les PPSP sont des ennemis invisibles de l'être humain, souligne le professeur Yu Feng. « Les antibiotiques présents dans l'eau, lorsqu'ils sont ingérés par des individus, vont entraîner une résistance aux médicaments et réduire les effets de ceux-ci en cas de maladie. »

D'un autre côté, lorsque les antibiotiques pénètrent dans la chaîne alimentaire et s'accumulent dans le corps humain, ils altèrent l'immunité et affectent les générations futures, met en garde Yu Feng.

« Il est grand temps de renforcer la gestion des antibiotiques, notamment leur utilisation et la manière dont ils sont distribués », commente Sun Binyuan, membre de l'administration chargée du contrôle des produits alimentaires et des médicaments de Hefei, dans la province de l'Anhui. « Les médecins devraient être sanctionnés lorsqu'ils prescrivent trop d'antibiotiques », suggère-t-il.

Selon lui, la Chine devrait par ailleurs suivre l'exemple de l'Union européenne et interdire l'utilisation d'antibiotiques dans les fourrages, mais aussi rechercher des substituts pour protéger les intérêts des agriculteurs tout en minimisant les risques pour l'environnement.

Dans un rapport de travail du gouvernement publié par le Congrès national populaire au mois de mars, le Premier ministre Li Keqiang avait pour sa part annoncé un projet visant à purifier l'eau, inscrit dans le cadre de sa « guerre contre la pollution ».